Cognard, personnage atypique qui est passé en conseil de guerre en temps de paix… Ce qui lui a valu d'être engagé dans la gendarmerie prévôtale, police judiciaire militaire. Radié de la gendarmerie en 1905, Cognard entre dans les Brigades régionales de Police mobiles qui dépendent de la Sureté, en 1907 et réintégré dans la gendarmerie à la mobilisation en 1914.
Lieutenant à cheval, à l'uniforme obsolète et l'allure dégingandée, muté sur le front de Picardie, il rejoint son unité avec ses compétences et ses connaissances des techniques acquises dans les brigades mobiles de Clémenceau, et sa quête de la vérité, à tout prix.
Cognard, cet adepte de Jaurès tué en juillet 1914 (« ouvrez les écoles et vous fermerez les prisons »), mobilisé en 1914, comble de l'ironie, est muté dans une école qui sert de repli pour sa brigade et de prison que son tatillon de maréchal des logis s'emploie à remplir « pour faire respecter le règlement. » et dont on a repoussé les bureaux pour faire de la place.
Cognard, il aurait aimé être instituteur et intégrer l' Ecole Normale dans cette armée laïque et disciplinée au service de la République dont la mission serait :"transmettre un socle de valeurs communes : la dignité, la liberté, l'égalité, la solidarité, la laïcité, l'esprit de justice, le respect de la personne, l'égalité entre les femmes et les hommes, la tolérance et l'absence de toute forme de discrimination". Il s'y serait davantage retrouvé en étant Hussard noir, dans un uniforme civique presque militaire, dans une compagnie de jeunes soldats de l'esprit, faisant montre d'exigence et de loyauté sans compter.
Cognard a 43 ans, l'âge de
Charles Peguy, qui vient de mourir « pour la France » le 5 septembre 1914.
Il est donc né en 1871, pendant la guerre de Prusse. Son père doit faire parti des soldats qui défendent le pays, élevant à la dur son fils, il finira alcoolique.
Il est étonnant et détonnant ce gendarme affable et courtois, et dermatophobe, qui n'hésite pas à s'excuser, qui se veut exemplaire dans ce « gros gros merdier » dans lequel il se trouve. Anticonformiste comme son cheval, avec qui il entretient une relation particulièrement fascinante. « Chef, votre cheval vous fait les poches ! »
Cette présentation du personnage du lieutenant pour le moins inattendue, cocasse et décalée allège un peu la gravité du sujet : des citoyens lambda mobilisés en tant que soldats et à qui on donne tout à coup le droit de tuer dans un pays à la morale judéo-chrétienne qui enseigne, en temps de paix « tu ne tueras point » Comment s'y retrouver?
En marge du champs de bataille, Cognard, doit se faire accepter, reconnaître et respecter afin d'assumer sa tache ; et surtout maintenir le moral de ses hommes, ce qui n'est pas une mince affaire vu qu'ils sont couramment insultés et humiliés par les soldats qui les considèrent comme des planqués et traités comme la dernière roue de la charrette.
Mais c'est sans compter sur l'exigence et l'opiniâtreté du prévôt.
Piqué au vif par des insultes qui le font sortir de ses gongs, il va vouloir aller jusqu'au bout pour faire éclater la vérité, au prix de débandade et de laisser-aller dans son rôle de chef, jusqu'à se heurter à la colère et l'omerta de l'état-major militaire, et faire face à l'attitude de « la grande muette » qui lui met des bâtons dans les roues, choisissant le mépris plutôt que la recherche de la vérité. Son jusqu'au-boutisme va le plonger dans l'horreur de la mort de son jeune greffier Bellec.
On fait la connaissance de Fourquin d'entrée de jeu, alors qu'il est responsable du secteur à feu et à sang, dans la Somme en janvier 1915. Sergent, fort en gueule et plein de haine, il monte en grade après la mort du lieutenant de la 2è compagnie du 62è régiment d'infanterie de Lorient. Embringués malgré eux dans cette guerre imbécile et dévastatrice qui devait être courte, les soldats défendent leurs vies, au-delà du supportable, tout en obéissant aux ordres « tenir ou mourir ». En devenant adjudant, il gagne le droit de commander la section. Il y croit, Fourquin, à ce rôle qu'on lui fait jouer : défendre le front, défendre la vie des copains, être un bon patriote. le livre commence avec Fourquin et finira avec lui, quand, devenu sous-lieutenant avec des médailles plein le buste, il vient régler ses comptes et réclamer une réparation par duel au pistolet, désabusé, un bras en moins, persuadé d'avoir agit en état de légitime défense, la sienne et celle de sa compagnie, que Cognard a tronquée. Et les deux s'affronteront jusqu'au bout, entre Hommes, main dans la main, « avec panache, dans une fin digne d'un bon roman. »
Un livre sur la gendarmerie, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, mais j'ai été intéressée par le roman historique sur la première guerre mondiale. Et je ne regrette pas d'avoir écouté ma curiosité, j'ai même appris des mots inconnus de mon quotidien.
Je ne connaissais pas l'auteur, c'est une découverte. Et ça me donne envie de connaitre «
fratricide ».
J'ai bien aimé ce livre, bien construit, bien documenté, (un grand travail de recherche d'archives, les notes en bas de page aident à préciser le récit), au style caustique, un bon moment de lecture dans notre monde de confinés, regardant « par cette fenêtre d'amitié, de partage et d'une certaine forme de travail serein dans un monde de brutes, une parenthèse de vie normale » et j'ai pris du plaisir à rencontrer ce personnage truculent et son cheval Rossinante, et les personnages attachants qui animent ce récit.
Même si j'ai été un peu étonnée de la fin….
Je souhaiterais pour ma part, outre retrouver Cognard dans une autre aventure, comme l'a déjà dit Oran, que ce personnage soit porté à l'écran.
Je remercie donc vivement les
Editions Plon et Mélanie pour sa carte sympathique et jolie qui plus est, et l'équipe de Babélio dans le cadre d'une Masse Critique Privilégiée, grâce à qui j'ai pu découvrir cet auteur qui gagne absolument à être connu.
Merci à
Patrice Quélard pour la verve de ses écrits plein d'humanité.