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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je dois vous confesser une chose : les esprits brillants me séduisent plus que tout.
C'est sans doute la raison pour laquelle j'ai été emportée par le personnage de Léon Cognard, le « héros » de Place aux immortels, de Patrice Quélard.
Dans la bureaucratie tatillonne et hostile de la Grande Guerre, le sémillant lieutenant Léon Cognard se voit attribuer le commandement d'une prévôté de division d'infanterie. le contexte est difficile, entre le conflit avec les Fridolins et les petits – passez-moi l'expression, « concours de quéquettes » des galonnés du front.
Léon Cognard doit faire preuve d'une grande part d'humanité et de valeurs sans concessions pour parvenir à gérer ses troupes dans l'horreur de la guerre.
Ce Léon-là, c'est un gendarme originaire de Bretagne, il est irrésistible : cynique, solaire, érudit et plein de verve, et il est entouré d'une galerie de personnages hauts en couleurs.
A noter que l'aspect polar reste anecdotique dans ce roman, qui a pourtant l'excellent goût de nous plonger dans une réalité méconnue de la WWI.
La plume riche et documentée de Maître Quélard nous emmène dans les coulisses de l'histoire avec une facilité déconcertante… pour notre plus grand plaisir !
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Découvert avec son excellent roman Fratricide (qui mériterait vraiment une seconde vie avec un éditeur de premier plan), Patrice Quelard, auteur et anthologiste connu des amateurs de SF, retourne avec brio sur le front de la Grande guerre. Auteur exigeant et érudit, il nous livre ici une histoire méconnue, celle de la gendarmerie de la prévôté. A travers le prisme de ces hommes mal aimés, on voit la guerre sous un autre angle et d'une manière inédite, ce qui se révèle stupéfiant lorsqu'on pensait que tout avait été dit et écrit sur le sujet. Amateurs de manichéisme, passez votre chemin. L'auteur parvient à toujours mettre de la nuance dans son propos et à nous exposer la complexité des rapports humains en temps de guerre, le tout saupoudré d'un humour grinçant, parfois aussi absurde que ce conflit et que les décisions d'un état major coupé des réalités. C'est un roman sur la grande histoire, parfaitement documenté, mais écrit à hauteur d'homme, qui démontre une humanité dont nous manquons cruellement par les temps qui courent. Éloge de la différence, Place aux immortels est tout simplement un grand roman. On pourrait juger que l'intrigue proprement dite met du temps à démarrer, mais en ce qui me concerne, j'ai été tellement happé par le côté documentaire et le style flamboyant que ça ne m'a pas du tout gêné. J'ai entendu dire que le lieutenant Léon Cognard reviendra dans un prochain roman, et je m'en réjouis d'avance. Il fait partie de ces personnages qui marquent durablement, à la manière d'un capitaine Conan, et qui nous rappellent que l'horreur de ces boucheries, nous n'en voulons plus. N'est-ce pas ?
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Cognard, personnage atypique qui est passé en conseil de guerre en temps de paix… Ce qui lui a valu d'être engagé dans la gendarmerie prévôtale, police judiciaire militaire. Radié de la gendarmerie en 1905, Cognard entre dans les Brigades régionales de Police mobiles qui dépendent de la Sureté, en 1907 et réintégré dans la gendarmerie à la mobilisation en 1914.
Lieutenant à cheval, à l'uniforme obsolète et l'allure dégingandée, muté sur le front de Picardie, il rejoint son unité avec ses compétences et ses connaissances des techniques acquises dans les brigades mobiles de Clémenceau, et sa quête de la vérité, à tout prix.
Cognard, cet adepte de Jaurès tué en juillet 1914 (« ouvrez les écoles et vous fermerez les prisons »), mobilisé en 1914, comble de l'ironie, est muté dans une école qui sert de repli pour sa brigade et de prison que son tatillon de maréchal des logis s'emploie à remplir « pour faire respecter le règlement. » et dont on a repoussé les bureaux pour faire de la place.
Cognard, il aurait aimé être instituteur et intégrer l' Ecole Normale dans cette armée laïque et disciplinée au service de la République dont la mission serait :"transmettre un socle de valeurs communes : la dignité, la liberté, l'égalité, la solidarité, la laïcité, l'esprit de justice, le respect de la personne, l'égalité entre les femmes et les hommes, la tolérance et l'absence de toute forme de discrimination". Il s'y serait davantage retrouvé en étant Hussard noir, dans un uniforme civique presque militaire, dans une compagnie de jeunes soldats de l'esprit, faisant montre d'exigence et de loyauté sans compter.
