Dans de vieilles demeures paisibles, dans des ruelles hors du temps, dans des tavernes de marins et des ports noyés de pluie, jusque dans le néant de la pleine mer,
Jean Ray fait planer le souffle des Ténèbres. Par la déraison d'un homme, un tour de magie noire ou le simple jeu du hasard, des passerelles fragiles sont jetées entre les mondes, d'où des démons déchus, des créatures invraisemblables, tour à tour féroces et pathétiques, viennent briser et tordre entre leurs griffes le destin des humains.
Ou tout cela n'est-il qu'une vision hallucinée, fruit de trop de whisky ?
Trois longues nouvelles et quatre brèves histoires composent ce recueil, toutes rédigées de main de maître.
Parmi les premières, "
le Grand Nocturne", une histoire d'amour, de mort et de malédiction, dans une veine assez proche de
Malpertuis, n'est pas celle qui m'a le plus marquée. J'ai en revanche beaucoup aimé "
le Psautier de Mayence", petit bijou d'horreur maritime qui n'est pas sans rappeler les abyssales inventions de Hodgson et de
Lovecraft. Et "la Ruelle Ténébreuse", où des créatures d'un autre monde viennent semer terreur et désolation - mais pas seulement - dans une petite ville bien tranquille, est indubitablement ma préférée du recueil, impeccablement construite, fascinante de bout en bout et agrémentée d'une jolie pincée de romantisme obscur.
"Les Sept châteaux du roi de la mer", "la Scolopendre" et "le Fantôme dans la cale" jouent de manière assez intéressante avec le principe même du mystère - chacune à sa façon, et non sans une certaine ironie macabre plus ou moins affirmée. Enfin, "Quand le Christ marcha sur la mer", sorte de conte étrange et cruel, longtemps laisse en tête une impression de grise mélancolie.
Si
la Cité de l'indicible peur et
Malpertuis m'avaient plu sans entièrement me conquérir, ce recueil de nouvelles me fait bien mieux adhérer au talent de
Jean Ray dont les ambiances et le ton, décidément, ne ressemblent à aucuns autres.
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