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Critique de Laureneb


"Et maintenant, je vais me permettre une petite digression. Hugo me l'aurait pardonnée. D'ailleurs, comme il l'écrit dans le chapitre des
Misérables qui nous occupe : « Là où le sujet n'est point perdu de vue, il n'y a point de digression. »
Jusqu'à ce que mort s'ensuive n'est que cela, ce n'est que digression, digression tout d'abord à partir de quelques lignes seulement dans les Misérables. Hugo décrit les chefs de deux barricades, pour, comme souvent chez lui, montrer que leurs contraires les rapprochent. Et, sur ces quelques lignes, le Narrateur démarre une véritable enquête. C'est une enquête, oui, car il part sur les lieux, il les arpente, il les décrit, il voyage jusqu'en Angleterre pour comprendre. Il se renseigne aussi sur les sources, lit des articles, des comptes-rendus d'audience, des délibérations de tribunaux... C'est donc presque un travail d'historien, puisqu'il cherche - au sens premier - la vérité à partir de sources. Mais c'est une enquête subjective, le Narrateur intervient, prend parti, juge ces êtres réels qui sont devenus ses personnages de littérature. Il juge donc "son casting", regrettant qu'il n'y ait pas assez de femmes et pas assez d'amour, jugeant le physique de ceux qui sont devenus ses héros. Digressions donc, petites et longues, comme lorsqu'il évoque les magasins et restaurants venus du monde entier dans certaines rues de Paris, ou lorsqu'il évoque les corbeaux de Notre-Dame de Paris.
En astronomie, le mot "digression" désigne l'angle d'une étoile par rapport à un pôle. Je ne comprends pas tout, mais Hugo aurait sans doute aimé cette définition qui convoque le ciel et l'infini. le pôle, c'est lui, c'est son écriture, ses pages géniales et immortelles. Et Jusqu'à ce que mort s'en suive, c'est l'astre qui s'en éloigne, tout en prenant les Misérables pour référence. Les personnages eux-mêmes, ces deux hommes si différents par le physique, par l'origine, par les idées, mais pourtant si proches par l'engagement et l'idéal. Je ne connais pas l'oeuvre d'Olivier Rolin, mais il rend un bel hommage à Hugo, avec sa propre écriture faite d'interventions amusées et légèrement distanciées du Narrateur, tout en faisant le portrait de deux hommes qui avaient foi en l'avenir, animés par l'idéal.
Olivier Rolin fait écho à plusieurs autres héros de la littérature du XIX ème siècle, qui lui permettent de composer deux portraits riches de toutes leurs complexité : l'enthousiasme d'Enjolras, l'ambition de Julien Sorel et de Rastignac, les yeux ardents du révolutionnaire Ferrante Palla, la force brutale de Vautrin, la misère des héros de Dickens...
Cette oeuvre est donc riche de références plus ou moins implicites, de faits historiques, de portraits de révolutionnaires. Même si on se perd un peu parfois dans les querelles idéologiques des révolutionnaires français en exil à Londres, l'écriture incise et spirituelle - le Narrateur le dit lui-même, il ne va pas imiter le style de Victor Hugo, c'est impossible - est agréable et instructive.
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