Cognard a 43 ans, l'âge de Charles Peguy, qui vient de mourir « pour la France » le 5 septembre 1914.
Il est donc né en 1871, pendant la guerre de Prusse. Son père doit faire parti des soldats qui défendent le pays, élevant à la dur son fils, il finira alcoolique.
Il est étonnant et détonnant ce gendarme affable et courtois, et dermatophobe, qui n'hésite pas à s'excuser, qui se veut exemplaire dans ce « gros gros merdier » dans lequel il se trouve. Anticonformiste comme son cheval, avec qui il entretient une relation particulièrement fascinante. « Chef, votre cheval vous fait les poches ! »
Cette présentation du personnage du lieutenant pour le moins inattendue, cocasse et décalée allège un peu la gravité du sujet : des citoyens lambda mobilisés en tant que soldats et à qui on donne tout à coup le droit de tuer dans un pays à la morale judéo-chrétienne qui enseigne, en temps de paix « tu ne tueras point » Comment s'y retrouver?
En marge du champs de bataille, Cognard, doit se faire accepter, reconnaître et respecter afin d'assumer sa tache ; et surtout maintenir le moral de ses hommes, ce qui n'est pas une mince affaire vu qu'ils sont couramment insultés et humiliés par les soldats qui les considèrent comme des planqués et traités comme la dernière roue de la charrette.
Mais c'est sans compter sur l'exigence et l'opiniâtreté du prévôt.
Piqué au vif par des insultes qui le font sortir de ses gongs, il va vouloir aller jusqu'au bout pour faire éclater la vérité, au prix de débandade et de laisser-aller dans son rôle de chef, jusqu'à se heurter à la colère et l'omerta de l'état-major militaire, et faire face à l'attitude de « la grande muette » qui lui met des bâtons dans les roues, choisissant le mépris plutôt que la recherche de la vérité. Son jusqu'au-boutisme va le plonger dans l'horreur de la mort de son jeune greffier Bellec.
On fait la connaissance de Fourquin d'entrée de jeu, alors qu'il est responsable du secteur à feu et à sang, dans la Somme en janvier 1915. Sergent, fort en gueule et plein de haine, il monte en grade après la mort du lieutenant de la 2è compagnie du 62è régiment d'infanterie de Lorient. Embringués malgré eux dans cette guerre imbécile et dévastatrice qui devait être courte, les soldats défendent leurs vies, au-delà du supportable, tout en obéissant aux ordres « tenir ou mourir ». En devenant adjudant, il gagne le droit de commander la section. Il y croit, Fourquin, à ce rôle qu'on lui fait jouer : défendre le front, défendre la vie des copains, être un bon patriote. le livre commence avec Fourquin et finira avec lui, quand, devenu sous-lieutenant avec des médailles plein le buste, il vient régler ses comptes et réclamer une réparation par duel au pistolet, désabusé, un bras en moins, persuadé d'avoir agit en état de légitime défense, la sienne et celle de sa compagnie, que Cognard a tronquée. Et les deux s'affronteront jusqu'au bout, entre Hommes, main dans la main, « avec panache, dans une fin digne d'un bon roman. »

Un livre sur la gendarmerie, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé, mais j'ai été intéressée par le roman historique sur la première guerre mondiale. Et je ne regrette pas d'avoir écouté ma curiosité, j'ai même appris des mots inconnus de mon quotidien.
Je ne connaissais pas l'auteur, c'est une découverte. Et ça me donne envie de connaitre « fratricide ».
J'ai bien aimé ce livre, bien construit, bien documenté, (un grand travail de recherche d'archives, les notes en bas de page aident à préciser le récit), au style caustique, un bon moment de lecture dans notre monde de confinés, regardant « par cette fenêtre d'amitié, de partage et d'une certaine forme de travail serein dans un monde de brutes, une parenthèse de vie normale » et j'ai pris du plaisir à rencontrer ce personnage truculent et son cheval Rossinante, et les personnages attachants qui animent ce récit.
Même si j'ai été un peu étonnée de la fin….
