Citations sur Une adolescente (33)
Je n’ai jamais eu les cils aussi longs, palpitants, ni tant de couleur sur les joues. Je la trouvais jolie, bien que cet avis soit loin de faire l’unanimité, et intelligente aussi, elle que les autres surnommaient la Folle. Oui, la conduite de May m’a toujours paru raisonnable, incluant sa « TS » en quatrième.
Ils avaient entendu parler du film comme d’un rapport véridique sur la banlieue dont ils étaient prêts à relever les inexactitudes et les fidélités. Ils m’expliquaient : on était toujours entre deux émeutes. Un flic tuait un frère et ça déclenchait une émeute. Il y avait toujours un prophète pour annoncer que ça cramerait bientôt : embrasement imminent et sans cesse reporté à des temps plus propices. Alors cette situation intenable pour les cités changerait, et viendraient des heures de justice.
Ne contractez pas de mariage avec une Vietnamienne, car vos enfants seraient des métis qui transmettraient à votre descendance les traits caractéristiques des Extrême-Orientaux.
La colonisation a été un crime. Je ne serais pas née s’il n’y avait eu ce crime. Je n’aurais pas dû être.Je suis constituée de parties ennemies.
Les souvenirs d’enfance de ma mère sont rares comme les mots d’un télégramme. Elle se souvient de la radio qui crachotait, dans la voiture, des informations qu’elle ne décodait pas, à part les noms des opérations : Iris, Myosotis.« Ils leur donnaient des noms de fleurs… »
Je suis née d’amours interraciales. Je ne revendique pas ce mot. La société l’a forgé à contrecœur pour nommer une réalité qui déplaît à tout le monde. La pureté du sang, la netteté d’une identité, voilà qui plaît à tout le monde.
Depuis l’origine de notre culture, l’Art passe pour découler non d’une pratique, mais d’une nature… divine. Malheur aux mortelles qui rivalisent avec la race des puissants. Nulle ne s’approprie impunément le privilège des dieux et des maîtres. Créer.
Contrairement à mon père qui possédait la faculté médiumnique de communiquer ses joies et ses angoisses à toute la maison, ma mère vivait furtivement, comme si elle avait ignoré ses droits, oui ses droits à l’émotion, à notre compréhension, notre compassion.
L’ambition revient cher, en trahisons grandes et petites. On ravale toujours quelque chose, d’où les nausées, à la longue. Mon père a renoncé aux siennes et s’est dirigé vers une pratique plus obscure mais plus libre de son métier : entretien, rénovation, construction pour des particuliers. Il a gagné moins d’argent. Ma mère a cherché du travail chez les autres. Elle était heureuse de se rendre utile, de contribuer, bien faire. Elle était appréciée.
Comme beaucoup d’entre nous, mon père n’était pas très enclin à remettre en question une hiérarchie qui l’avantageait : celle des sexes, renforcée par celle des classes. Sa conviction que le ménage et les enfants n’étaient pas son affaire s’apparentait à ces mystiques qu’on ne discute pas. On ne se comportait pas tellement mieux, Titi et moi, l’enfance pour circonstance atténuante.