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EAN : 9782825102206
278 pages
L'Age d'Homme (24/10/1991)
4.29/5   14 notes
Résumé :
L'Age d'Homme

Conçu en 1905 et publié en 1910, Aimé Pache est peut-être le livre de Ramuz le plus significatif, le plus proche de sa pensée en gestation et le plus intérieurement autobiographique. Le roman de formation des Suisses romands.

278 pages.
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Plus je lis Ramuz et plus je l'apprécie.
Pour son écriture qui vous transporte dans un passé pas si lointain en termes d'années mais tellement différent de notre présent.
Pour les petits villages montagnards dans lesquels il place généralement ses intrigues ; j'aime les descriptions qu'il en fait et l'art qu'il a de ne pas les présenter de façon figée mais au contraire pleins de vie.
Mais mon amour pour les romans de Ramuz vient avant tout des personnages.
Principaux ou secondaires, ils sont justes ; rien n'est forcé, et tous paraissent tellement vrais !
Ce livre-ci ne fait pas exception.

L'intrigue n'a rien de compliqué, on pourrait la résumer en quelques lignes, et pourtant cet ouvrage est d'une grande richesse : tout le talent de Ramuz est là. L'écrivain suisse porte sur ses personnages un regard empli de bienveillance. Ceux-ci prennent vie sous les yeux du lecteur. Ils sont humains, authentiques, attachants. On se souviendra d'eux longtemps après avoir fini la lecture.
La langue de Ramuz est toujours aussi belle et poétique, elle fait merveille pour décrire les paysages, les êtres vivants et tous les lieux où ils habitent.

Comme l'indique le titre, Aimé est peintre.
Un peintre tourmenté.
Il aime la beauté des paysages qui l'entourent mais cela ne lui suffit pas : il se dit que l'univers de son petit village est limité et qu'il lui faut partir.
Il aime sa mère, mais pense qu'il doit s'en éloigner.
Enfin, il va aimer une femme, mais ne fera rien pour la garder.

Aimé est tiraillé : "Il se disait une fois de plus : « Il y a eu en moi trois espèces d'amour, et ils se sont détruits l'un l'autre. J'ai aimé la beauté du ciel, j'ai aimé la beauté des choses, et c'est une espèce d'amour. J'ai aimé celle qui m'a porté en elle et par qui j'ai connu le jour ; c'est encore une espèce d'amour. J'ai aimé enfin une troisième fois ; j'ai aimé un petit corps souple ; et pour cet amour-là, j'ai trahi les deux autres. Alors ils m'ont quitté tous les trois à la fois. »"
Quel gâchis !
Aimé perd sur tous les tableaux... y compris dans le domaine de la peinture : il n'est qu'un artiste raté qui s'imagine avoir du talent et pense être appelé à réussir quitte à tout sacrifier. La réalité n'est pas facile à accepter...

Aimé est tourmenté et veut à tout prix créer le tableau qui lui assurera la consécration.
Son bonheur est à ce prix, il en est certain.
Et s'il se trompait ? Et si le bonheur était plutôt dans les choses simples ?

Aimé Pache, peintre vaudois est une sorte de traité de sagesse.
Et un très beau roman !
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Encore un magnifique roman de Ramuz, émouvant, et avec toujours cette façon si particulière de « donner à voir », les êtres, les lieux, le paysage.

Celui-ci est dans la même veine que Les circonstances de la vie, ou Vie de Samuel Belet.
La vie d'un perdant, cet Aimé Pache, qui se sent la vocation de peintre au contact d'un peintre raté, Mr Vernet, et qui décide, après la mort de son père, de tenter sa chance à Paris, sans succès, et sans arriver à concrétiser ses intentions picturales.

