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Critique de YvPol


Voilà un roman qui débute un peu comme un long monologue duquel je me suis un peu senti exclu, le temps de m'habituer au rythme, et au fait que c'est bien une femme qui parle et que donc, moi, pauvre homme, je ne pouvais en placer une (je sais, c'est un peu facile, mais c'est vraiment la première impression qui m'est venue). Une sorte de logorrhée, un long monologue entrecoupé de quelques dialogues donnant à l'ensemble un rythme rapide ; c'est parfois saoulant, souvent ironique et drôle et toujours réaliste. Sans m'en rendre totalement compte, j'ai penché dangereusement vers l'empathie et la sympathie pour Joséphine, pour ses déboires, ses tracas de femme seule empêtrée dans des actes de la vie quotidienne. Et à force de pencher, je suis véritablement tombé sous le charme de l'écriture de Mazarine Pingeot, que jusqu'à cette lecture je ne connaissais que de nom (et un peu de visage pour l'avoir vue à la télévision). Son roman aurait pu être une simple bluette un peu cucul, la vie d'une mère-célibataire-futur-divorcée en proie à tous les soucis susnommés et au bord de la dépression, mais Mazarine Pingeot analyse finement et profondément ses personnages, Joséphine en particulier, comme rarement je l'ai lu dans des romans, et puis elle a la classe et l'élégance de l'écriture, usant d'un vocabulaire large (il y a sûrement plus de mots différents dans une seule phrase -certes longue- de Mazarine Pingeot que dans un roman entier de Christine Angot, mais il est vrai qu'on ne va pas au bout des romans d'icelle), de tournures de phrases travaillées et belles et faisant preuve d'une maîtrise certaine de la syntaxe. Un vrai style littéraire quoi, qui me ravit ; je vous l'ai dit, sous le charme, je suis ! Ses phrases sont souvent longues, belles, très ponctuées, virgulées, avec apartés personnels -de Joséphine-, opinions, avis, digressions, car l'esprit de Joséphine s'échappe très vite laissant son corps présent mais ses idées hors de lui, parfois très loin...
"Une nuit a passé et je suis une autre. Une autre que celle-de-la-veille victorieuse, c'est-à-dire que je suis redevenue l'ancienne, celle qui hésite devant sa tenue, qui regarde sa montre pour faire avancer le temps comme si l'observation du cadran avait un quelconque pouvoir d'accélération (en l'occurrence cela a plutôt un pouvoir inverse), celle qui se sent incapable de travailler car autre chose travaille son esprit, celle qui trouve que sa coupe fraîche après une bonne nuit de sommeil ressemble à un saint-honoré, et qui n'arrive pas à y remettre de l'ordre, parce que le pli de la mèche de dessus que l'oreiller a modelé sept heures durant est indestructible, comme sculpté dans la pierre, celle qui se gratte la tête parce que le brushing pulvérisant d'un coiffeur à bout de patience est pour le pou ce que le spa jet d'eau chaude, enrobage de boue et massage aux pierres chaudes est pour la femme de quarante ans célibataire et work addict, celle qui trouve soudain ses trente pages écrites en une soirée nulles, vaines, voire honteuses, celle qui se dégoûte d'avoir accepté si promptement un déjeuner avec son nouvel éditeur qu'elle a la faiblesse de trouver attirant, celle qui se regarde dans la glace et a envie de pleurer, celle qui reçoit un SMS de son ex-mari lui demandant si elle peut récupérer ses enfants en début d'après-midi car il doit passer un scanner." (p. 179/180)
J'ai cédé à la tentation de citer ce long passage, cette longue phrase qui résume l'état d'esprit de Joséphine et l'écriture de Mazarine Pingeot qui alterne dans une même phrase les considérations matérielles, les emmerdements et les questionnements tout cela de manière assez légère (j'adore le passage sur le spa des poux -avec un "x" comme bijou, caillou, chou, genou, hibou et joujou, comme chacun sait).
Je découvre avec ce roman l'oeuvre de cette auteure que je vais m'empresser d'aller creuser -euh, l'oeuvre évidemment...-, m'attend déjà, dans un genre très différent, beaucoup plus grave, Bouche cousue.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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