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Critique de Zora-la-Rousse


Si la psychanalyse est immanquablement rattachée à Sigmund Freud, on y associe également les noms de Carl Gustav Jung, ou plus récemment de Jacques Lacan mais peu de Sándor Ferenczi. Pourtant, il fut l'un des plus proches collaborateurs et ami du premier, le frère ennemi du second et l'inspirateur du troisième…

Comme le décrit si bien Benoît Peeters, et pour reprendre un propos d'Anna Freud, Sándor Ferenczi est « l'enfant terrible de la psychanalyse ». Ne confiait-il d'ailleurs pas à la fin de sa vie, dans son Journal clinique : « Je n'ai donc jamais été adulte ». Se positionnant en effet symboliquement comme un enfant de Freud, il mit toute une vie à s'affranchir de cette relation filiale.
La plus belle preuve de cette relation hors du commun reste la correspondance entre les deux hommes qui débute en 1908 pour s'achever avec la mort de Ferenczi en 1933. Elle y verra s'inscrire l'amitié, les échanges d'idées et de concepts, les interrogations sentimentales et les inquiétudes du corps et de l'esprit.
Elle témoigne des grandes attentes réciproques de l'un vis-à-vis de l'autre, chargées d'une grande intensité émotionnelle, qui finiront inévitablement par être déçues. Cependant, ce sont bien ces émotions éprouvées qui les pousseront à produire leurs plus grands textes.
Très longtemps dans l'ombre du « père », Ferenczi s'interdit longtemps une forme de réflexion propre, qui s'installera cependant à la fin de sa vie. Poussé en cela par Lou Andreas-Salomé, par ses amitiés avec Otto Rank ou Georg Groddeck, il développe les notions de « tact », de « technique active », abordant par ce biais une nouvelle vision de l'analyste, apte à vivre ce qu'éprouve son patient, tout en acceptant le contre-transfert.

Ce qui frappe dans cette biographie, c'est la grande capacité de Ferenczi à se nourrir et à apprendre de ses propres erreurs. Une auto-critique permanente couplée à des prises de risques et à un dévouement sans limites à ses patients font de lui un analyste hors du commun. Après s'être consacré longuement à l'élaboration de théories psychanalytiques à l'image de Freud, démarche illustrée par son essai Thalassa, il s'est ensuite tourné et totalement investi dans la pratique et les séances d'analyse tel un « thérapeute incorrigible », créant ainsi la première fissure avec le maître qui admettait lui-même qu'il lui manquait le besoin d'aider,
A partir de 1930, leurs dissensions s'accentuent, Ferenczi s'affranchit d'avoir été « un fils aveuglé et dépendant ». Malheureusement, la maladie qui le ronge depuis plusieurs années mettra fin à son travail d'autoanalyse, un mal qu'il considère dans un écrit comme une conséquence de ses rapports à Freud, ce qui lui fera écrire ces mots poignants : « Et, de même que je dois maintenant reconstituer de nouveaux globules rouges, est-ce que je dois (si je peux) me créer une nouvelle base de personnalité et abandonner comme fausse et peu fiable celle que j'avais jusqu'à présent ? Ai-je ici le choix entre mourir et me « réaménager » et ce à l'âge de cinquante-neuf ans ? »
Grâce à Ferenczi, de grandes avancées ont été produites sur le « trauma », sur la psychologie de l'enfant, sur l'empathie... Lui dont Freud puis Ernest Jones s'étaient convaincus d'une dégénérescence psychique sur les dernières années de sa vie, expliquant ainsi leurs désaccords profonds, s'est trouvé fort heureusement réhabilité sur la justesse de ses travaux par son ami Michael Balint mais aussi par le psychanalyste français Vladimir Granoff. Son influence sera assumée par Mélanie Klein dont il fut le premier psychanalyste ou Donald Winnicott.

Pour qui porte un intérêt curieux à la psychanalyse et sa genèse, ce livre est à lire.
Pour qui veut découvrir un personnage hors du commun, ce livre est à lire.

Je remercie beaucoup Babelio et les éditions Flammarion pour ce cadeau, offert dans le cadre de l'opération Masse critique. Il y a décidément des livres qui savent me trouver.
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