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Critique de CorinneCo


Long poème chaotique accroché à des bribes d'histoire policière comme un camouflé. Tableau monochrome d'un pays brisé. Os plus que chair. Voyage dans un esprit et un pays malades, étranglés par l'obsession d'être vaincus et d'être supérieurs. L'inspecteur Minami harassé par la chaleur, l'action se passe en été, brisé par sa vie et sa non-vie, broyé par son passé, est une ombre en train de s'effacer. Existe-t-il vraiment ? On en vient à douter. D'ailleurs tout est ombre et souffle. Tout est son et odeur. Peace nous éreinte comme il sait si bien le faire. Il décrit un pays épuisé par la guerre, la défaite, la honte et la recherche de coupables. Et nous devons y participer coûte que coûte, même à contrecoeur. Ce livre poétique, truffé de redites; répétitions sans fin donnant un sentiment de surplace, de trou sans fond où rien de peut sortir que ce soit en négatif ou en positif, peut lasser. Chez moi la lassitude vient de l'ennui et non de la difficulté et je dois dire ; j'ai failli m'ennuyer. Je me suis même demandée jusqu'où était le fondement final de ce style d'écriture. C'est à la fois esthétique, abscons, hermétique et volatile. J'ai eu envie parfois que tout cela décolle. Mais je comprends parfaitement que cela n'arrive pas. Je dois dire que je sortais de la lecture d'American tabloid ; sur une autoroute à cinq voies, à fond la caisse, et qu'importe si on rentre dans le décor et là je me suis retrouvée sur des chemins de traverse, des sentiers de terre où on doit faire attention à chaque ornière, chaque bourbier pour ne pas chuter. Chute irrémissible. Chez Ellroy même si on s'enfonce dans la fange, on entend toujours au détour d'un mot ou d'une phrase l'écho des trompettes « célestes ». Chez Peace nous avons plutôt l'impression d'être dans cette grande toile de Gustave Doré "Dante et Virgile dans le neuvième cercle de l'Enfer". Beau et sans issue. L'inspecteur Minami rêve sûrement sa vie sans qu'il puisse l'exprimer. Ce ne sont que ses cauchemars qui restent. Sous couvert de cette « hallucination » nippone il y a une leçon d'histoire et de société. A ce niveau Peace n'a rien à envier à Ellroy dans la force à mêler l'historique et le sociologique à l'intrigue policière. Bien sûr je vais lire avec une attention particulière Tokyo ville occupée, car quoique mes réticences soient là, j'aime ce que propose David Peace, j'aime sa recherche, sa plume, ses histoires, cette façon de pulvériser un récit (même si parfois je grince des dents). Les litanies de Peace peuvent ressembler à des talismans. Echos d'un monde perdu, renaissant malgré tout. Minami dans sa boite de silence nous tend un miroir. Ton ton, ton ton, ton ton, ton ton, ton ton, ton ton.....
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