Son départ fait le désespoir de sa mère, et son obstination à vouloir réaliser « le » tableau qui ferait la synthèse de tout ce qui l'inspire l'amène à ne pas répondre à l'appel de plus en plus pressant de cette dernière qui est très malade.
Et il viendra seulement pour les obsèques de sa maman, pour repartir presque aussitôt.
De même, après une période d'idylle avec la jeune et belle Émilienne, son modèle, son caractère taciturne, sa jalousie, mèneront à la rupture, et il ne fera aucun effort pour revoir celle qu'il aime.
Et puis, on le voit revenu dans son village, fuyant les gens qui le prennent pour devenu fou, se brouillant avec son frère.
Et voilà que vient en lui le grand moment de l'examen de conscience, de cette “ voix” intérieure qui le mène à ce qu'il appelle sa résurrection, et enfin à s'accepter tel qu'il est, et à porter un regard d'affection sur tout ce qui l'entoure, la nature et les gens.
Et à trouver la paix.

Mais le récit de cette vie d'échec qui se termine par une conversion au bonheur, ce n'est jamais mélodramatique, il y a cette capacité extraordinaire de Ramuz à « peindre » la vie, avec une telle humanité, une empathie si grande pour les êtres « imparfaits » ( ce que nous sommes tous). Et puis, cette écriture, unique.
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L'exploration du quotidien parisien d'un peintre débarqué de sa lointaine province - "Rastignac du châssis toilé" - artiste qu'on devine "raté"... Ses tourments, ses amours, le froid et l'odeur du café réchauffé dans son meublé : l'exploration de la rue-d'en-dessous (de sa mansarde) dès qu'on commence à déprimer... La rue Froidevaux dont le seul énoncé vous glacerait ! le pendant expressionniste (publié en 1910) du très existentialiste "Vie de Samuel Belet" qui suivra, en 1913. Soit deux merveilleux romans "de formation", magnifiquement proches... Somptueux classisisme de la langue ramuzienne avant sa "deuxième période".
Pris dans la même dynamique d'une "expérience humaine qui bouleverse", Julien Gracq consignant ses "Manuscrits de guerre" (carnets de sa "drôle de guerre" dont il commença probablement la rédaction à son Camp de prisonniers) préfigurera ainsi son merveilleux roman "réaliste" ultérieur : "Un balcon en forêt" qui buissonnera enfin en 1958.
Ramuz aura, besoin, lui, de faire tout le chemin inverse : revenir longuement sur son "exil fondateur" en Terres parisiennes, en y publiant beaucoup plus tard, à la nrf : "Paris, Note d'un Vaudois" (1938). Une fois rentré à Lausanne, bien sûr... Un essai extraordinaire, dont la pertinence et les qualités littéraires immuables nous laissent toujours rêveur. Toujours la sagesse !
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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Ce magnifique roman de Ramuz - un de mes préférés - nous conte la destinée d'Aimé Pache, déchiré entre trois amours : celui qu'il voue à son art de peintre, celui qu'il porte à sa mère qu'il a laissée dans son village vaudois et celui qui l'attire vers une jeune modèle parisienne. C'est une oeuvre d'une humanité bouleversante où tout est à relever, de la description de la nature et des paysages aux portraits de tous les personnages du livre, principaux ou secondaires. Comment oublier les larmes de Madame Suzanne, mère d'Aimé, lors du mariage de sa fille, cette veuve se retrouvant seule, ses trois enfants, y compris le prénommé, son préféré, ayant quitté le foyer familial ? La scène de la mise en bière de leur mère par ses deux fils, Henri et Aimé ? Ceux-ci valsant ensemble, réconciliés après un différend, alors qu'Aimé a décidé de revenir vivre au pays ? L'égarée, dont la folie consiste à croire que Jésus Christ est toujours vivant et lui mijote sa soupe ? La servante Marianne, qui en veut à Aimé d'avoir laisser mourir sa mère sans qu'elle puisse le revoir, puis lui pardonne son comportement ? M. Vernet - qui a découvert le talent artistique d'Aimé - lui-même peintre raté en proie aux moqueries de son entourage ?
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"Il y a une résurrection. Il y a en nous des forces de vie. Elles nous poussent à mourir souvent, mais à ressortir de la mort ; elles nous font mourir pour nous faire mieux vivre."

Peintre presque malgré lui, Aimé quitte son village pour vivre de son art à Paris. Il laisse derrière lui une vieille mère aimante et une réputation de prétentieux. Artiste stérile, il s'amourachera, un temps, d'une jeune modèle avant de retourner au pays...

