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Citations sur Le chemin de plaine (15)

A vingt pas en aval une petite cascade murmurait une chanson claire… Je m’arrête. J’ai lu cent descriptions mieux faites que celle que je voulais tenter et toutes étaient inexactes, insuffisantes. On ne peut pas traduire la beauté simple d’un matin ingénu, la joie mesurée des réveils innocents, la légèreté de l’air, la jeunesse des feuilles et surtout la fluidité de l’eau. Comment dire, avec des mots pâteux, cette fuite de l’eau limpide ?

p. 28 de l’édition de 1921 parue chez Plon
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Quand perdra-t-on l’habitude de médire de la routine ? Si les instituteurs, oubliant qu’ils sont payés d’abord pour apprendre à lire aux enfants, n’opposaient pas la bienveillante inertie aux suggestions des beaux esprits, on perdrait beaucoup de temps dans les écoles de la République.

p. 97 de l’édition de 1921 parue chez Plon
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Il est très facile d’arriver ; tout le monde arrive. Mais combien peu de gens savent partir, et, surtout, combien peu savent s’évader.
Un… deux… trois… Ça y est. Ce n’était pas compliqué. J’ai dit :
— Madame, les soucis de mon installation matérielle…
Ils m’ont lâché tout de suite. Peut-être en avaient-ils assez, eux aussi…
En sortant, je me suis heurté à Évrard. Il a eu de la peine à me tendre la main parce qu’il portait un kilog de sucre et une bouteille d’huile bouchée avec du papier.

Il n’a plus son allure leste d’autrefois. À vingt-sept ans, il se voûte. La lumière de ses yeux ne danse plus ; sa fine moustache retombe. Comment la jolie blague légère que nous aimions sortirait-elle de ces lèvres frémissantes et tordues ?

Pauvre Évrard ! À vingt ans il a rencontré une jeune fille aux yeux singuliers, des yeux d’un bleu très foncé, fort beaux en vérité. Bêtement, il s’est marié. Depuis il est malheureux.
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Quoique jeune, je suis un vieux routier : j’ai déjà eu trois directeurs. Aussi pourquoi ai-je accepté ce déjeuner ? Je connais pourtant bien l’engrenage : l’accueil du premier jour, les petites prévenances qui lient, puis les menues exigences, les grandes exigences, les canailleries sournoises… Je me revois secoué sur la chaîne sans fin des capitulations journalières et sans force pour lâcher le « zut » libérateur.

Et ça va recommencer ! Ah ! mais non ! je file !

Mme Michaud parle, parle… Elle prononce « meil-lieur, » « trois heures-zet-demie… » Un flot d’huile coule.

Mais je n’y suis plus. Ce petit vent d’amitié quasi maternel a soufflé à rebrousse-poil.

Je ne songe qu’à fuir.
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Je fis ensuite une leçon d’histoire à tous ces pauvres enfants.

Il paraît que cela n’a pas été vivant. La pédagogie ancienne — la mienne — reposait sur une psychologie erronée. L’enseignement dogmatique a vécu; aujourd’hui on ne doit employer que la méthode active.

Il faut que les enfants trouvent eux-mêmes. Ils marchent en aventuriers vers le Chanaan de la science. Le maître les guide, mais de temps en temps il se défile derrière la nuée. Il ne frappe pas le rocher de sa verge; il montre un point sur le sable et il dit grattez !

Voilà ce que m’a conté tout d’un trait M. l’Inspecteur. Après quoi, il a fondu sur Évrard. Il l’a tenu jusqu’à cinq heures. Puis il a eu un grand conciliabule avec M. Michaud.

Il était venu, évidemment, avec l’intention de nous prendre en faute. On nous tient à l’œil. Évrard, secrétaire de notre " Fraternelle s, adjoint indocile, brouillé avec M. Michaud, est une des bêtes noires des directeurs et des chefs. Moi, je suis insignifiant, certes ! je n’affiche pas d’idées subversives, mais j’ai le tort d’être l’ami d’Évrard.

Heureusement on ne peut rien trouver de grave contre nous. Malgré le relâchement inévitable qui précède les vacances, ma classe n’est pas en mauvais état. J’ai l’impression que cela marche.

