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Citations sur Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie (9)

Le dîner fut grave, au carré, ce soir-là. On entre à Magellan comme on entre à la Trappe, et La Reine blanche ne vous lâche pas facilement. Il fut cependant question des Patagons de la mer, baptisés Pêcherais par Bougainville et Darwin, les Alakalufs, mes australs sujets. Nomades, sur leurs canots, ils surgissaient comme des fantômes dans les récits des navigateurs, puis sans un mot, sans un sourire, disparaissaient au ras de l'eau sous la neige et la pluie. Si peu nombreux à travers ce désert liquide que bien des navires les manquaient, leurs équipages scrutant en vain les flots et les grèves dans l'espérance de l'impossible, tant chaque marin, à Magellan, est marqué par la stupéfaction et l'incrédulité qu'on éprouve à savoir que des êtres humains parviennent à survivre dans cette desolation.
— Croyez-vous, sire, que nous les verrons ? me demanda le midship canonnier.
— Ils m'attendent. . .
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Attendre.
Toute ma vie j'ai attendu. Roi, je l'ai été. Durant de fort courtes périodes et pas toujours dans les conditions que l'on croit. Entre ces instants de royauté, je n'ai rien fait qu'attendre. Le destin d'un roi ne se force pas. Il procède à l'évidence de la dignité royale qui est un principe éminemment supérieur et indépendant des volontés humaines. Il finit par s'imposer, seul. L'attendre est déjà s'en imprégner. Et tandis que j'écris ces lignes, c'est le dernier acte que j'attends : la mort d'un roi. Sublime attente. Je le sais, Dieu me reconnaîtra.
Attendre.
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La plus jeunes des femmes leva la tête vers moi. Elle avait les cheveux plaqués sur le visage par la pluie qui s'était mise à tomber à torrents. J'aperçus un sein brun à travers un trou de la peau d'animal qui lui servait de vêtement. Inutile de lui demander son nom. Je le connaissais. Elle s'appelait Véronique, ma reine de la pluie. Accroupie au fond de la barque non pontée, l'autre femme, une vieille, écopait avec un récipient de bois. Les hommes et l'enfant avaient empoigné des avirons. Entre le navire et le canot, la distance se creusa rapidement. Je fis un geste de la main, en adieu. La jeune femme qui me regardait baissa aussitôt la tête. J'étais le roi de ces pauvres gens, mais dix mille ans nous séparaient. Sur l'autre rive de ce fossé de cent siècles, les derniers Alakalufs nomades, mes sujets du bout du monde, s'enfuyaient encore plus loin, volontairement, dans le passé. Et moi, l'âme navrée, je m'enfonçais comme un noyé dans mon royaume d'illusion. Transi, mouillé jusqu'à l'os, je regagnai la passerelle couverte. Trois hommes... une vieille femme... Véronique, ma reine... un enfant, et l'arche du déluge : en mon royaume, province de la mort...
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Je suis né au temps des Pétrocores, nos ancêtres qui tenaient nos forts et cultivaient nos champs du Périgord. Ils ne vivaient pas différemment de nous, ne se déplaçaient pas beaucoup plus rapidement et recevaient des messages de Gergovie ou d'Alésia par feux allumés de sommet en sommet à peu près dans le même temps que M. le préfet de la Dordogne en recevait de Paris par le télégraphe Chappe. C'est au milieu du siècle que tout a basculé, les murailles qui s'écroulent, le carcan qui s'ouvre, le chemin de fer de Limoges à Paris en 1856, puis de Périgueux à Limoges et de là à Paris en dix-huit heures seulement, la transmission instantanée des dépêches par télégraphe électrique en 1857, autant de métamorphoses prodigieuses! Mais auparavant, nous vivions sur une ile perdue. Elle convenait aux miens, paysans attachés à la terre.
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La mer, les montagnes, les plaines,
Tout est oublié… Je suis las,
Las de la bêtise et des haines.
(Charles Cros)
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Le colonel me raconta que chaque traverse de la voie avait coûté la vie d'un homme, ce qui faisait environ quatre-vingt mille existences sacrifiées. Je frémis. Ainsi nous roulions sur un humus de chair et d'âmes.
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Seul.
J'étais seul à la Serena, au Chili.
Telle une statue équestre dont le héros se tiendrait encore modestement à pied, tenant son cheval par la bride et contemplant le socle sur lequel aucun nom n'était encore gravé.
La solitude me convenait. C'est un état où il suffit de se donner illusion à soi-même, sans témoins, quitte à y introduire peu à peu de rares confidents choisis avec prudence et circonspection, en attendant avec confiance les commandements du destin.
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La Patagonie a un roi naturel : le vent.
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Cher monsieur, votre peine me navre. Si je l'avais imaginée, j'aurais pris plus de précautions pour vous ouvrir les yeux. Pardonnez-moi, voulez-vous ? Mais vous n'êtes plus un enfant. Il vous faut rejoindre ce monde. Il n'est pas toujours beau, je vous l'accorde, mais nous n'en avons point de rechange.
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