Il est parfois difficile de donner son avis sur une oeuvre autobiographique. J'arrive parfaitement à comprendre d'ailleurs que l'on puisse ne pas adhérer à ce genre, ne pas arriver à s'intéresser à l'histoire racontée, une histoire qui ne nous concerne pas et qui pourtant semble avoir assez d'importance aux yeux de l'auteur pour qu'il décide de la coucher sur le papier. Personnellement, j'affectionne particulièrement ce genre, notamment quand il traite de la relation mère/enfant.
Les quelques phrases de résumé ont su me convaincre et, sans elles, je crois que je me serais laissé tenter par la couverture que je trouve tout simplement parfaite. L'image de cette mère tenant amoureusement son petit garçon est celle que je vais garder de ce très beau texte.
2004. Lydie, l'épouse de l'auteur, lui remet une boîte qu'elle a trouvée chez le père de ce dernier. le vieil homme vient de décéder. Cette boîte contenant photos et lettres restera plus de trois ans au fond d'un placard. L'ouvrir est pourtant une nécessité : « Si Pandore a fait une erreur en ouvrant sa boîte, je ne sais pas ce que j'ai fait en ouvrant la mienne. » (p.12) Cette boîte renferme tout ce que l'auteur ne sait pas, ce qu'il a oublié.
1960. La grande majorité des lettres date de cette année-là, une année qui a été purement et simplement effacée de la mémoire de l'auteur. On y parle du quotidien, des plantes, de cuisine, on y demande des nouvelles. Les auteurs de ces lettres ne sont autres que Jean et Germaine, les parents de Pierre-Marie. Atteinte d'un cancer, Germaine est hospitalisée, les séances de rayons se succèdent. Elle semble guérir, lentement, animée par la joie de pouvoir revoir bientôt son Pierre, son amour de petit garçon. Jean, de son côté, assure les tâches ménagères et s'occupe de son fils du mieux qu'il peut, s'inquiétant pour la santé de sa femme mais confiant en l'avenir. Les lettres, en effet, sont souvent enthousiastes, Germaine n'y fait presque jamais allusion à sa maladie. Elle n'a qu'une hâte : retrouver ses deux hommes. La permission est enfin accordée. Fin août, la petite famille est à nouveau réunie et passe ses vacances chez des cousins qui ont accueilli quelques semaines plus tôt le petit Pierre. Jean retourne travailler. le 5 septembre, Germaine écrit à son époux au sujet de malaises qui l'ont reprise depuis quelques jours, elle évoque Pierre qui s'amuse comme jamais. Ce sera sa dernière lettre. Elle décède le 27 septembre 1960.
« Je suis orphelin de mère depuis que j'ai quatre ans. Je n'ai aucun souvenir d'elle, cet oubli est quasiment un des piliers les plus solides de mon existence. » (p.13) Dès les premiers mots, j'ai compris que je n'allais pas lire une autobiographie traditionnelle. Tout repose sur la question suivante : comment raconter ce que l'on a oublié ? Les seuls souvenirs évoqués dans le texte sont ceux-ci : le petit Pierre âgé de 5 ans et demi monte dans un bateau blanc les emmenant, son père et lui, en Tunisie, en juillet 61. A ce souvenir se greffe celui d'un tour à bord du Super-Constellation, puis à bord d'une Caravelle, autant de choses, écrit-il, qui « ont dû me faire oublier ma maman » (p.131). Tout le travail de reconstitution se fait donc grâce aux lettres échangées, reproduites dans le récit. J'aurais été très déçue de ne pas pouvoir les parcourir. Ces lettres alternent avec les réflexions de l'auteur : il commente ses découvertes, s'interroge, s'émerveille de cette mère qui lui est à la fois inconnue et si proche. Cela constitue la première partie du récit, intitulée « La boîte ». Dans la seconde partie, « In Memoriam », l'auteur mène l'enquête sur le décès de sa mère qu'il ne comprend pas car les lettres ne laissaient pas présager d'une telle fin. Il découvre alors une triste vérité et, avec elle, prend conscience du courage de sa mère et de l'énergie qu'elle a déployée pour protéger sa famille.
Une mémoire en papier n'est pas seulement une autobiographie, c'est un livre qui interroge le genre et ses limites. C'est un livre sur l'oubli qui raconte pourtant une histoire, un livre où les souvenirs de seconde main viennent supplanter la mémoire défaillante d'un auteur. En écrivant ce roman,
Pierre-Marie Fenech n'a pas seulement rendu hommage à sa mère mais il a reconstitué un morceau de son existence et s'est réapproprié une des choses les plus précieuses qui soient : le souvenir.
Un texte émouvant et intelligent que je vous conseille sans hésiter.
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