Dans sa troisième «comédie technologique», après "
Allô" en 2006 et "
Haut débit" en 2007, Sylvain Renard publie, toujours aux très élégantes éditions Color Gang, "OpenSpace", où il aborde cette fois l'univers des logiciels de réalité virtuelle. En devenant des avatars, les joueurs de ce métavers (méta-univers), rivés à leurs ordinateurs, s'inventent une autre identité et une autre vie dans un monde parallèle où l'on ne souffre pas physiquement, où nulle blessure n'est mortelle, où l'on ne vieillit pas, où l'on boit de la caïpirinha sans être ivre, où l'on se paie des cocktails de rêve, où l'on peut survoler des archipels paradisiaques, où le sexe est sans danger et le corps toujours à la hauteur…Sarah est devenue Futura et, pour retrouver sa femme enfermée à clef toutes les soirées puis des journées entières dans son bureau, Louis se transforme en Zapf Dingbats. Une Verdana lui permet d'entrer en contact avec Futura dans le décor désertique de Paris (Texas), et il va tenter de la ramener à la raison et à la table familiale: «les lasagnes sont prêtes». Peu à peu, bien que dénonçant à ses interlocutrices «cette farce», «ce cirque insupportable», ce jeu stupide et dégradant, cette folie, Louis/Zapf Dingbats se laisse aspirer par le vertige d'un univers dans lequel on devient un autre qui peut dissimuler, mentir, abuser et jouer jusqu'à faire l'amour. Futura éprise de Charcoal, lequel changera de sexe, Zapf Dingbats va la tromper virtuellement avec Desdemona tandis que, depuis la vraie vie, Vincent supplie Jennifer de venir partager une entrecôte et un banana split. Insupporté, un pied encore dans le réel, Louis rêve de mettre fin aux jours de l'avatar de Sarah, mais on ne peut tuer sur OpenSpace… Les personnages de Sylvain Renard sombrent dans une addiction dont les conséquences sur leur vie réelle prennent des proportions dramatiques. Comme dans ses précédentes pièces, la critique inquiète est patente d'une fascination pour les nouvelles technologies dont l'auteur ne s'exclut pas, né en 1971 et ayant vu arriver tout petit les premiers ordinateurs personnels. Une fin mi-figue mi-raisin, sans morale imposée, signe la réussite incontestable d'une pièce claire, intelligente et rigoureusement construite dans laquelle la variété des décors et le don de vol des personnages peuvent redonner sa place à la machinerie de théâtre.
Critique parue dans "Encres de Loire" n° 45 page 32, automne 2008
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