On ne trouvera dans ce court récit de voyage aucun des sites emblématiques du Japon, ni geishas, ni thé, ni sushis.
Le narrateur, en panne dans l'écriture d'un livre commandé, prend la fuite au Japon avec son vélo emballé tant bien que mal.
Il fait froid, les vents sont violents, les averses incessantes dans l'île de Shikoku choisie car « elle subissait des hivers moins rigoureux » que les autres îles de l'archipel.
La route est déserte, sauf aux abords des agglomérations où le cycliste se trouve coincé entre deux camions. Les auberges traditionnelles (ryokan) sont fermées.
Et pourtant de ce récit désenchanté, magnifiquement écrit, se dégage une poésie infinie.
Parti pour « abjurer les mots de sa langue sans les tuer », ne sachant pas si « l'écriture est une aliénation ou une délivrance », si « elle est un moyen d'appartenir au monde ou de lui échapper », l'auteur démontre brillamment que les mots permettent de saisir la vie telle qu'elle est, ni sublimée ni idéalisée.
Les doigts gelés, les improbables repas, les mots incompréhensibles, la nuit passée dans un shukubo, un hébergement dans un temple, permettent à d'autres souvenirs de voyage de revenir – l'Irlande, le col du Tourmalet, la Finlande.
Antoine Piazza a écrit un livre splendide, qui n'est pas d'un abord facile, mais dans lequel il vaut la peine de se laisser embarquer, car il propose aussi, en creux, toute une réflexion sur le pouvoir de la littérature