Dans ce roman immobiliste (c'est sans doute là son unique faiblesse), Ramuz décrit une vocation accidentelle, celle d'un antihéros écartelé entre coeur et raison. Son rapin -céruse et sépia-, on le comprend vite, n'a pas de génie : brouillons, esquisses, ébauches et croquis étouffent ses désirs. Pache, en cela proche d'un Claude Lantier, patauge, infécond, dans la bourbe de ses illusions perdues. Mais à la différence du peintre de Zola, l'art n'est pas pour lui question de vie ou de mort. Qu'une femme le séduise, ses toiles restent vierges ! Que sa mère vienne à mourir, il expie ses fredaines artistiques et revient au bercail !

Si Aimé Pache, peintre cendreux, manque de charisme, son parcours -on le suivra jusqu'au mitan de la vie, période des inventaires- braisille grâce à la poétique ramuzienne. L'écrivain pignoche son ouvrage par petites touches impressionnistes. Sa langue vernissée chatoie, mêle passé itératif et présent singulatif et bigarre son récit de rapprochements hardis, d'ellipses raffinées ou de préciosités touchantes.

Qu'il érotise chastement un fleuretage champêtre, charbonne la silhouette d'une vieillarde au tricot ou aquarelle les montagnes vaudoises, Ramuz s'attache en miniaturiste à la subtilité des détails. Couleurs, formes, lignes, il fait un sort à chaque paysage, à chaque corps, à chaque phénomène atmosphérique du ciel ou de l'âme. Si peintre vaudois il y a, c'est bien de lui qu'il s'agit.