Je souhaiterais pour ma part, outre retrouver Cognard dans une autre aventure, comme l'a déjà dit Oran, que ce personnage soit porté à l'écran.
Je remercie donc vivement les Editions Plon et Mélanie pour sa carte sympathique et jolie qui plus est, et l'équipe de Babélio dans le cadre d'une Masse Critique Privilégiée, grâce à qui j'ai pu découvrir cet auteur qui gagne absolument à être connu.
Merci à Patrice Quélard pour la verve de ses écrits plein d'humanité.


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Nous sommes en 1915 lorsque Léon Cognard prend le contrôle de la prévôté dont il va un peu bouleverser les codes et les habitudes. le premier argument de ce roman, c'est lui : Cognard. Un lieutenant au bon goût de personnage marquant, qui sort, un peu trop parfois, du cadre dans lequel sa fonction est censée l'enfermer. Cognard est un lieutenant bienveillant, humaniste, à la répartie et la sagesse indiscutables, qui parfois, lorsqu'il le juge nécessaire, met les deux pieds dans le plat. Ses convictions et sa définition de la justice, pièces maîtresses de son métier et de sa personnalité, vont le conduire à se pencher sur la mort suspecte d'un soldat. L'enquête qui en découle n'est qu'une excuse pour aborder des sujets et des thèmes, comme souvent avec cet auteur, décalés. Patrice Quélard aborde avec un certain talent les rivalités entre soldats qui ont le nez dans la boue et le sang, et la gendarmerie planquée dont le travail est aussi dénigré que raillé. Pour appuyer là où ça fait mal, toutes les occasions sont bonnes. Ce pan de l'intrigue révèle toute l'étrangeté du métier de gendarme en 1915, pendant la guerre, et la haine avec laquelle les soldats la considèrent. L'on imagine les hommes faisant régner l'ordre et la discipline, dotés d'une autorité incontestable, et l'on découvre des hommes méprisés, moqués, à la réputation tachée, et que l'on écoute à peine lorsque les morts suspectes, les coupables et les actes répréhensibles commencent à s'entasser. On ne peut qu'avoir de la compassion pour ces personnages qui prennent leur métier et rôle très au sérieux, qui croulent pourtant sous les insultes et les médisances, de la part d'hommes ingrats, jusqu'à les détruire psychologiquement, les achever. Les joutes verbales font ainsi partie intégrante du roman, sans pour autant que les personnages et l'histoire soient dénués de joutes physiques.
Des soldats tués au combat par l'ennemi, il y en aura des milliers. Des hommes morts sous les coups de leurs camarades, il y en aura aussi, à la différence près que l'on fera tout pour étouffer les écarts de ceux qui pètent une durite. C'est l'autre gros thème du roman, la façon dont l'armée se protège et étouffe les bavures afin d'éviter de trop se salir. Les hurlements des uns ne prévalent pas sur le mutisme et le silence des autres, bien au contraire, faire taire les voix cherchant à révéler la vérité est, dans le contexte du livre, un art parfois mortel, parce qu'il y a des choses à ne pas dire. Un sujet et des rivalités rarement traités, moins que d'autres thèmes en tout cas, puisque c'est la première fois que je les côtoie, ici sans filtre. Car l'auteur ose donner la parole à ses personnages, n'arrondit pas les angles et use de vocabulaire, de comportements et d'idéaux d'époque. Les dialogues y sont piquants, délicieusement drôles parfois, la personnalité de Cognard un régal. le tout est d'une justesse rare, l'expérience inédite, comme d'habitude avec Patrice Quélard.


Comme pour Fratricide, que je conseille fortement autant aux férus d'Histoire qu'aux autres, l'auteur excelle dans l'ambiance et la description des décors historiques, de la guerre et des Hommes. S'il ne mâche pas ses mots, c'est pour mieux tailler ses personnages et son intrigue, et immerger le lecteur dans son histoire quitte à le bousculer un peu, l'émouvoir parfois, mais toujours lui faire vivre de l'intérieur des histoires et destins hors du commun. Lire un Quélard historique (et un peu policer dans ce cas-là), c'est la promesse d'un texte et d'une intrigue soignés, immersifs et documentés. C'est l'assurance d'en prendre plein le crâne et l'imagination, et de refermer le livre avec un morceau de chaque personnage planté dans la peau.
