Il y a 1000 raisons de lire et plus encore, peut-être, de ne pas lire, tel ou tel ouvrage. Nous avons tous nos raisons et ce qui nous unit au moins en partie sur Babelio, c'est notre désir de partager nos expériences littéraires.
Ce que j'aime personnellement dans la lecture, ce n'est peut-être pas tant l'évasion, l'imaginaire, l'horlogerie fine d'un scénario mais bien plutôt le fait de pouvoir vivre 1000 vies en une, d'enfiler le costume de celui ou de celle que je ne serai jamais et de me mettre à sa place, le temps d'un livre, le temps d'un passage de témoin. J'admire aussi beaucoup le style, la façon particulière qu'aura un auteur de nous laisser sa place pour que nous nous y installions.
Quelle expérience ! Quelle expérience exceptionnelle vient de me faire vivre Erich Maria Remarque ! L'espace de quelques petites centaines de pages, j'étais un homme d'il y a cent ans sur le front, côté allemand. Quelle prouesse ! J'y étais ! J'y étais vraiment !
J'avais hérité de son casque, de son barda, de ses bottes et j'entendais les obus siffler au-dessus de mes oreilles. Je transpirais, je faisais presque dans ma culotte, mon coeur s'affolait en imaginant les scènes. Je fermais parfois le livre et je sentais encore mon coeur battre intensément pendant de longues minutes, j'avais des images plein les yeux, j'y repensais souvent.
Des images horribles, des bruits assourdissants et des larmes pour ces milliers, ces millions de jeunes hommes, de jeunes innocents, arrachés à leurs familles, à leurs épouses, à leurs enfants, à leurs études, à leur métier, envoyés au front de force, de part et d'autre, et transformés fatalement en cibles mouvantes ou canardeurs selon le sens du vent des attaques.
Courir sans savoir pourquoi, se baisser, s'aplatir au sol en priant très fort pour que rien ne tombe sur votre tête, ne pas oublier votre masque à gaz en croisant les doigts pour qu'il soit étanche, tirer parfois, tuer peut-être, porter secours aux copains moins chanceux en espérant que quand votre tour viendra d'être blessé ils seront là pour vous ou bien encore que les éclats d'obus adverses auront le bon goût de vous tuer franchement et proprement plutôt que de vous arracher un bout de bras, un bout de mâchoire ou un bout de ventre sans vous faire crever tout à fait.
L'horreur absolue de la guerre, toute l'absurdité et l'inhumanité de la guerre est là, racontée sans pathos, sans fioriture, d'un ton juste, d'un ton simple, d'un ton incroyablement percutant de ce fait qu'il n'a pas même besoin de se vouloir militant pour militer à la seule chose pour laquelle il soit humainement louable de militer : la paix, l'exécration absolue et inconditionnelle de la guerre, quels qu'en soient le motif ou la justification invoqués.
Texte sensationnel, brut et fort. Je me suis baladée le week-end dernier dans un petit village, un tout petit village qui devait être encore bien plus petit il y a cent ans. Je suis arrivée devant une manière d'obélisque gris qui y fait office de monument aux morts. Et j'ai eu de grosses larmes à l'oeil en égrenant ces quelques noms, morts de trop, morts pour rien, morts parce que d'autres qu'eux l'avaient décidé, sur un coin de table, à Paris ou à Berlin.
1916 : DUBOIS, G. ; DUBOIS, M.
1917 : DUBOIS, B.
1918 : DUBOIS, J.
Combien pouvait-il y avoir de familles Dubois dans ce village ? Probablement qu'une seule. Qu'avaient-ils faits ces frères ou ces cousins pour mériter cela ? Et tous les autres, les Berthelot, les Michel, les Janin, les Leliquerre ? Qu'avaient-ils faits, côté allemand les Schneider, les Rebmann, les Müller, les Knopff et les Vogt ?
Immense respect pour Erich Maria Remarque, immense coup de chapeau à cet écrivain qui a produit ce livre essentiel et que je ne saurai jamais trop vous conseiller, même si a priori (tout comme moi avant cette lecture) vous n'êtes pas captivés par les livres de guerre ou d'histoire ou d'horreurs. Celui-ci est une merveille qui joue juste de bout en bout.