"Encore une fois il regarda sa toile et la vit bonne ; il la tourna contre le mur."
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Essoufflé et tout en sueur, M. Vernet avait relevé ses lunettes, et s'épongeait le front, son parasol entre les jambes. Il était habillé d'une jaquette de lasting, d'un pantalon noir et blanc à carreaux et d'une chemise en flanelle ; par là-dessus venaient un vieux chapeau de paille, des lunettes noires et le parasol ; et cet ensemble faisait rire, surtout le parasol, qui était le premier qu'on vît dans le pays, mais il le lui fallait, comme il disait, à cause de ses yeux qu'il avait faibles et malades. En effet, ils étaient enflammés et bordés de rouge aux paupières ; il les essuya avec précaution. Son front était tout en hauteur, et nu jusqu'au sommet du crâne encore à demi recouvert, mais d'où, par derrière, tombaient de longues mèches grises, plates. Il avait, en outre, un grand nez crochu, qui se perdait du bout dans une barbe rêche en pointe, laquelle cachait tout le bas de sa figure, et lui donnait l'air méchant, à distance ; seulement, de plus près, il ne semblait plus que craintif. Il avait l'air effaré et fuyant de ceux qui ont été traqués toute leur vie, avec des mouvements saccadés et nerveux ; il ne regardait jamais les gens en face quand il parlait, non par fausseté, mais par timidité : encore fallait-il le deviner, ce qu'on ne faisait pas toujours, et le plus souvent on le jugeait faux.
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Comme il accourait, elle lui tendit son bras. Elle s'était égratignée à des épines, et sur la fine peau une goutte de sang perlait ; il mit un long baiser dessus. Et il vit que l'espoir ne l'avait pas trompé. Subitement changée, elle s'appuya contre lui. Elle le regardait et ses yeux étaient purs. Ils allèrent ensemble, il l'avait prise par le bras. Lentement ils allèrent, et ils n'avaient plus qu'un désir : aller ainsi longtemps, toujours. Au hasard des sentiers, ils arrivèrent à une terrasse d'où on domine la Seine, et au loin Paris étalé. Il y avait un banc, ils s'y assirent côte à côte. De nouveau ils ne parlaient plus ; mais comme c'était un autre silence ! Quand il n'y a plus qu'une chose à dire, auprès de quoi toutes les autres semblent pauvres et ridicules : et cette seule chose à dire, elle n'a même plus besoin d'être dite.
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Or, la tante Sabine, étant entrée un jour, à l'improviste, dans la remise, elle y surprit Cécile avec un garçon du village, qui s'appelait Ulysse Montagnon. Leur attitude, à tous les deux, ne laissait pas de doute sur ce qui les amenait là. Assis sur l'établi, l'un à côté de l'autre, ils s'y tenaient étroitement serrés, lui, le bras passé autour de sa taille, elle, la tête au creux de son épaule, car l'amour est comme un grand poids.
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Ils allaient par les près, où de tous les côtés sautaient les sauterelles comme les étincelles d'un grand feu allumé ; ils étaient en effet comme un grand feu, les près, sous le chaud roux soleil et la tremblotante lumière. La terre craquelée perçait par larges plaques entre les touffes d'herbe sèche ; les grillons remplissaient l'étendue de leurs cris. On glissait aux talus. Là-bas les bois, frappés d'en haut, semblaient avoir plié sous ce lourd poids de jour ; ils n'étaient plus qu'un barre grise. Il ne faisait pas frais le soir. On ne voyait plus voler les oiseaux, ils demeuraient blottis contre l'écorce froide. Puis ce fut l'automne avec ses couleurs. Et après le gris et le noir, vinrent le jaune et le violet. Après le dur soleil, les longues fines pluies. Après l'orage, les brouillards. Tout le lac s'en allait, fuyant aux profondeurs sous l'enchevêtrement des longues bandes blanches, déroulées d'abord tout le long des rives, ensuite d'une rive à l'autre ; et un moment encore par les trous de ce quadrillage, des coins d'eau morte se montraient, puis étaient détruits un à un.
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Ce fut alors la suite des petites occupations, dont il trompa ces derniers jours, − avec l'œil du départ qui change toute chose ; et jamais on n'a si bien vu, jamais dans un si grand détail.
On ne regarde rien avec indifférence ; on voudrait emporter un souvenir de tout ; on voudrait prendre dans sa tête tout le pays qu'on va quitter, en sorte que, plus tard, on ne soit séparé de lui qu'en apparence, et il suffirait pour le retrouver de tourner ses yeux en dedans.
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Vidéo de Charles-Ferdinand Ramuz
Soirée rencontre à l'espace Guerin à Chamonix autour du livre : Farinet ou la fausse monnaie de Charles Ferdinand Ramuz enregistré le 20 juillet 2023 en présence de Gérard Comby (membre de l'Office tourisme de Saillon & de la Commission du Patrimoine)
Résumé : Un généreux Robin des bois, roi de l'évasion, porté par la plume de C. F. Ramuz.
Farinet, c'est un fameux faux-monnayeur, roi de l'évasion et Robin des bois qui vécut entre Val d'Aoste, Savoie et Valais au XIXe siècle. Arrêté pour avoir fabriqué de fausses pièces qu'il distribuait généreusement dans les villages de montagne, il s'évade à de nombreuses reprises. Ce héros populaire à la vie romanesque et rocambolesque meurt à 35 ans, en 1880. Cinquante ans plus tard, Ramuz s'empare du personnage et en fait le héros d'un récit classique, haletant comme un roman d'aventure, mais porté par son style unique : irruption du présent au milieu d'une phrase, mélange des temps qui rend le présent dense et incandescent, langue vaudoise aux accents paysans transfigurée par une écriture singulière, moderniste, au confluent des révolutions artistiques du XXe siècle (il est passionné par Cézanne et Stravinsky). Farinet se serait caché un temps au fond de la vallée de Chamonix, dans une grotte au-dessus de Vallorcine. Un petit mémorial y est installé. Ce roman est paru pour la première fois en 1932.
Bio de l'auteur :
Ed Douglas, journaliste et écrivain passionné par l'Himalaya, a publié une douzaine de livres, dont plusieurs ont reçu des prix. Deux ont été traduits en français : de l'autre côté du miroir (Éditions du Mont-Blanc, 2018), Himalaya, une histoire humaine (Nevicata, 2022). Il publie des articles de référence dans The Observer et The Guardian. Il est rédacteur en chef de l'Alpine Journal et vit à Sheffield, en Angleterre.

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