Si le prix décerné me faisait peur à cause du côté policier qu'aurait pu avoir le livre de façon prononcée, mon plaisir à lire ce livre n'a été que plus intense lorsque je me suis rendu compte de la dimension historique qu'a pris cette intrigue. Intrigue qui ne manquera pas de plaire à tous ceux qui ont déjà lu et apprécié Patrice, à ceux qui ont, comme moi, fait de Fratricide un livre hors-norme et diablement bon, ou encore à ceux qui ne connaissent ni l'auteur ni les thèmes traités. Évidemment, on ne peut jamais promettre à un lecteur qu'il passera lui aussi un bon moment, avec la même force que nous l'avons nous-mêmes vécu. Néanmoins, on peut parfois se prononcer un peu plus que d'habitude et oser conseiller un livre ou un auteur parce qu'ils le méritent, parce qu'ils sortent du lot et du cadre. Et donc, Patrice Quélard, Fratricide et Place aux immortels.
Lien : https://aufildelhistoire.com..
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Remarquable!
Place aux immortels est un excellent roman. L'enquête policière à proprement parler ne démarre que tardivement dans le récit. Patrick Quélard prend le temps de poser les personnages et le cadre de ce récit: Albert dans la Somme en 1915. La guerre fait alors rage à une vingtaine de kilomètres de la petite ville. L'auteur décrit avec une grande justesse la vie quotidienne des gendarmes: les insultes qu'ils subissent de la part des appelés, l'indifférence et les ordres stupides voire les brimades de la part de la hiérarchie militaire. le personnage principal, Cognard, est très humain et se dépeint comme un Don Quichotte qui lutte pour faire respecter la justice malgré le carnage environnant. Mais que vaut la justice des hommes face à l'impératif de gagner la guerre?
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Un roman policier très enrichissant ayant pour cadre l'arrière du front de la Somme durant l'année 1915, en pleine première guerre mondiale. Et c'est le (souvent sale) boulot de la gendarmerie prévôtale qui est au coeur du scénario. C'est les relations, les préoccupations et les caractères des hommes qui composent cette équipe qui sont détaillées avec finesse tout au long de l'intrigue. Très original et belle considération à ces policiers si mal perçus par la troupe d'alors.
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Une fois encore, comme lors de ma lecture de son roman Fratricide que j'avais trouvé vraiment très bon, je remarque l'énorme travail de recherches en amont de l'auteur pour nous livrer un récit au plus près de la réalité de l'époque. Dès les premiers chapitres, les descriptions détaillées nous apportent une caution de véracité, on se sent en confiance, nous aurons droit à la vérité, toute la vérité, et quand bien même il s'agit d'une fiction et plus précisément d'un polar, vous baignerez dans le décor. Oh ça oui. Et le décor, c'est la Grande Guerre, embourbée dans les tranchées depuis plus d'une année, l'infanterie se bat, les vivants remplaçant les morts et les mutilés, pour gagner une ligne puis perdre un lopin de terre le lendemain puis recommence, inlassablement sur le terrain de jeu, le grand échiquier de généraux installés confortablement dans leur tour d'ivoire. Dans ce décor, Léon Cognard, lieutenant de gendarmerie, vient de quitter sa brigade bretonne pour rejoindre le front de Picardie et prendre le commandement d'une prévôté de division d'infanterie.
L'auteur garde une certaine distance avec le lecteur, la narration précise, quasi chirurgicale sans prolixité s'attache avec beaucoup de justesse aux profils psychologiques des protagonistes. On ressent toute la complexité de la tâche qui incombe à ce lieutenant anticonformiste, idéaliste, et têtu, aux certitudes flirtant avec l'arrogance, pour tenir et motiver ses troupes, gendarmes considérées comme des planqués aux yeux des fantassins très hostiles, puisqu'ils ne connaîtront jamais l'horreur du front.
Il faut en effet maintenir l'ordre face à une hiérarchie aveugle et muette.
Mais il y a la loi, et il y a la guerre.
Emportée par le récit, j'ai dévoré la deuxième moitié du roman en quelques bouchées.