Et qu'on ne vienne plus jamais me parler de la nécessité de nos " frappes ", au Mali, en Syrie ou ailleurs car derrière ce mot très digne, " frappes ", il y a surtout des bombes, des membres arrachés, des yeux crevés, des poumons perforés, des corps écrasés sous l'effondrement des murs : horreur, désolation, dommages collatéraux et désir de vengeance…
Pensez juste qu'il y a cent ans, quelque part à l'est de la France, la pluie était d'un rouge profond et des flaques éclaboussaient des bouts de métal, des bouts de bidoche, des bouts d'innocence qui jamais ne repousseraient… Mais bien entendu, à l'est, à l'ouest, aujourd'hui comme à chaque fois, rien de nouveau, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Ce livre est bouleversant, bouleversant d'humanité et d'inhumanité!
Nous plongeons dans les boyaux de la guerre de 14-18, mais c'est surtout un livre sur l'homme, et sur cette génération à peine sortie de l'enfance qui découvre la vie avec la guerre, une jeunesse brisée avant même d'avoir pu éclore. Paul, le narrateur, est allemand. Il a 18 ans quand il s'engage avec d'autres camarades de sa classe dans ce conflit, sous la pression de leur professeur. Dire que ce sera une cruelle désillusion est un euphémisme...
L'écriture est d'une sobriété et d'un réalisme qui vibre d'authenticité. Elle va droit obus! Il n'y a ni haine, ni jugement, pas même d'ennemis! C'est le triste constat d'une réalité, la réalité brute, toute nue, du quotidien d'un jeune soldat lambda sur le front, dont les repères volent en éclats et qui essaye de survivre comme il le peut, à la faim, aux poux, aux gaz, aux obus, aux mutilations, aux gémissements des blessés qui agonisent sur le champ de tir, aux morts, et pire (!) aux permissions... Mais peut-on vraiment s'en protéger ?
"les horreurs sont supportables tant qu'on se contente de baisser la tête, mais elles tuent quand on y réfléchit. "
Erich Maria Remarque dénonce (entre autre) toute l'horreur de la guerre et son absurdité à bien des niveaux à travers ces soldats dont les différentes origines du civil se fondent dans le même bloc de souffrances; et une guerre, comme toutes les guerres, qui en brisera plus d'un, quelque soit l'âge.
Ce livre est d'une intensité à couper le souffle! Mais rien de ce que je pourrais dire ne pourra ne serait-ce que faire toucher du doigt la force de ce livre. Il faut le lire pour comprendre à quel point il sort du lot, à quel point il est une explosion d'émotions ! Un coup de coeur autant qu'un coup au coeur!
"Deux papillons jaunes jouent tout un après-midi devant notre tranchée ; leurs ailes sont tachetées de rouge.
Qu'est-ce donc qui a pu les attirer ici ?"
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Il y a des livres qui sont investis d'une véritable mission : celle de traverser le temps et les générations afin de rappeler quelque chose. Des livres-mémoires, pour ne pas oublier. Des livres témoignages pour ne pas répéter les mêmes erreurs.
Paru en 1930 ce roman prêche la paix, quelques exemplaires finiront cependant dans les flammes de la nuit de cristal.
Les abominations de la guerre racontées au présent par un jeune allemand de 18 ans retrace la vie de ces jeunes engagés volontaires qui ne sont pas des héros mais des êtres tourmentés, perdus dans un combat qui les dépasse.
Face aux horreurs et aux ignominies vécues dans les champs de bataille, ils sont devenus totalement dépendants de la guerre, n'ayant plus aucune attache tangible à laquelle se raccrocher.
C'est indicible, c'est monstrueux que des êtres humains aient dû vivre de telles horreurs, éprouver le désespoir, l'angoisse, être entouré par un abîme de souffrances qui les marqueront au fer rouge.
Ils apprendront tout de même la fraternité et la camaraderie entre les hommes face à une souffrance commune et perdront définitivement leur innocence.
À l'ouest rien de nouveau, fait partie des ouvrages les plus forts dans la dénonciation de la monstruosité de la guerre.
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