J’aime mon métier... heu ! j’aime mon métier comme un myope aime ses lunettes; si je pouvais m’en passer... Mais enfin j’aime beaucoup mes marmots et je suis zélé presque malgré moi.
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J’ai sur ma table une revue dont le premier article commence par ses mots "Un savant pédagogue". Cela hurle ! La science de l’éducation n’existe pas encore. Ce qu’on nomme ainsi n’est qu’un prétentieux verbiage.
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13 juillet [1905]. — Il m’est tombé aujourd’hui une inspection sur le crâne. Vlan !

L’inspecteur est l’homme qu’on n’attend pas. Je ne l’en blâme point. Si j’étais inspecteur, j’arriverais toujours à l’improviste. Arriver à l’improviste doit être la joie du métier; et quelle joie ! Surprendre de pauvres diables mal payés, les surprendre en faute, s’amuser à les troubler, à les affoler; faire le malin, le savant, l’incorruptible; faire peur surtout, faire peur ! voilà bien, sans doute, les plus fondantes délices de notre paradis sublunaire.

Puissé-je, plus tard, être inspecteur de quelque chose !

En attendant, c’est ma classe qu’on inspecte, c’est moi qu’on affole. Le chef, aujourd’hui, a dû se faire une pinte de bon sang. Je l’ai reçu comme on reçoit, je suppose, la peste ou le choléra.

Aussi, on n’a pas idée d’inspecter des classes en plein été ! Jamais depuis Charlemagne un inspecteur de l’enseignement n’a eu le temps et le courage de faire une tournée le 13 juillet.

Ce zèle me paraît singulier.

Il était une heure et demie. Je causais avec ces messieurs du cours préparatoire; nous parlions, je crois même, en patois ! Brusquement, ce grand bonhomme inconnu se dresse dans la porte.

— Monsieur l’instituteur, je viens visiter votre classe.

— Fort bien, monsieur ! Qui êtes-vous ? vos papiers ?

Bien entendu, ces questions n’ont pas été posées. C’est maintenant que j’ai cette présence d’esprit et ce courage. J’étais navré. Par cette chaleur nous en prenons un peu à notre aise, mes élèves et moi.

L’inspecteur examina mes registres et fronça les sourcils sur mon " Emploi du temps ", mon bel emploi du temps d’apparat, encadré de rouge et de bleu, où toutes les heures de la semaine sont dépecées en carreaux de cinq minutes.
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14 juillet. — Je reprends la plume dès ce matin. Il le faut. Malgré moi, ces sottises me tourmentent.

C’est qu’il avait l’air d’y croire, l’inspecteur, à sa méthode active ! Un physicien proclamant le résultat d’une expérience précise ne serait pas plus sûr de lui.

Il a, je suppose, démonté pièce par pièce la cervelle d’un enfant, puis il l’a remontée au petit bonheur comme cela, comme ceci, une fois, dix fois, mille fois. Il a regardé avec sa grosse loupe noire, il a écouté le tic tac, et voici : cela n’a marché qu’une fois.

Et moi je viendrais, horloger amateur, accrocher mes balanciers chanceux et donner au hasard le coup de pouce ! Que je sois anathème !

Eh bien, non ! ce n’est pas arrivé. Tout cela n’est qu’une mode.
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Or, le 29 septembre, à midi, la voilà bien qui tombe, cette fameuse nomination ! Ce fut un beau branle-bas ! Le garçon était à la pêche aux grenouilles et n’en finissaient pas de revenir. On courut le chercher et, comme on ne le trouvait point, on jeta la nouvelle à tous les échos : « Ho ! Ho ! … Tu es nommé régent à Saint-Sauveur-des-Épines ! … Ho ! Ho ! Viens vite !

(jusqu'à environ 1920, dans les campagnes, on parle de "régent" et non d'"instituteur")
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J'ai des amis qui seraient d'enragés voyageurs s'ils en avaient les moyens. Il y a comme cela des gens dont la joie est de vagabonder à travers la vie. Je n'arrive pas à les comprendre.

Que cherchent- ils? Que fuient-ils? Peut-être ne voient-ils le monde qu'en largeur... peut-être leur âme est-elle laide... Je m'arrête à cette hypothèse : ces bohémiens que ne retiennent ni l'attrait délicat des choses familières ni la prodigieuse aventure des rêves, ces bohémiens sont des criminels ou des fous.
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