Le scénario a l'intelligence de ne pas sombrer dans le manichéisme. Plus on avance dans le récit, plus celui-ci gagne en densité, en complexité, plus le doute s'installe jusqu'à s'immiscer dans l'esprit de ce lieutenant assez peu conventionnel pour l'époque et le contexte, et qui aime pourtant tellement avoir raison. Les certitudes s'étiolent.
Mais il y a la loi et il y a la loyauté.
De bons dialogues dans ce récit, quelques joutes verbales savoureuses et des réflexions cornéliennes qui vous bousculeront probablement.
Pour ma part, si au départ, j'ai vu des planqués parmi les cognes, et des salopards parmi les fantassins, à l'issue de cette histoire dans l'Histoire, je ne vois que des braves dans les deux « camps « .
Je vois des Hommes d'honneur et m'extrais de ce récit, avec émotion et respect.
Certains crimes ne doivent-ils pas demeurer impunis ?
À vous de vous faire votre opinion
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Bien. Autant le dire tout de suite, Patrice est un ami, et j'apprécie l'homme qu'il est. Mais, ici, c'est de l'auteur qu'il s'agit, et j'avoue tout autant aimer son écriture. Une écriture qui est rare, aujourd'hui, qui appartient seulement aux grands de la littérature, qu'elle soit « blanche » ou « Imaginaire ». Car Patrice a écrit dans les deux genres, avec la même qualité, la même exigence de phrasé, presque « musicale ».
Espérons ici que ce ne soit pas avec le même écho, car ses incursions en imaginaire, pourtant d'une extrême qualité (je pense notamment au deux merveilleux volumes d'Oppressions) sont restés confidentiels. Espérons, oui, qu'avec PLON, un éditeur de littérature de premier plan, et le Prix du Roman de la Gendarmerie nationale 2021, cette belle plume française conquière les lecteurs et la notoriété qu'elle mérite.
En l'occurrence, je parle en connaissance du sujet : la guerre de 14/18, c'est la période de l'histoire que je connais sans doute le mieux, pour m'y être intéressé des années avant la rédaction de l'un de mes romans, qui s'en sert comme « décor ». Et parce qu'elle évoque en moi quelque chose qui vient des tripes, allez savoir quoi ? Pourquoi cette boucherie et pas une autre me liquéfie rien que d'y songer ?
Ici, nous suivons un lieutenant de gendarmerie, Léon Cognard, qui a quitté sa Bretagne pour une prévôté en Picardie. Et si ce n'est pas dans les tranchées de la Grand Guerre que l'auteur nous entraîne mais à l'arrière, avec les soi-disant « planqués », c'est dans la même chienlit. Une manière détournée de nous faire toucher du doigt les incohérences, les bassesses, les lâchetés de ce qui fut alors la « politique de la guerre », décidée en haut lieu par ceux qu'il convient, avec le recul de l'Histoire, de nommer ni plus ni moins des incapables : des ronds-de-cuir pour qui la carte était le territoire, et le prix à payer la peau des autres. A n'en pas douter, c'était pas mieux en face, certes. Mais ça ne console pas.
Avec Place aux Immortels, grâce au style, magnifique, aux personnages principaux (antihéros) et au support minutieux de l'Histoire, impossible de lâcher l'affaire avant la fin. En se réjouissant qu'il existe une suite (Les Incorrigibles), un prolongement à l'existence de cet homme de papier, Cognard, que l'on voudrait avoir comme pote, et dont la grande gueule est sans doute ce qui manque encore et toujours à la comédie du Pouvoir. Une grande gueule dont l'humanité, chevillée au corps, est sans doute le trait de caractère le plus marquant (je ne peux m'empêcher, ici, de penser au Gurvan de Paul Jean Hérault, pacifiste engagé jusqu'au coeur dans une guerre fratricide interminable).
Alors ne passez pas à côté de ce superbe roman, qui pourrait être un témoignage, tant tout ce qui est narré semble véridique. C'est aussi un éclairage édifiant, enfin, sur ce que fut le rôle des gendarmes, à l'« arrière », houspillés, moqués, agressés et pourtant réclamés à cors et à cri à la première occasion (mais cela, dans le fond, a-t-il vraiment changé ?)
A n'en pas douter, dans une vie précédente, Patrice à connu cette « der des der ». Et j'y étais aussi, c'est une certitude, tant l'assaut de ses mots résonne en moi, comme ils avaient, plus durement encore, résonnés dans l'un de ses précédents ouvrages sur 14/18 : « Fratricide » (2017).
