J'ai eu un véritable coup de coeur pour cette trilogie, le premier depuis ma découverte de la trilogie des Elfes de
Fetjaine, ça remontait donc assez loin.
Nous voilà transportés au XVIIème siècle, dans le Paris de Louis XIII et de Richelieu. Ce dernier oeuvre à sa façon pour le bien de la France (c'est à dire que, comme d'habitude, il manipule, complote, échafaude des plans, etc.), s'appuyant sur un petit groupe de fines lames, des bretteurs dévoués et redoutables. Comment ça on dirait Dumas ?
C'est un hommage à peine déguisé à l'oeuvre du grand écrivain, mais
Pevel a su se démarquer.
Vous noterez que dans les Trois Mousquetaires, on ne rencontre pas de dragons. Alors que chez
Pevel, ils sont bel et bien présents.
Des dragons archaïques (les gros, qui volent et crachent du feu), les dragons plus évolués qui se cachent sous une apparence humaine, les Dracs, redoutables spadassins quelque peu primitifs, puis les adorables dragonnets, qui servent d'animaux de compagnie, ou les vyvernes, l'équivalent des chevaux. Mais ces bestioles sont plus grosses et elles volent.
Evidemment, comme ça, on se dit : quel curieux mélange non ?
Oui, mais ça fonctionne bien. D'abord parce que
Pierre Pevel a su faire renaître à la perfection le Paris de Louis XIII et ses personnages historiques, ensuite, parce que même si on retrouve quelques figures familières, à commencer par le Cardinal de Richelieu ou son âme damnée, Rochefort, et dont certaines fugitivement croisées, comme M. de Tréville ou Athos, les personnages qui composent Les Lames sont suffisamment attractifs ou singuliers (même pour des archétypes) pour qu'on oublie Dumas. Enfin, parce que la touche de Fantasy représentée par les dragons est légère et bien intégrée à la trame.
Petite présentation de nos héros : Commençons par le Capitaine Lafargue qui mène d'une main sûre et expérimentée cette équipe de fines lames. Il est celui qui doit mettre en oeuvre les plans du Cardinal ; Almades le taciturne maître d'armes espagnol, veille particulièrement sur le capitaine, et puis le bouillant et séduisant Marciac, toujours occupé à faire le joli-coeur, le chevalier Leprat d'Orgueil, calme et efficace, qui appartient également à la compagnie des Mousquetaires de M. de Treville, la belle et jeune Agnès, baronne de Vaudreuil flanquée de son fidèle Ballardieu, vieux soldat dévoué à la cause et enfin, le plus mystérieux du groupe, le plus redoutable aussi, Saint-Lucq, le sang-mêlé.
On doit également compter avec l'énigmatique Arnaud de Laincourt, au passé trouble, qui bien que n'appartenant pas au groupe, travaille pour le Cardinal, et dont le rôle sera déterminant pour les Lames.
On ne sait que très peu de choses sur leur passé, si ce n'est que Lames du Cardinal furent dissoutes après le désastre de la Rochelle et la trahison de l'un des leurs cinq ans plus tôt.
L'intrigue est moins simple qu'il n'y paraît - faire échec à la Griffe noire, très influente en Espagne, et qui cherche à asseoir sa domination en France, à travers, notamment, deux belles crapules : la vénéneuse Vicomtesse de Malicorne et le Marquis de Gagnière - car elle se complique, se dédouble et se ramifie à mesure que Les Lames remontent la piste de ces maléfiques dragons.
Au passage, Richelieu et ses ennemis sacrifieront les pions sans importance, l'un au nom de la raison d'Etat, les autres par cruauté et ambition.
Au milieu de ces intrigues politiques, les Lames devront se garder des uns et des autres, d'autant que certains de nos héros cachent quelques mystères…
La moyenne d'âge des personnages est élevée, ce sont des hommes mûrs pour la plupart, et j'avoue que j'avais une crainte en voyant le bandeau du livre «prix des lycéens » : Argh, pourvu que ces bretteurs ne soient pas des ados titillés par leurs hormones…. Me voilà donc rassurée sur ce point.
Autre crainte au sujet de la baronne de Vaudreuil :
Pierre Pevel allait-il en faire une amazone rebelle, impitoyable et autoritaire, à la limite de la caricature ? Que nenni. le personnage est bien plus nuancé et heureusement.
J'ai également aimé faire leur connaissance au fil de l'action, un duel pour Marciac, une embuscade déjouée pour Leprat et Almedes, etc.
Les chapitres sont courts, on passe aisément de l'un à l'autre personnage, l'écriture est de qualité, le suspense est soigneusement entretenu, les rebondissements nombreux et les descriptions minutieuses de Paris font également partie du charme de ce premier tome.
J'ai juste noté quelques répétitions parfois agaçantes : la boue malodorante de Paris, la chevelure nattée et le vieux corset de cuir rouge d'Agnès et la description du quartier général des Lames, le tout repris maintes fois. Mais le plaisir de la lecture fut immense (j'avais du mal à reposer le livre) et suffit à gommer ces quelques fâcheux détails. Inutile de préciser que j'ai dévoré les deux tomes suivants, mais j'y reviendrai dans les autres billets.
P.S. : La couverture est superbe, elle est signée par
Didier Graffet entre autres, et rien qu'en la regardant, on a très envie de commencer à lire, non ?
Second P.S. : Est-ce une coïncidence si cette maison s'appelle Bragelonne ? Et si leur nouveau label s'appelle Milady ? Je ne suis pas la seule fan de Dumas apparemment...
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