Qu'est devenue la liberté de circuler? Un privilège: on ferme les frontières, on délocalise celles de l'Europe au Sahara. Des dizaines de milliers de disparus sont le coût d'un système qui profite à des trafiquants, aux fabricants d'armes et à bien des employeurs.
Le graphisme est fait par
Jeff Pourquié, le texte est de la journaliste franco-finlandaise qui a vécu au Sénégal jusqu'à ses quinze ans. Elle se définit comme conteuse d'histoires vraies.
Ici, les analyses politiques et économiques alternent avec les récits de vie.
Taina Tervonen écrit à la mémoire de ceux et celles qui disparaissent sur la route d'une vie meilleure; elle remercie celles et ceux qui lui ont ouvert les yeux et des portes, en Italie, Serbie, Hongrie, Gambie, Niger, Sénégal et France.
Beaucoup de pages de dessins sans parole.
Au début, on assiste à une dés-incarcération de nombreux corps enfermés lors du naufrage d'un bateau conduit par deux jeunes sans expérience qui gagnent ainsi le voyage gratuit: près de 500 morts qu'il faut autopsier pour essayer de découvrir leur identité et avertir les proches; mais "il n'y a pas d'état en Libye en ce moment" ou "commenter contacter des proches dans une dictature comme l'Erythrée où émigrer est un crime".Les sauveteurs sont souvent très éprouvés et certains se donnent la mort dans les jours qui suivent.
La journaliste montre que ces morts ne sont pas une fatalité: les disparitions en mer sont la conséquence d'une politique européenne qui limite les voies d'arrivée légales en Europe et contrôle de façon plus stricte les frontières. Cette politique est menée depuis 1990 par les états membres de l'Union européenne. C'est une aubaine pour l'industrie de la défense qui développe des outils de plus en plus sophistiqués pour surveiller les frontières. Les contrôles luttent contre l'immigration clandestine et la criminalité transfrontalière, du coup l'Europe est la destination la plus dangereuse pour les migrations. Des sommes de plus en plus importantes sont destinées au contrôle des frontières. Frontex (agence européenne des frontières extérieures.2004) Au fur et à mesure que les contrôles se sont intensifiés, les migrants ont dû emprunter des routes de plus en plus longues et risquées.Les industriels de la défense et les passeurs sont gagnants!
Petit à petit les frontières de l'UE sont repoussées très loin en Afrique: la traversée du désert est de plus en plus dangereuse et chère. On parle de "crise migratoire" mais s'agit-il du nombre d'arrivées en hausse ou de la cacophonie qui règne en Europe: incapable de se mettre d'accord sur l'accueil, l'UE a décidé de repousser ses frontières plus loin.
Je suis particulièrement sensible à ce qu'il se passe au Sénégal, à M'Bour (où j'ai séjourné jusqu'à la disparition du paradis des touristes à Nianing...et dans un petit hôtel sur la plage) déjà, il était question du problème qui s'est aggravé avec la pandémie: les pêcheurs ne parviennent plus à vivre (ils migrent vers les Canaries) les bateaux industriels pillent les ressources. Lémou espérait gagner plus en partant mais il est revenu car les conditions étaient trop dures: vie sous tente et nourriture non adaptée. Il profite du retour volontaire au pays. S'il y avait du poisson, personne ne partirait mais les jeunes n'ont plus d'espoir et ils partent pour aider leurs familles.
La pandémie a aggravé la situation: les marchés étaient fermés, les pêcheurs ne pouvaient plus travailler alors que les gros bateaux étrangers continuaient à racler les fonds marins et transformaient le poisson directement à bord. le poisson séché, salé, fumé était un travail des femmes mais depuis la pandémie, il est trop cher et les usines de farine de poisson font concurrence: elles font de la nourriture pour les poissons d'élevage à l'étranger.
Si l'Europe ne veut pas que les Africains quittent leur pays pour venir chez elle, peut-être faudrait-il qu'elle arrête de prendre leurs poissons et leurs minerais et voient quelles sont les responsabilités dans la gestion des ressources.
La journaliste se penche ensuite sur les "sans-papiers"en France: ils travaillent au noir, gagnent peu et peinent à obtenir des papiers: ceux qui les exploitent renâclent.
La BD s'achève par quelques pages de réflexion sur la critique des fausses solutions mises en place et sur ce qu'il est possible de faire...entre autres parler de cet album pour que chacun en sache plus sur la réalité de la migration.
grosse émotion lors de cette lecture mais des solutions existent: il faudrait revoir la politique...J'ai beaucoup appris sur ce que j'imaginais, à savoir que la "crise migratoire" profite à certains.