Lien : https://www.arnauld-pontier...
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J'ai d'abord lu Les incorrigibles, le second volet des aventures de Léon Cognard, officier de gendarmerie, ancien des brigades mobiles, plus connues sous le nom des brigades du Tigre. Les deux récits se lisent aisément indépendamment mais je trouve la deuxième parution plus riche humainement avec des idées foisonnantes et complexes. Donc, si vous le pouvez il est préférable de faire la connaissance de Léon en commençant par le début.
Ici c'est la grande guerre, celle de 14, notre héros se voit nommer prévôt de division. Chef d'une petite brigade de gendarmes chargée de faire régner la loi et l'ordre sur une troupe d'environ 20000 hommes, il sera confronté à de nombreuses difficultés, la gestion de ses subordonnés, les problèmes d'approvisionnement, les relation avec l'état major, le manque de respect des trouffions vis à vis de ceux qu'ils considèrent comme planqués. D'où le surnom d'immortels donné à ceux qui restaient à l'arrière.
Le lieutenant Cognard déteste l'injustice, ne craint pas de se faire des ennemis et sait montrer une grande détermination et du panache.
Il obtiendra une promotion au grade de capitaine et le retour en Bretagne, son pays natal. C'était le meilleur moyen de se débarrasser de cet empêcheur de commander en rond. Mais les évènements vécus au front vont le rattraper, certains n'oublient pas, les comptes vont se régler, entre hommes et dans le sang, comme si il n'avait pas déjà assez coulé.
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Après l'excellent Fratricide, qui mettait en scène les destins croisés de trois soldats pendant la Première Guerre mondiale (un Français, un Allemand et un Anglais), Patrice Quélard revient avec ce roman magistral, Prix du roman de la gendarmerie nationale 2021.

Il se penche cette fois sur un aspect méconnu de la Grande Guerre : la prévôté, ces gendarmes qui accompagnaient les troupes en campagne. Leurs missions étaient variées et multiples : faire régner l'ordre et la loi, pourchasser les déserteurs, gérer le pillage et l'espionnage, contrôler la circulation, se charger des civils présents près du front, transférer les prisonniers de guerre... Considérés comme des planqués par la troupe (et même certains officiers), ils subissaient les quolibets, les insultes et tout était fait pour leur compliquer la tâche.

Aussi, quand Léon Cognard débarque en Picardie en 1915 pour prendre le commandement d'une division d'infanterie, il ne s'attend pas à avoir la vie facile. D'autant que Léon est un emmerdeur, un électron libre entier et entêté, qui n'en fait qu'à sa tête. Tel un pitbull, il ne lâche pas quand il a planté ses dents dans un postérieur bleu horizon, quel que soit son grade. Entouré de subordonnés plus ou moins hostiles, il va devoir trouver sa place et enquêter sur un suicide de soldat.

Avec une verve qui emporte le lecteur dès les premières pages, Patrice Quélard trace un portrait précis d'une époque terrible. Que ce soit par les termes techniques, qu'il sait expliciter à merveille, ou le parler picard, il nous immerge dans l'angoisse qui faisait le quotidien de ces gendarmes. Loin de se contenter de traiter un sujet maintes fois exploité, Quélard réussit - comme dans Fratricide - à transformer un roman de guerre en pamphlet humaniste, grâce à la droiture morale de Cognard.

Ce personnage porte en lui un condensé de bienveillance, de sensibilité, de générosité qu'il oppose à la barbarie et au chaos ambiant. Quitte à devoir accepter d'énormes sacrifices pour faire front. Porté par un humour solide qui dédramatise le propos quand il le faut, Cognard est un Sisyphe moderne dont la mission auto-attribuée est de faire triompher l'humain sur la machine militaire inexorable.

Les personnages secondaires sont tout aussi bien campés et travaillés, tout comme les lieux et les situations. Patrice Quélard est un conteur hors-pair à tous les niveaux.

Incroyablement bien écrit et documenté, Place aux immortels est de ces romans qui vous hantent longtemps après lecture et qu'on prend plaisir à relire pour en savourer tous les aspects. Comment ne pas comprendre l'unanimité du jury qui lui a attribué le prix ?
Lien : http://www.phenixweb.info/Pl..
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