Cela explique aussi notre fascination pour l’histoire. Nous sommes dans une chaloupe à rames. Nous avançons droit devant, mais regardons toujours vers l’arrière.
(Flammarion, p.77)
Il se souvenait de ce qu’il ressentait dans la bibliothèque, à l’abri d’attaques possibles, mais entouré de choses encore plus dangereuses que ce qui traînait dans les corridors de l’école.
Car une bibliothèque abritait des pensées.
(Flammarion, p.77)
Le temps finissait par tout recouvrir de son grand manteau. Les événements, les gens, la mémoire...
La statue au sommet représentait un homme regardant la ville qu'il avait fondée quatre cents ans auparavant.
Samuel de Champlain.
...
Et même Gamache, pourtant pas un fanatique du nationalisme, éprouvait du respect et de l'admiration pour cet homme qui, grâce à sa vision et à son inébranlable courage, avait accompli ce que d'autres avant lui avaient essayé de faire mais sans succès.
C'est-à-dire de ne pas se contenter de venir sur les berges du fleuve pour faire provision de fourrures, de poissons et de bois, mais de vivre ici.
La vue s'étendait sur une telle distance qu'elle rejoignait le passé.
....il s’émerveilla devant la beauté de la neige fraîche dans les premières lueurs du jour.
Elle paraissait bleu pâle plutôt que blanche, et ici et là, elle scintillait comme de minuscules prismes, là où, après avoir tourbillonné, les flocons s'étaient amoncelés pour ensuite capter la lumière, la recomposer et la rediffuser. Comme quelque chose de vivant et joyeux.
Jamais Gamache ne le dirait à Henri, mais tous les deux savaient qu'il n'était pas le chien le plus courageux: Il n'était pas non plus, faut-il préciser, très intelligent. Il était cependant d'une loyauté absolue et savait ce qui importait: les repas, les promenades, les balles. Mais par-dessus tout, sa famille. Son cœur remplissait sa poitrine et s'étendait jusqu'à l'extrémité de sa queue et de ses oreilles énormes. Il remplissait sa tête et comprimait son cerveau. Or Henri, le chien trouvé, était un humaniste, et, bien que pas particulièrement futé, il était l'animal le plus brillant que Gamache connaissait. Tout ce qu'il savait, c'était son cœur qui le lui avait appris.
L’homme maigre et réservé l'avait plutôt dévisagé pendant quelques secondes, puis, après l'avoir invité à s'asseoir, lui avait dit les quatre phrases qui menaient à la sagesse. Il les avait dites une seule fois, ne les avait jamais répétées. Mais une fois avait été suffisante pour Gamache.
Je m'excuse. Je me suis trompé. J'ai besoin d'aide. Je ne sais pas.
Pour la première fois, Gamache fut frappé par cette expression. Mémoriser quelque chose signifiait l'apprendre par coeur. Les souvenirs étaient conservés dans le coeur, pas dans la tête.
Mais qu’arrivait-il aux personnes qui ne parlaient jamais, n’élevaient jamais la voix, gardaient tout à l’intérieur ?
Gamache savait ce qui leur arrivait. Chaque parole, chaque pensée, chaque émotion, tout ce qu’elles ravalaient tourbillonnait en elles et creusait un trou, un gouffre dans lequel elles enfonçaient leurs mots, leur rage.