AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782073025210
Gallimard (04/01/2024)
3.49/5   37 notes
Résumé :
« Ceux devant qui se sont dressés, sous l’éclatant ciel bleu de juin, ces deux effrayants chefs-d’œuvre de la guerre civile, ne les oublieront jamais » : Victor Hugo, dans un chapitre des Misérables, évoque ainsi les deux plus formidables barricades de l’insurrection parisienne de juin 1848, dont il fut un témoin et même un acteur. À la tête de l’une un « gamin tragique », ouvrier mécanicien, derrière l’autre un géant truculent, ex-officier de marine.
Emmanue... >Voir plus
Que lire après Jusqu'à ce que mort s'ensuiveVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
3,49

sur 37 notes
5
3 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
4 avis
1
1 avis
Intrigué par un court passage digressif des Misérables, Olivier Rolin a entrepris une enquête remarquable, qu'il qualifie humblement de « note en bas de page » du célèbre ouvrage. « Les livres servent à en susciter d'autres » écrit-il. le sien est d'une précision chirurgicale, fruit d'une documentation titanesque, et nous plonge en plein souffle révolutionnaire au XIXe siècle.


Au début du cinquième tome des Misérables, celui où Gavroche tombe sous les balles des gardes nationaux, Victor Hugo fait une digression sur les « deux plus mémorables barricades » qu'ait connu l'histoire sociale, non pas pendant l'insurrection républicaine de 1832 qui sert de cadre à son roman, mais plus tard, lors de la révolte ouvrière de juin 1848, peu après la proclamation de la IIe République. Barrant l'entrée du faubourg Saint Antoine et l'approche du faubourg du Temple d'une hauteur atteignant de deux à trois étages, ces « Charybde » et « Scylla » furent édifiées par deux chefs révolutionnaires, selon Hugo des antithèses l'un de l'autre – l'herculéen et tonitruant Frédéric Cournet, ex-officier de marine, et le « maigre, chétif, pâle » ouvrier Emmanuel Barthélemy, « une espèce de gamin tragique » –, qui, proscrits à Londres, finirent par s'entretuer en duel trois ans plus tard. C'est en l'occurrence le malingre qui eut raison du colosse.


Olivier Rolin qui, ancien militant d'extrême gauche investi dans l'organisation de sabotages, enlèvements et intimidations dans les années 1970, a écrit depuis sur la perte et la nostalgie de l'idéal révolutionnaire, était sans doute prédisposé comme personne à relever l'aparté de Victor Hugo et à s'intéresser de plus près à ces deux meneurs insurgés qui ont marqué le grand homme avant de tomber dans l'oubli. Son souci d'exactitude lui fait explorer d'une façon quasi maniaque la moindre trace, si ténue soit-elle. La littérature – Hugo, Balzac, Sue, Gauthier, Dickens et bien d'autres –, mais aussi la peinture, l'aident à superposer lieux et atmosphères d'alors à ceux et celles d'aujourd'hui. « La recherche de ces traces qui sont, avec la littérature, ce qui reste d'une ville disparue, est une activité d'essence mélancolique, mais qui ne va cependant pas sans une excitation d'autant plus grande qu'elles sont minuscules. »


Parfois, les informations manquent, ou se contredisent, le génie hugolien n'étant pas le dernier à prendre des libertés avec les détails réels pour parfaire son matériau romanesque. Scrupuleuse, la narration annonce ses limites, avance ses hypothèses, avoue ses erreurs, le tout dans une reconstitution qui reste fluide, se teinte d'humour, et surtout réussit à redonner vie à ses deux personnages historiques, sans les dénaturer, avec une intensité d'autant plus impressionnante que les indices sont rares, disséminés, et que les réunir relève de l'exploit. Et puis, l'on sait depuis le début que ces deux-là vont en venir à la confrontation. Attendue dans un certain suspense, cette partie du récit, avec le duel, la fuite, d'autres coups de feu meurtriers, une arrestation mouvementée et une exécution capitale n'a rien à envier aux péripéties d'un polar, captivant, immersif, véridique.


