Mais j'étais né pour les courtes joies et les longues douleurs. La fortune ne me délivra d'un précipice que pour me faire tomber dans un autre.
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Voici l'homme que j'aime, et que j'ai juré d'aimer toute ma vie. Faites la comparaison vous-même. Si vous croyez lui pouvoir disputer mon cœur, apprenez moi donc sur quel fondement, car je vous déclare qu'aux yeux de votre servante très humble, tous les princes d'Italie ne valent pas un des cheveux que je tiens.
Ainsi j'eus le plaisir, en arrivant à l'auberge, d'entretenir seul la souveraine de mon coeur. Je reconnus bientôt que j'étais moins enfant que je ne le croyais. Mon coeur s'ouvrit à mille sentiments de plaisir dont je n'avais jamais eu l'idée. Une douce chaleur se répandit dans toutes mes veines. J'étais dans une espèce de transport, qui m'ôta pour quelque temps la liberté de la voix et qui ne s'exprimait que par mes yeux.
Le commun des hommes n'est sensible qu'à cinq ou six passions, dans le cercle desquelles leur vie se passe, et où toutes leurs agitations se réduisent. Ôtez-leur l'amour et la haine, le plaisir et la douleur, l'espérance et la crainte, ils ne sentent plus rien.
Son conseil était sage, mais il aurait fallu l'être aussi pour le suivre.
Il faut compter ses richesses par les moyens qu'on a de satisfaire ses désirs.
Quel sort pour une créature toute charmante, qui eût occupé le premier trône du monde, si tous les hommes eussent mes yeux et mon cœur !
Je vais perdre ma fortune et ma réputation pour toi, je le prévois bien ; je lis ma destinée dans tes beaux yeux.
Demande donc ma vie, infidèle ! Demande ma vie, qui est l'unique chose qui me reste à te sacrifier ; car mon cœur n'a jamais cessé d'être à toi.
Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse.