Il n’existe point de plus grande peine que de se remémorer, dans l’adversité, l’époque où l’on était heureux.
La montagne se montrait parfois cruelle en recouvrant d’un blanc manteau la trace des hommes égarés. Mais pour ceux dont le nom laissait place au souvenir ou sombrait dans l’oubli, elle demeurait leur dernier sanctuaire.
Pour une journaliste qui ne comptait pas ses heures, la frontière entre sa vie privée et sa vie professionnelle avait toujours été très poreuse.
L’intimité de son ancien bureau, le luxe d’avoir une porte qu’on puisse fermer, qui lui permettait en temps masqué de payer ses factures en ligne ou d’appeler la nounou pour prendre des nouvelles de son fils, lui avait vite manqué.
L’objectif ne consistait pas à réaliser le trajet en un temps record, mais à le boucler avant la tombée de la nuit. Le meilleur moyen d’y parvenir était d’avancer un pas après l’autre et de gérer ses forces pendant la montée.
Il était possible que Greta soit sensible au mal des montagnes. Elle devrait penser à bien respirer, c’est-à-dire à bien expirer le dioxyde de carbone pour vider ses poumons. Greta hocha la tête, un peu perplexe.
Depuis quelques semaines, elle hésitait à suivre Jonas au bout de ce périple, avançant son manque d’expérience en haute montagne. Pour la convaincre, son compagnon lui avait vanté la splendeur des paysages. Cette ascension garantissait un panorama unique sur les Dolomites, montagnes classées au patrimoine mondial de l’Unesco. Un véritable paradis pour les amoureux de randonnées. Mais c’est la promesse d’une surprise au sommet pour célébrer leur amour qui avait fini par la convaincre.