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Citations sur Traité d'économie hérétique (63)

Le libre-échange a entraîné un conflit d'intérêts entre travailleurs qualifiés - qui bénéficiaient des effets de la mondialisation - et les moins qualifiés - qui en étaient directement les victimes. Les cadres avaient des qualifications que les pays en développement n'avaient pas, l'internationalisation leur a permis de décrocher des contrats et donc des activités supplémentaires. Quant aux ouvriers, ils étaient directement mis en concurrence avec les travailleurs chinois (et même roumains car ce petit jeu existe de manière réduite en Europe) et ont vu leurs usines fermer pour s'installer dans d'autres contrées où le coût du travail était plus faible. Très rapidement, les élus locaux ont été confrontés à ces fermetures d'usines condamnant des régions entières. Pourtant, aucune politique publique n'a été mise en place pour empêcher ces délocalisations ou pour assurer plus de sécurité à ces perdants de la mondialisation. Bien au contraire, les prestations publiques ont été de plus en plus rabotées, le traitement politique à leur égard de plus en plus méprisant. Une forme de connivence s'est même installée entre les grands patrons et les politiques, les uns retardant la fermeture des usines avant les élections, les autres se déplaçant pour permettre monts et merveilles, puis... rien. Lâchés par l'Etat et jugées trop coûteuses pour leurs entreprises, des millions de vies ont été broyées. Dans l'indifférence générale, des pans entiers de notre industrie ont disparu. (p.189-190)
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L'Union européenne fondée sur le principe de la libre concurrence a entraîné une mise en compétition des modèles social et fiscal des Etats membres. Ce jeu à somme négative a mené l'ensemble des pays vers le moins-disant et il est à craindre que rapidement la fiscalité et les protections des salariés seront réduites à peau de chagrin dans l'ensemble des pays d'Europe. La construction européenne a également été jalonnée d'une méfiance entre pays faisant des membres de l'Union des concurrents plutôt que des partenaires (avec cette idée que la concurrence engendrerait le bonheur). L'euro n'a fait que renforcer cette tendance en imposant des critères identiques à dix-neuf pays ayant des niveaux de développement différents. Le bilan humain est aujourd'hui désastreux. Dix ans après la crise, des millions de vies ont été brisées par l'austérité, les jeunes générations ont le choix entre le chômage de masse ou les emplois précaires, des partis nationalistes et xénophobes sont de plus en plus puissants. (p.175-176)
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Les prétendus défenseurs de l'Europe, s'accommodant que la partie sud de l'Europe soit broyée par l'austérité, aiment mettre en avant le modèle allemand. Il est vrai que l'Allemagne a un excédent budgétaire, que sa dette est revenue à son niveau de 2005 et qu'elle a un excédent commercial. Trois indicateurs qui font rêver les économistes. Mais le revers de la médaille de ce succès n'est pas glorieux. L'Allemagne est le pays où les inégalités ont le plus progressé entre 2000 et 2010, le taux de pauvreté y a augmenté de 54 % en dix ans, le taux de travailleurs pauvres a doublé, les personnes cumulant deux emplois ont augmenté de 80,7 % et le nombre de retraités pauvres de 30 %. Enfin, le manque d'investissement de l'Etat a engendré une dégradation des infrastructures publiques. L'Allemagne est en fait un pays riche... avec beaucoup de pauvres. Mais le plus grave est que la politique économique de l'Allemagne se soit imposée à toute l'Europe, notamment via les institutions européennes. Comme le rappelle Steve Ohana, professeur de finance : "L'Europe s'est transformée en maison de redressement dont l'Allemagne a pris le contrôle sans partage, détournant à son profit les principales institutions européennes." (p.170-171)
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Concrètement, un plan efficace pour le climat devrait reposer sur quatre piliers : développer massivement les énergies renouvelables ; investir dans l'efficacité et la maîtrise de notre consommation d'énergie (notamment avec la rénovation des bâtiments) ; consommer le plus localement possible (et donc en finir avec les traités de libre-échange) ; développer l'économie circulaire (notamment en élargissant le recyclage des déchets). Pourtant, plutôt que de mettre en place des politiques volontaristes, les dispositifs actuels reposent principalement sur des mécanismes incitatifs de marché : prix du carbone, subventions, fiscalité, crédit d'impôt. Ces instruments ont une certaine efficacité, mais force est de constater qu'ils sont largement insuffisants pour porter une transition énergétique ambitieuse. Dans le fond, tout le monde sait ce qu'il faut faire pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique mais personne ne veut le faire directement et préfère passer par des chemins détournés. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il ne faudrait pas heurter certains intérêts financiers importants comme ceux des grandes compagnies pétro-gazières ou des grandes banques qui ont prêté des sommes énormes à ces compagnies et qui veulent récupérer leur mise. Tout ce beau monde fait un lobbying énorme pour que le changement soit lent et repose majoritairement sur le consommateur. La lutte contre le réchauffement climatique est devenu un slogan publicitaire pour les compagnies comme pour les politiques. Jamais une réalité. (p.149-151)
