Livre instructif et profitable pour une première approche qui démêlerait l'écheveau de considérations parfois brouillonnes en matière d'"art", d'"esthétique", de "beau"... Comment lier, délier de manière claire?
... en l'occurrence, par une suite de paragraphes limpides, chacun exposant une idée-phare.
Et justement, l'auteur avance progressivement, toujours avec prudence, avant de poser plus fermement son pied.
Parfois, croyant enfoncer une porte ouverte, je réalise que je n'ai jamais vraiment pris la peine de me poser la question. Et l'interrogation prend tout son sens. Je note :
- L'art n'est pas le beau (parce que, le beau serait plutôt relié au plaisir, et l'art à l'intuition?)
- L'idéal de beauté est différent suivant les époques et les civilisations
- ... par exemple, l'idéal de beauté n'est pas forcément la "perfection". C'était le cas chez les artistes grecs. À l'inverse, les Japonais altéraient délibérément la forme parfaite qui sortait du tour du potier: pour eux, "la vraie beauté n'est pas si régulière".
- Contrairement à ce que l'on imagine, l'art (y compris ancien) montre généralement une déformation par rapport à la nature.
La perfection chez les grecs n'est pas "naturelle". La vénus de Milo est un corps "plus beau que nature". La recherche de l'harmonie parfaite, par exemple avec des proportions obéissant au nombre d'or, sert un idéal qui s'écarte du modèle naturel.
Dans de nombreux arts (par ex persans ou chinois), on ne vise pas la figuration ou le réalisme, mais on utilise des motifs qui "font appel aux sens, c'est-à-dire qu'ils ne font que contribuer au rythme général et à la vitalité du schéma de l'artiste." (p. 31)
- Tout ne doit pas forcément être imputé à l'artiste dans une oeuvre d'art. Par exemple, l'attrait que présente pour nous les églises byzantines de Ravenne provient en partie du temps qui nous sépare de leur construction, d'une patine des siècles qui les auréole.
Un extrait lumineux :
"L'oeuvre d'art naît avec l'acte d'incarnation - c'est-à-dire au moment où l'artiste trouve les mots (ou tout autre véhicule) pour exprimer ses émotions ou son "état d'esprit". Émotion et expression forment alors une unité organique indissociable." (p. 25)
Sur le même sujet mais pensé pour un public averti, "
Qu'est-ce-que l'esthétique?" de
Marc Jimenez. Livre auquel j'ai trouvé peu de profit. Sur 400 pages bien tassées, en l'absence de problématiques bien posées et de points d'horizon, j'ai eu l'impression que son auteur me perdait dans la guacamole, tirant à la ligne sans bien savoir où aller.
Plus modestement, à la fois plus rigoureusement,
Herbert Read va à l'essentiel au bénéfice du plus grand nombre.
Enfin, je sens l'auteur gagné par un amour profond pour l'art et les artistes. Y compris pour ceux que l'on oublie trop facilement : les céramistes, les potiers. Il les englobe d'un même geste, rappelant qu'ils relèvent d'un art noble, un art dans son expression la plus pure. Si le livre a une bonne raison d'exister, c'est aussi pour permettre de mieux apprécier ces derniers.