Le narrateur, Sacha, un écrivain quadra lassé de l'effervescence parisienne aspire à un changement de rythme et à vivre sa vie de manière plus attentive et profonde. Il déménage dans un petit appartement dans le sud-est de la France, dépouillé de tout superflu, à la recherche d'inspiration, de calme et de sérénité.
Par le jeu d'un hasard qui a l'allure prophétique des mythes où le destin rattrape ses personnages, il recroise "l'autostoppeur", avec qui il a, dans sa jeunesse, partagé un bout de vie tumultueuse et parcouru toute la France en stop. L'autostoppeur vit en couple dans le même village et a un jeune enfant.
Ce surgissement remet l'un et l'autre en face de ses aspirations et désirs, cette part de soi si puissamment agissante. Ils s'enchantent de l'intelligence qui se rétablit immédiatement entre eux. Mais Sacha, assagi, se trouble de retrouver l'autostoppeur toujours animé par cette urgence, intacte, à fuir et explorer les possibles. Un nomadisme qui le conduit inlassablement vers de nouvelles rencontres, à rechercher cette proximité exclusive, presque érotique, avec des inconnus le temps d'un trajet entre deux points sur une carte routière.
Nous sommes embarqués dans un périple aux milles escales à travers l'Hexagone. L'autostoppeur s'absente de plus en plus souvent. Les disparitions s'étirent et autorisent peu à peu Sacha à se rapprocher et reprendre les rôles de conjoint et de père auprès de Marie et Agustin. Chacun finit ainsi par investir la vie de l'autre par une sorte de procuration.
Ce très beau roman introspectif traite d'attachement, de couple, d'amitié et d'amour, sur fond de quête de liberté, de place à trouver. Il soulève la question du choix face à nos mille vies possibles et amène inévitablement celle du renoncement.
Sylvain Prudhomme nous parle du refus de choisir et explore la possibilité de maintenir le lien dans un mouvement où il s'agit à la fois de rester et de partir. Une gageure.
Chaque personnage traverse l'épreuve - suprême et sublime - de l'acceptation de la liberté de l'être aimé: l'ami, l'amant, le père. Grandir, c'est parfois accepter de partir et de laisser partir, se confronter à cette part de l'autre qui nous échappe et renouveler la survivance du lien et du don de soi.
D'une écriture sobre et efficace,
Sylvain Prudhomme dépeint l'intime avec brio et justesse. L'absence de ponctuation expressive offre au lecteur une dimension participative, il est libre de choisir le ton des dialogues et dès lors d'y mettre une part de lui. le romancier nous fait entrer au plus près de l'intimité du narrateur, on ressent avec lui les émotions qui le traversent, on contemple avec lui le vert tendre de la nature qui s'éveille, on respire avec lui la fraîcheur humide des matins engourdis et on reconnaît le plaisir et le goût du premier café de la journée, une journée gorgée de lumière et pleine de la promesse de tous les possibles.