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Lorsque l'on dit que la dette représente 100 % du PIB, on compare une dette dont le remboursement s'échelonne sur plusieurs années à une valeur annuelle, le PIB. Cela n'est jamais le cas pour un ménage. Si on applique le même mode de calcul à un couple gagnant 32.000 euros par an et ayant une dette de 200.000 euros à la suite de l'achat d'un appartement (qu'ils rembourseront pendant vingt-cinq ans), leur dette représente 625 % de leurs revenus d'activité ! Une situation vécue par beaucoup de français. Et si ce couple décide de faire un enfant, personne n'aurait l'idée saugrenue de penser qu'ils vont lui laisser des dettes. L'enfant aura la chance d'hériter du patrimoine de ses parents. En appliquant cette logique stupide qui compare deux temporalités différentes - le montant total de la dette et la création de richesse annuelle - aux ménages et même aux entreprises, on se rend compte qu'en réalité le taux d'endettement des Etats est bien moins alarmant que ce qu'on veut bien nous faire croire. (p.124-125)
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La libéralisation consiste souvent à casser les monopoles ou à survaloriser les notions de performance économique. La Commission européenne, parmi ces trois critères de performance des systèmes de santé, a par exemple, retenu la garantie de la viabilité financière. Désormais parmi les objectifs du service public se trouve la rentabilité. Il faut donc garantir l'accès et la qualité des soins tout en restant rentable. Protéger et assurer la sécurité tout en restant rentable. Eduquer et former tout en restant rentable. Cette recherche de rentabilité impose d'offrir des qualités différenciées de services en fonction des moyens des usagers. [...]
La logique marchande remplace celle d'un service public. L'usager devient un client. (p.106-107)
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L'individualisation des succès et des échecs est un leurre. Dans les faits, 75 % du statut socio-économique d'un individu est expliqué par l'origine sociale. Certes il y a des exceptions, des parcours personnels impressionnants, bien mis en avant par les groupes sociaux supérieurs pour entretenir le mythe du superhéros, maître de son destin. Mais, en réalité, le volontarisme ne pèse pas grand-chose face à la reproduction sociale et faire croire que "vouloir, c'est pouvoir" est avant tout une subtile manoeuvre de domination permettant aux classes sociales supérieures de justifier leur statut. Et de s'arranger pour contribuer le moins possible au fonctionnement du reste de la société. Pourquoi payer des impôts quand on ne doit tout qu'à soi-même ? De l'autre côté, les chômeurs sont rendus responsables de leur statut pour éviter de désigner d'autres coupables comme la politique budgétaire européenne, l'euro, la financiarisation de l'économie ou le libre-échange. Tant de totems auxquels sont soumis nos dirigeants préférant sacrifier des vies au nom d'un catéchisme économique appris sur les bancs des grandes écoles. (p.71-72)
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A l'extrême opposé de la réussite, l'échec est également individualisé. La question du chômage serait à rechercher dans le comportement de l'individu qu'il faudrait mieux inciter (en diminuant les prestations chômage), puis mieux canaliser (en lui interdisant de refuser plus de deux offres d'emploi) et, enfin, davantage former (pour satisfaire les secteurs en pleine croissance, peu importe si le chômeur aspire à faire autre chose). Cette individualisation de la question du chômage est encore à chercher dans la représentation théorique qu'en fait l'économie. Le courant dominant (les néo-classiques) nous explique qu'un individu effectue un arbitrage entre travail et loisir en fonction du salaire proposé par le marché du travail. S'il juge le salaire satisfaisant, alors il accepte de sacrifier sont temps de loisir pour travailler. Inversement, si le salaire ne lui convient pas, il choisit le loisir et devient un "chômeur volontaire". Dans ce courant de pensée, le chômage est donc le résultat d'un choix individuel et volontaire entre loisir et travail.
Mais derrière la théorie se cache, en réalité, une volonté de diffuser des valeurs d'ordre moral. Il y aurait d'un côté des "travailleurs courageux" qui acceptent un salaire faible et, de l'autre, des "fainéants" qui, au même salaire, préfèrent le loisir. La légitimation de l'individu comme responsable de son destin et la stigmatisation du chômeur qui en découle ont trouvé leur source dans cette représentation de l'économie. Le traitement de la question du chômage dans l'économie mainstream cache en réalité un biais moral reprochant aux chômeurs d'être paresseux. Il faut donc les inciter à le devenir moins en les punissant et en les contraignant. [...]
Pourtant, cette représentation du chômeur ne tient pas. Sauf à considérer qu'il y a des périodes d'épidémies de paresse qui sont tombées, comme par hasard, en 1929 et 2008, les années des deux plus importantes crises économiques. [...]
Ceux qui connaissent ou ont connu le chômage dans leur vie savent que ces théories sont fumeuses et que le chômage n'est pas le résultat d'un choix individuel, mais le plus souvent une situation subie. Et la politique économique en est souvent le premier responsable (p.66-68)
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Le petit pourcentage d'individus qui s'accapare la majorité des richesses a intérêt à faire croire qu'ils le méritent. La meilleure façon de dominer le reste de la population est de faire accepter par tous, comme une vérité indiscutable, qu'un individu est maître de son destin et que la réussite ou l'échec ne sont dus qu'à sa seule personne. Cette fable est présente partout : dans les biographies ou les émissions consacrées aux hommes politiques, patrons, artistes ou sportifs qui mettent au centre de leur réussite leurs personnalités plutôt que les institutions qui leur ont permis d'y accéder ; dans les politiques fiscales accommodantes à l'égard des très riches qui légitiment qu'une grande fortune ne dépend que du talent de son détenteur et que, par conséquent, la taxer s'apparenterait à du vol ; dans les politiques humiliantes à l'égard des sans-emploi qui, jugés paresseux, doivent être contrôlés systématiquement sous peine de voir leurs prestations chômage diminuer. Voilà comment se manifeste concrètement le catéchisme de l'individu maître de son destin. La réalité est pourtant bien différente et les faits montrent que le volontarisme individuel ne pèse pas grand-chose face à la reproduction sociale. (p.55-56) [...]
Warren Buffet, homme d'affaires milliardaire américain, disait très justement à cet égard : "Personnellement, je pense que la société est responsable d'un pourcentage significatif de ce que j'ai gagné. Plantez-moi au milieu du Bangladesh, du Pérou ou d'ailleurs, et vous verrez ce qu'est réellement capable de produire mon talent dès lors qu'il lui faut s'exercer sur le mauvais type de sol ! Dans trente ans je serais encore en train de lutter." (p.63)
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On mesure aisément qu'avec ce type de raisonnement les lignes du cadre de pensée sont loin de bouger. Il y a également ce jeune entrepreneur, diplômé d'une grande école, qui, plutôt que de combattre les causes de la pollution, préfère créer une application qui identifie les rues les moins polluées pour pouvoir faire son jogging. Ou cette étudiante de Sciences-Po Paris qui lors d'une conférence sur le réchauffement climatique où je débattais avec la sénatrice Fabienne Keller m'avait lancé du haut de ses 23 ans : "Monsieur, votre exposé est intéressant mais je suis en stage chez Total et vous devez comprendre que derrière le développement des énergies renouvelables, il y a une question de rentabilité et des enjeux financiers importants." Comment peut-on être si jeune, si diplômée et d'un tel conformisme ? Le problème, c'est qu'en acceptant ces règles du jeu viciées nous devenons, nous aussi, coresponsables de la situation dans laquelle nous sommes. C'est pourquoi il est urgent de sortir de ce cadre. Car le décalage entre les faits et les actes - quelle qu'en soit la raison - est une nouvelle forme, plus discrète et insidieuse de climato-scepticisme. (p.51-52)
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