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Citations sur Roman fleuve (7)

Béring fracassa d’un violent coup de pied le poêle qui répandit sur le sol de terre battue des morceaux de papier incomplètement brûlés. Béring se baissa péniblement et attrapa un bout de carton noir.
"Chateaubriand ! s’écria-t-il. Chateaubriand dans l’édition originale de 1834 parue chez Furne… Voilà ce qu’il faut à ces rustres pour se chauffer !"
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Les enfants prodiges sont rares mais les parents ambitieux sont nombreux.
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La frontière qui sépare la réalité de la fiction a toujours été considérée comme un véritable rempart, alors qu’elle est floue, indistincte et que l’on peut la franchir sans dommage…
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– Mais pourquoi donner une telle importance à une entreprise qui apparaît bien marginale dans le contexte que vous décrivez ?
– Quand une bête est traquée, elle peut affronter l’ennemi de face ou se replier dans sa tanière… Elle doit craindre un combat ou un assaut ; celui-ci laisse du répit, celui-là offre la gloire, dans les deux cas, c’est la mort… Il n’y a pas d’autre issue pour les soldats, pour les hommes ordinaires… Le Président n’est pas de cette étoffe : alors que ses adversaires l’imaginent terré dans un quelconque bunker ou se portant stupidement à la tête de ses troupes, il dispose d’une arme nouvelle, celle que nous construisons ici, précisément, et dont seulement une dizaine de personnes à ce jour connaissent l’usage…
– Faire la guerre avec des livres n’est pas nouveau…
– Il ne s’agit pas de faire la guerre mais de lui échapper… Nous dressons l’édition complète de notre production littéraire de la même façon que nous établirions une base sur Mars ou sur la Lune pour échapper à un conflit atomique. C’est tout simple : le jour de sa parution, le Président…
Béring s’assura que le petit bonhomme en gris était assez éloigné pour ne pas entrer dans la confidence. Il prit ensuite dans sa poche un monocle cerclé d’argent, le riva sur son oeil en insistant longuement sur la chair de sa joue et poursuivit :
– Le jour de sa parution, vous dis-je, le Président déclarera l’entrée du pays dans le monde de la fiction.
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– J’en conviens, mais vous gâchiez alors une belle carrière…
– Une belle carrière ? Mais quelle carrière ? Écrire ce livre stupide était-il plus grave que de remanier les chefs-d’œuvre des siècles passés ? Depuis des années, je remettais les grands classiques au goût du jour. Vu que l’État disposait de sa littérature comme du littoral ou des forêts, et que l’on pouvait effacer de chaque livre les incorrections grammaticales tout comme les personnages ambigus, les villes trop étroites, les rues trop sales, les opinions saugrenues, de la même façon que l’on jetait des digues sur l’eau pour construire des immeubles ou que l’on faisait des coupes infinies dans les massifs, je n’étais plus qu’un artisan appliqué, chargé de la réfection des lettres comme d’autres étaient chargés de la remise à neuf des clochers…
– Vos attributions étaient clairement définies dans un contrat que personne ne vous avait obligé à signer…
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– La Délégation a été chargée par le Président, dit-il sans chercher un instant à reprendre sa respiration, durement éprouvée par l’ascension d’un court escalier en colimaçon, la Délégation a été chargée de réaliser l’édition définitive de la littérature française, depuis Loup de Ferrières jusqu’à Eugen Kleber-Gaydier.
Béring se tut un instant afin de reprendre son souffle. Il agrippa ensuite mon bras et reprit avec fièvre :
– Une entreprise sans précédent… Aucun pays n’a jamais fait un tel retour sur lui-même. Nous sommes en train de rassembler tous les textes que nos compatriotes ont un jour connus à l’état de publication… Vous devez savoir, vous qui avez travaillé à la Délégation à une époque où nous n’avions pas d’autre mission que de surveiller la langue, de contrôler les auteurs, les traductions, d’autoriser les rééditions, que ce travail pour colossal qu’il apparaisse n’est pas impossible. Il faut se rappeler le réseau extrêmement dense que la Délégation a su créer dans les antennes régionales. La plupart des fonctionnaires que les événements de février ont jetés dans l’inactivité ont répondu sans hésitation à mon appel. Peu leur importe que ce travail ne soit pas encore rémunéré, car ils savent que le Président a, pour le moment, d’autres soucis que celui de reconnaître ces modestes tâcherons… Ces gens-là travaillent pour la gloire du pays. C’est ainsi qu’on retrouve dans les provinces les plus reculées des éditions inestimables d’auteurs inconnus, des tirages limités d’œuvres éternelles, des romans apocryphes et des thèses d’universitaires obscurs, des lettres d’auteurs célèbres, des gloses denses et presque illisibles, emmagasinées dans des bouquins rongés par les poissons d’argent. Le tout nous arrive par les moyens que la technologie moderne met à notre disposition… Nous recevons d’authentiques pièces de collection par les messageries du gouvernement, je vous en ai dit un mot tout à l’heure, et nous recevons nuit et jour, sur notre collecteur télématique central, des ouvrages anciens, des préfaces, des biographies, des notices, tout ce qui entoure la littérature comme l’écorce entoure l’orange…
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J’étais sans nouvelles de Béring depuis huit ans et je ne l’aurais certainement jamais revu s’il n’y avait eu cette convocation signée de sa main. Ce fut le nom de Béring, en effet, qui me décida ; après mon exclusion de la Délégation, je sus que le directeur avait été le seul, dans ce collège de cadres qui programmait nos missions, à refuser d’ajouter son nom au procès-verbal signifiant mon congé. Mais, après huit ans de petits boulots, huit ans pendant lesquels j’avais juré tous les jours que pour rien au monde je ne reprendrais du service, je réalisai, en roulant sur ces chemins perdus, au milieu de salines abandonnées, que j’avais tout laissé sans hésiter un instant. Je voulais me persuader qu’il y avait beaucoup de curiosité dans ma démarche, qu’une telle convocation allait effacer huit ans d’ennui, je savais en fait que j’accourais une fois de plus comme un chien.
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