Citations sur La beauté sur la terre (50)
" C'est comme les ailes des papillons : si tu les touches, elles deviennent grises...(...) Laisse-lui la liberté, disait-on dans la salle à boire."
Chapitre IV
Si Ramuz s'interroge ici sur le rôle de la beauté dans le monde et sur la fonction du poète parmi les hommes, c'est incontestablement la supériorité de l'art dont il apporte la preuve par ce récit extrêmement moderne dans son énigmatique polyphonie et son lyrisme métaphysique.
Préface
Mais pour les autres hommes, affolés par la beauté, c'est le drame du désir, toujours assassin. Car c'est tout autant la musique que le désir qui font naître et exaltent la beauté de Juliette, " petite chose grise " dont on ne voyait même pas le visage à son arrivée. Mais la contemplation de la beauté n'assouvit pas les hommes ; incapables de transcender l'objet du désir, il leur faut le posséder, et ils sont prêts à tout pour cela, même si la possession doit éteindre la beauté : "C'est comme les ailes des papillons : si tu les touches, elles deviennent grises."
Préface
Tout se passe comme si la beauté, bénédiction qui réenchante le monde (chacune des apparitions de Juliette illumine la terre, l'air, l'eau), était aussi une malédiction pour les hommes qui la contemplent, et peut-être même, pour celle qui la porte involontairement et innocemment. En fin de compte et à cause des passions qu'elle déchaîne dans son village, " cette terrible beauté ", comme le romancier Richard Millet, grand lecteur de Ramuz, en a bien noté le paradoxe, " isole autant que la laideur et les autres disgrâces, et elle est, elle aussi, une sorte de disgrâce ".
Préface
Au sein d'une petite communauté villageoise, et sur la toile de fond horizontale du lac -qui, bien loin d'être un simple décor, constitue toujours, avec son pendant vertical la montagne, l'un des éléments structurants de l'imaginaire et de la dynamique narrative chez Ramuz-, le romancier installe le scénario de l'irruption d'un étranger porteur d'une révélation, et de la crise qui s'ensuit. Cette révélation est celle de la poésie dans Passage du poète, celle du cinéma dans L'amour du monde, romans dont la genèse interfère intimement avec La beauté sur la terre, où il s'agit cette fois du surgissement de la beauté parmi les hommes et du scandale qu'elle cause.
Préface
Il y a comme une entente, un continuel échange de l'une à l'autre chose, et entre toutes les choses qui sont. Et autour d'elle [Juliette] et à cause d'elle, comme il pense et se dit la-haut. Il y a une place pour la beauté.
[C'est le vieux Rouge, le pêcheur, qui parle à Juliette, qui se tait]
La tranquillité et la liberté... Regarde-moi ces autres, disait-il, vous avez pu voir ce que c'est, vous avez pu vous rendre compte ... Ces gens de boutique, ces Milliquet, ces attachés de la semelle; [...] C'est plein de règlements partout, plein de défenses de passer... Nous, dit-il, on va où on veut. On a tout parce qu'on n'a rien...
[C'est le vieux Rouge, le pêcheur, qui parle à Juliette, qui se tait]
La tranquillité et la liberté... Regarde-moi ces autres, disait-il, vous avez pu voir ce que c'est, vous avez pu vous rendre compte ... Ces gens de boutique, ces Milliquet, ces attachés de la semelle; [...] C'est plein de règlements partout, plein de défenses de passer... Nous, dit-il, on va où on veut. On a tout parce qu'on n'a rien...
(p. 139, éd. Grasset, 1928)
Il y a comme une entente, un continuel échange de l'une à l'autre chose, et entre toutes les choses qui sont. Et autour d'elle [Juliette] et à cause d'elle, comme il pense et se dit la-haut. Il y a une place pour la beauté.
(p. 128, édition Grasset, 1928)
Oh ! dit-il, ça ne vaut pas cher, c'est méchant, c'est jaloux, c'est envieux. et puis c'est plein de gourmandise...
Chapitre X