Une adolescente

Si vous avez grandi avec « Hell », relu plusieurs fois probablement, et si avec ce roman, dévoré en 24 heures, Lolita Pille vous a démoli.e.s par son écriture abrasive et pourtant enflammée par l'amour,
si vous avez mis du temps, peut-être des années, à accepter et tout autant adorer son adaptation cinématographique,
Si « Bubble gum » vous a offert le plaisir masochiste de la frustration et de la puanteur de l'âme d'une époque,
si « Crépuscule ville » vous a dérouté.e.s,

Et si vous avez maintenant grandi et renié une partie de votre adolescence tout comme l'ont fait les librairies avec le temps, et que vous n'imaginiez plus de l'autrice la plus mature de son temps qu'elle réécrive une jour :
Vous serez de ces êtres qui seront bouleversé.e.s par le dernier roman autobiographique de Lolita Pille : « Une adolescente ».
Derrière la romance désabusée de Hell, derrière la violence auto-destructrice de Bubble gum, derrière le ghetto monde de Crépuscule ville, il y a Lolita Pille. Une vraie personne, contrairement à ses personnages.
De quelle réalité vient la fiction ?

Si j'adorais pourtant ses romans, quelque part j'ai quand même toujours cru que Lolita Pille devait être une femme un peu trop pédante, un peu trop riche, un peu trop triste aussi pour m'apparaître empathique et honnête, et plus important : pour qu'elle me semble parfaitement sincère.

Pourquoi sommes-nous tout.e.s passé.e.s à côté de la vérité ?
Pourquoi nous-mêmes, femmes, n'avons jamais cru qu'elle était autre chose que ses personnages ?

« Une adolescente » se dévore en 24 heures, j'en suis ressortie malheureuse et honteuse.
Pardon à vous, Lolita Pille, de ce que l'on n'a pas voulu savoir ni de vous ni de nous-mêmes. Pardon d'avoir contribué à vous faire infliger ce que nous endurons pourtant toutes avec peur, lassitude et colère.
Avec ce dernier roman vous nous incitez à regarder nous aussi, à l'intérieur ; en ce que nous n'avons pas voulu connaître ni reconnaître.

On aurait toutes voulu être un homme.
Il nous aura fallu du temps pour comprendre à quel point c'était con et où replacer nos curseurs. Tous nos curseurs d'évaluation de soi et des autres, entre autres.

Quand je prends un livre édité chez Stock, j'attends une écriture arrachée qui extirpe ses mots de la puissance de la vie.
J'ai trouvé cette écriture brute et habile.
Ce roman ou cette autofiction est bien menée. D'abord, elle n'a pas l'impudeur de rentrer dans le cliché de l'adolescente qui en veut toujours à ses parents et se lamente de cette phase de transition entre la vie d'enfant et la vie d'adulte. Elle y va, dans la vie. Elle la prend en pleine face, la vie. Et la vie est faite de tout et de rien, de positif et de négatif et l'adolescence les concentre, là, dans un laps de temps incroyablement restreint et duquel elle s'extrait pour naitre, elle et faire fi des circonstances et des facteurs extérieurs. Exister coute que coute.
J'ignorais l'âge de l'auteur quand j'ai lu au hasard de mes achats de livres, ce roman. Je dois dire que je sui épatée par sa maturité d'écriture et sa force.

J'ai été attiré par le style littéraire avant de le trouver pompeux et lourd.
J'ai trouvé le récit alambiqué et nombriliste.
Lorsque le nom de "Beigbeder le Magnifique" est parvenu à mes yeux, le sort en était jeté.
J'ai décroché. Lu de travers.

A classer à côté de Rousseau, " le nombriliste du monde litteraire".

J'ai beaucoup aimé cette lecture.
L'écriture de Lolita Pille est toujours aussi acérée et jouissive et l'on se laisse facilement absorber dans les circonvolutions de cette autofiction. Cette adolescente, à la fois puissante -guerrière et audacieuse- et impuissante -face à l'homme et face au monde, m'a ramenée des années en arrière. Elle a le balcon de sa cuisine, j'avais ma fenêtre...
Ce livre m'a touchée et par moments laissé une sensation amère. En revanche, je n'ai pas compris le choix de clore le livre sur la dernière partie : une partie qui m'a semblée nécessaire pour l'auteure, cathartique peut-être, mais qui m'a paru moins nécessaire dans le récit et dont la forme m'a paru déconnectée des 3 précédentes. Néanmoins, ce livre m'a donné envie d'en savoir plus sur son auteure et j'ai beaucoup apprécié l'épisode du podcast de la Poudre dans laquelle on peut l'entendre.

Etre adolescente dans les années 2000 c'est avoir certainement lu et relu Hell et vu d'innombrables fois le film avec Nicolas Duvauchelle et Sara Forestier. C'est avoir voulu rencontrer un mec s'appelant Andrea, vous emprisonnant dans ce que vous auriez nommé passion. C'est lire les lignes de Lolita Pille, au bord de sa fenêtre par une après-midi chaude en rêvant qu'il vous arrive enfin quelque chose, que votre vie d'ado de 15 ans débute sans tarder.

Mais Hell n'était qu'un roman écrit comme une autobiographie, le roman trash et sans concessions d'une adolescente talentueuse. Découvrez désormais sa véritable histoire, loin d'Andrea et des salons cossus de la bourgeoisie parisienne. La vie d'une adolescente plus proche de nous, qui rêve sa vie dans les livres en fumant des cigarettes le soir. C'est la vie d'une jeune femme qui fait tout pour pallier ses origines modestes et ses parents trop présents.

Une écriture tranchante et mordante qui n'a pas perdu de sa superbe au fil des années.
Lien : https://topobiblioteca.fr/