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Critique de Lamifranz


Zola n'a pas écrit que les Rougon-Macquart : on lui doit aussi plusieurs autres romans ainsi que quelques recueils de nouvelles où, c'est une belle surprise, il ne s'embarque pas dans de longues descriptions mais va directement à l'essentiel, vous me direz c'est un peu la raison d'être de la nouvelle : dire le maximum (et l'optimum) en peu de mots (cf. Maupassant, le maître en la matière) avec concision et précision.
Quand en 1945, Marcel Pagnol décide d'adapter « Naïs Micoulin » il a devant lui un texte court (cinq petits chapitres) qui raconte une histoire provençale (mais qui aurait pu se passer n'importe où) : l'histoire d'une fille de ferme battue par son père, métayer chez les Rostaing (Rostand dans la nouvelle), qui s'amourache (la fille, pas le père) de Frédéric, le fils des patrons, pour son malheur. le paysan violent envisage un temps de tuer Frédéric, mais c'est lui qui meurt dans un éboulement. Finalement Naïs épouse Toine, un valet bossu qui est amoureux d'elle depuis le début.
De ce canevas, Pagnol tire un scénario « à la Pagnol » : contrairement à ses autres adaptations, il intervient dans le déroulé de l'action : il édulcore le caractère de Frédéric, (dans le roman, c'est un viveur qui fait de Naïs un passetemps, dans le film, il est vraiment épris) et surtout il change la fin : Naïs et Frédéric se marient avec la bénédiction de Toine qui s'efface.
Zola avait écrit un drame campagnard, Pagnol en fait un conte provençal. Il y a mort d'homme, bien sûr, mais ça arrange tout le monde. Et puis, ce qui fait que c'est du Pagnol et pas autre chose, c'est la profonde humanité qui ressort des personnages : Naïs est un personnage charmant de naïveté et de finesse, et Toine, surtout, est un bossu à la Quasimodo, laid à l'extérieur et beau à l'intérieur. Fernandel, à peu de choses près, reprend le rôle de Saturnin dans « Angèle », ou De Félipe dans « La Fille du Puisatier », mais il met dans ce personnage-ci une telle émotion, qu'on voit bien que le rôle a été écrit pour lui :
« Un jour, un voisin, qui était très gentil, m'a dit : « Oh, le joli petit bossu ! » J'ai demandé à ma grand-mère : « Qu'est-ce que c'est, un bossu ? » Alors elle m'a chanté une vieille chanson. Je me rappelle pas la musique, mais les paroles, ça disait comme ça : (il chante)
Un rêve m'a dit une chose étrange,
Un secret de Dieu qu'on n'a jamais su,
Les petits bossus sont de petits anges,
Qui cachent leurs ailes sous leurs pardessus.
Voilà le secret des petits bossus...
les grand-mères, madame Rostaing, c'est comme le mimosa, c'est doux et c'est frais, mais c'est fragile. Un matin, elle n'était plus là. Une bosse et une grand-mère, ça va très bien, on peut chanter. Mai, un petit bossu qui a perdu sa grand-mère, c'est un bossu tout court ».
Cette réplique est sans doute la plus belle du film. Mais Pagnol en sème d'autres tout au long de ce scénario. Ce pourrait n'être que des joliesses de langage, des coquetteries de dialogues, nous voyons bien que Pagnol déverse à plein flot son humanité, son émotion : A la fin Naïs et Frédéric partent à Aix avec M. et Mme Rostaing. Toine offre un bouquet de fleurs des champs à Mme Rostaing :
Mme Rostaing : « Merci, Toine. On m'a donné beaucoup de fleurs dans ma vie. Celles-ci ne sont pas les plus jolies, mais ce sont certainement les plus belles ».
Le tournage en 1945, réunissait Marcel Pagnol, Jacqueline Bouvier (future Jacqueline Pagnol) et Raymond Pellegrin, ainsi que Henri Poupon et Henri Arius, et aussi un personnage de bossu. Tout ce beau monde se retrouvera à l'affiche de « Manon des sources » …
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