Varinge versus Rönnviken …
Banlieue pourrie contre quartier bourge...
Le riche et le pauvre.... Dogge et Billy...
Deux quartiers de Stockholm séparés par une rocade et un tunnel. Dogge et Billy se rencontrent dans une aire de jeux et nouent une amitié indéfectible en dépit de leurs différences sociales, culturelles... Deux garçons de milieux opposés qui deviennent potes, le genre d'histoire qui ne peut que bien se terminer en tirant une larmichette au lecteur émotif. Pas de quoi avoir un pressentiment, pas même en tenant compte de l'étouffante chaleur, de l'orage qui menace. Pourtant, un matin Billy est découvert poignardé à mort, pourtant ce ne sont que des enfants et nulle mère ne devrait avoir à enterrer son fiston. Nulle autre ne devrait voir le sien arrêté pour meurtre.
Farid mène cette enquête explosive. Il connaît la cité dont il est issu, il connaît les gosses. Flic désabusé, il fait le constat d'une délinquance en augmentation exponentielle, d'une violence incontrôlable, de mesures qui ne parviennent plus à endiguer la criminalité en bandes organisées, sans limites. Les fusillades s'enchaînent, les morts collatéraux s'additionnent comme autant de victimes de guerres de gangs et personne n'est puni.
Avec
Délits mineurs,
Malin Persson Giolito met ses compétences de juriste et son style net et sans bavure au service d'un roman coup-de-poing, d'un grand roman social, celui de l'effondrement d'un modèle politique dont chaque mesurette prise dans l'instantanéité d'un fait divers – à Stockholm comme ici -, ne fait que déplacer les problèmes sans jamais les régler au fonds. J'ai tout aimé dans cette histoire, et en premier lieu l'affection que l'auteure accorde à ses personnages. Elle ne juge pas, ne sombre pas dans un manichéisme simpliste qui accorderait toutes les circonstances atténuantes aux laissés-pour-compte des banlieues, victimes d'un fatum indépassable et ne fait pas des habitants de quartiers aisés des pourris systématiques. Rien n'est aussi simple, rien n'est tout noir ou tout blanc ! Elle écrit à hauteur d'hommes et de femmes faits de chair, de sang, de drames et de joies, qui nous ressemblent, auxquels il est facile de nous identifier, et ces gosses pourraient être les nôtres. La violence n'est pas glorifiée, ni seulement surjouée. Elle est là, décrite sans effet de manches, tenace, quotidienne, absurde, récupérée par des propagateurs de mensonges et contre-vérités, toujours à l'affût.
Délits mineurs aurait pu s'intituler L'origine de la violence ou Naufrage d'une société. L'auteure entrelace passé et présent, découvrant lentement les liens noués entre Dogge et Billy, puis comment, de fil en aiguille, ils ont déraillé. La construction est exemplaire, digne d'un mécanisme de haute précision. Au fil de la lecture, on entend son tic-tac serinant, annonciateur alors même que le ciel est encore bleu et serein, d'un déluge inéluctable de tonnerre et de foudre. le talent de
Malin Persson Giolito m'a rappelé celui de ses illustres prédécesseurs
Maj Sjöwall et
Per Wahlöö pour leur critique de la société suédoise, ainsi que celui de
Stieg Larsson pour la qualité de son style et l'originalité de son intrigue. Une grande découverte, une lecture passionnante !