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Critique de LaBiblidOnee


« Trois soeurcières » est le 6ème volume (mais aucune importance pour la compréhension de l'histoire) extrait du cycle de romans de Terry Pratchett intitulée « Les annales du Disque-Monde ». Sous un style fantasy et burlesque (le Disque-monde est un monde magique et imaginaire de forme plate et circulaire, soutenu par quatre éléphants, eux-mêmes juchés sur la carapace d'une tortue géante naviguant lentement dans le cosmos), il s'agit d'une satire de notre société puisque les caractères et comportements de ces personnages, irréels et imaginaires, sont foncièrement humains et les situations étrangement familières.


Ici, le scenario est simple : Dans ce monde magique, le Roi s'est fait assassiner par un Duc et son épouse qui voulaient prendre sa place à la tête du royaume. Mais l'esprit du royaume tout entier (personnages, fantômes, végétaux, animaux, etc…) se révolte contre ce Duc imposteur et violent qui préfère le pouvoir au royaume et les opprime à présent : On sollicite l'intervention des sorcières, seules à pouvoir lutter contre le Duc…


Le fou du nouveau Roi affirme alors que seuls les mots peuvent rivaliser contre les sorcières : Il soutient qu'ils possèdent leur propre magie et que, pour rallier le royaume à sa cause tout en se débarrassant des sorcières, il suffirait de faire courir la rumeur selon laquelle tous les maux viennent des sorcières, tandis que le nouveau Roi est un modèle de vertu !


Or, quel moyen plus sûr de diffuser ce message que par les théâtres ambulants qui se produisent dans tout le royaume ? le fou commande donc à un auteur de théâtre une pièce dont il impose le scenario voulu et qui sera jouée au Château pour le peuple. Les sorcières devront alors apprendre à lutter contre une sorte de magie qui leur est inconnue : Celle des mots (et des images) qui circulent et s'impriment dans l'inconscient du public, jusqu'à former des souvenirs – et que sont les souvenirs sinon l'Histoire réelle du pays ? le théâtre ne raconte-t-il pas la vraie vie… ? Reste à savoir si les « trois soeurcières » sauront s'adapter et apprivoiser cette nouvelle sorte de magie, celle des mots et de la façon de les dire, bref : de la communication…


« - C'est nous, dit-elle. Autour de ce chaudron ridicule. C'est nous que ça représente, Gytha.

Nounou Ogg marqua un temps, elle écouta le texte.

- J'ai jamais provoqué de naufrage ! se récria-t-elle. Elles viennent de dire qu'elles ont naufragé des gens ! J'ai jamais fait ça, moi ! »


« Celui qui a écrit cette pièce en connait un bout sur la magie [des mots]. Moi-même, je crois à ce que je vois et pourtant je sais que ça n'est pas vrai.
[Le théâtre] c'est l'Art qui tend un miroir à la Vie. Voilà pourquoi tout est à l'envers.
On a perdu. On ne peut pas lutter contre ça sans devenir exactement ce qu'on n'est pas. »


*****

Bien-sûr, ce monde magique et caricatural est imaginaire et fait pour rire... Et pourtant. Nos souverains ne commandaient-ils pas des pièces de théâtre aux auteurs les plus doués ? Certains régimes totalitaires ne manipulent-ils pas leur peuple en contrôlant la communication ? Et si le théâtre est parodié avec brio (certains passages de ce livre m'ont fait penser à « Sors de ce corps, William » de David Safier), les services de presse et de communication ne jouent-ils pas également un rôle essentiel dans nos vies actuelles, quitte parfois à déformer la réalité de ce qu'ils nous vendent ? Ainsi, sous couvert d'une histoire sans prétention accompagnée d'un ton humoristique, ce récit a un petit air de fable de la Fontaine et nous fait redécouvrir l'importance de la communication au service du pouvoir.


Outre le côté satire burlesque, c'est d'ailleurs grâce au style vif et humoristique de l'auteur, riche en jeux de mots, qu'une récalcitrante à la fantasy comme moi s'est plue à découvrir ce roman ; Les soeurcières échangent des remarques amusantes, doux mélange de tradition et de modernité – comme ce monde un peu barré créé par l'auteur et qui ne peut qu'éveiller nos sens.


«Le garde regarda les bracelets magiques, la cape doublée, la main tremblante et la figure. La figure était particulièrement inquiétante. Magrat ayant abusé de la poudre pour obtenir un teint pâle et avantageux, la combinaison avec le mascara badigeonné copieusement donnait au garde l'impression d'observer deux mouches qui venaient de s'écraser dans un bol de sucre. »


Avis aux amateurs de fantasy, mais pourquoi pas aussi à ceux qui souhaiteraient débuter dans le style (même si ça m'a demandé un temps d'adaptation), ou encore aux amateurs de satires !

Lien : http://onee-chan-a-lu.public..
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