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Critique de Sokleine


On ne peut qu'être horrifié à la lecture de ce roman historique poignant, qui relate avec beaucoup de réalisme le destin tragique de Marie Bartête, la dernière bagnarde de Guyane.

Abandonnée par ses parents, exploitée, maltraitée, violée, cette jeune fille béarnaise, commit, juste pour survivre, de menus larcins, quelques vols de nourriture sur le marché, hélas répréhensibles et pour lesquels elle paya sa dette. Elle aurait dû uniquement être condamnée à ces courts séjours en prison, mais c'était sans compter avec les lois de 1854 et de 1885 qui prévoyaient pour les récidivistes, les "relégués" un emprisonnement perpétuel en Guyane. Par ce dispositif légal mais révoltant, l'état se débarrassait des petits délinquants et souhaitait peupler les territoires colonisés. On se demande, avec du recul, comment des lois aussi scandaleuses ont pu être votées...

C'est ainsi que Marie en 1888, alors âgée de 20 ans, embarqua sur le bateau Ville de Saint-Nazaire avec plusieurs dizaines d'autres prisonnières. La traversée effectuée en fond de cale dans des conditions inhumaines dura six semaines interminables. Malnutrition, maladies, agressions sexuelles... on déplora quatre viols, deux morts et plusieurs femmes en état de faiblesse extrême à l'arrivée en Guyane.

L'état, en condamnant ces "reléguées" à la déportation, leur avait fait miroiter une nouvelle vie, dans un pays où il fait toujours beau... Certaines y croyaient, entrevoyaient une lueur d'espoir dans leur existence jusqu'ici misérable.

"A Cayenne tu sais qu'on pourra se marier et même avoir une propriété. Une maison. Tu te rends compte ? Il paraît qu'ils en donnent à ceux qui se tiennent bien. C'est une deuxième chance pour nous ce voyage."

A peine arrivées à destination, les prisonnières déchantèrent rapidement et durent se rendre à l'évidence que c'était bien l'enfer qui les attendaient. Hébergement improvisé et insalubre, conditions d'hygiène déplorables, terre inhospitalière et dangereuse (intempéries, insectes, serpents), confrontation à la violence des gardiens et des bagnards libérés qui imposent leur loi...

C'est cet enfer que nous décrit l'autrice avec réalisme et sensibilité. Bernadette Pécassou-Camebrac, comme on le sait, est journaliste et romancière. Elle a effectué un difficile travail de recherche historique, afin de nous sensibiliser au bagne des femmes beaucoup moins connu que ceui des hommes. (On se souvient d'Henri Charrière alias Papillon). Les prisonnières étaient pour la plupart des filles de la campagne, pauvres et illettrées. Comment auraient-elles pu laisser des traces écrites de leur détention ? Elles étaient simplement abandonnées de tous. Malgré les rapports adressés en métropole par les médecins dénonçant les conditions de vie indignes de ces femmes, l'administration française continua les convois féminins jusqu'en 1904.

Marie Bartête n'eut jamais la possibilité de revenir en France et vécut en Guyane jusqu'à son décès en 1938. Pourtant un léger espoir de retour se dessina en 1923 lorsqu'elle rencontra et discuta avec Albert Londres, venu enquêter sur le bagne des hommes toujours en vigueur à l'époque. La publication de son récit le Bagne fit grand bruit et contribua à la fermeture du pénitencier, seulement 20 ans plus tard !

#Challenge illimité des Départements français en lectures (973 - Guyane)
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