C'est admiratif que l'on referme cet ouvrage intéressant, modestement construit avec les copeaux laissés par le temps à travers lieux et littérature, et qui parvient magistralement à faire revivre dans toute leur authenticité les figurants d'un grand roman classique.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          9511
Spin-off des Misérables.
Cette idée de raconter les destins tragiques de deux figurants du monument littéraire du Père Victor était enthousiasmante.
Barthélémy, ouvrier blanquiste fanatique (à différencier des amateurs de blanquette) et Cournet, officier de marine placardisé en soute, participent activement aux insurrections parisiennes de Juin 1848, pratique aussi récurrente à l'époque que les grèves SNCF pendant les vacances scolaires aujourd'hui.
Le roman retrace le parcours trouble et chaotique des deux protagonistes au sang chaud qui n'ont rien d'imaginaire, qui se détestent et vont finir par se défier dans un duel à Londres entre exilés. Cette trame rappelle forcément « le Duel» de Conrad mais le roman d'Olivier Rolin tient mal la comparaison, faute de rythme et d'incarnation.
Si le chroniqueur de jadis impressionne par le travail de recherche autour de ces deux personnages oubliés par l'histoire, le récit souffre pour moi d'une maladie chronique : l'intrusion de l'auteur, pique-assiette de l'histoire.
Je me demande encore quel est l'intérêt de consacrer des pages entières aux repérages du romancier dans le Londres et le Paris d'aujourd'hui à la recherche de traces du passé. En 2024, les barricades de 1848 ont été levées. Quelle surprise ! Haussmann et Hidalgo sont passés par là. L'inventaire des kebabs, des couloirs de bus et des opticiens aux officines invasives ne présentent pas un grand intérêt pour l'histoire (j'exagère à peine) et le brouillard Londonien peine à masquer la modernité de la City. Ces passages, qui se voulaient être des passerelles du récit, se muent en barricades qui cloisonnent le roman et tiennent le lecteur à distance. J'appelle cela du remplissage. C'est comme si Tesson avait fait un selfie au moment du passage de la Panthère des Neiges.
C'est dommage car les truculences de Cournet, le parcours criminel de Barthélemy et les révoltes Hugoliennes éclairent avec minutie les agitations politiques de l'époque. Les apparitions de l'auteur sont de trop. L'ombre des citations Victor Hugo suffisait : « Parfois, insurrection, c'est résurrection. »
Olivier Rolin est un écrivain qui baroude autant dans l'espace que dans le temps. Non, Je ne parle de l'Ariège. Ce que les gens peuvent être méchants.
J'avais pourtant apprécié ses précédents romans car j'ai un petit faible pour les écrivains voyageurs, métier qui sur le papier, est plutôt sympa.
Après, il faut séparer le pèlerin introspectif qui partage ses ampoules au pied et sa crise existentielle sur les chemins de saint Jacques de Compostelle dans des gîtes qui puent les pieds, des vrais baroudeurs dont la plume dessine l'âme de peuples méconnus ou de terres inconnues.
Il est venu le temps des barricades (je confonds peut-être mes classiques…)
Commenter  J’apprécie          847
Y aurait-il derrière la plume d'Olivier Rolin un docteur Jekyll et un mister Hyde ?
Le premier aurait eu une idée lumineuse, il aurait travaillé son sujet et eût envie de raconter deux édifiants destins croisés ; et l'autre n'aurait eu de cesse que de l'interrompre par d'interminables digressions et d'oiseuses remarques.
"Jusqu'à ce que mort s'ensuive" est un essai historique et littéraire d'Olivier Rolin, paru en janvier 2024 à la prestigieuse collection "Nrf" des éditions "Gallimard".
Il s'agit ici d'un arrêt sur image opéré sur un passage des Misérables du grand Victor Hugo.
La perspective était tentante et originale.
Un duel s'est déroulé entre deux hommes qui se haïssaient, deux révolutionnaires français en exil en Angleterre : l'ouvrier mécanicien Emmanuel Barthélémy et l'officier de marine Frédéric Cournet.
Qu'a pu-t-il bien se passer entre ces deux hommes qui tous les deux étaient sur les barricades lors de la révolution de 1848 ?
Malheureusement l'auteur de l'essai, Olivier Rolin a décidé d'en être aussi un des personnages centraux.
Il s'y impose, joue des coudes entre Hugo, Balzac et quelques autres.
Il s'y met en scène, par exemple, à l'école communale de la rue de l'Amiral-Roussin où il se souvient de ses retards et de l'apparition du stylo Bic, ou bien à la citadelle de Cascais où il rédigea une partie de son livre "Extérieur monde".
Au début, c'est agréable à la lecture.
Mais très vite les remarques et les digressions deviennent envahissantes et finissent par polluer un récit qui finalement va en perdre tout intérêt.
Ce livre résonne comme une excellente émission de radio qui du fait de parasites serait devenue inaudible.
Peut-être ne suis-je pas à niveau ?
Mais cela m'a semblé confus et désordonné.
Le propos d'Olivier Rolin passe du réel à la fiction sans aucun préambule, du coq à l'âne, d'un personnage à un autre sans qu'ils n'aient été vraiment présentés.
Il interrompt par exemple le récit d'une évasion pour nous suggérer ce que l'on doit penser de chacun des évadés !
Tonnerre de Brest !
Ne serait-ce pas un peu fort de café ?
Par contre l'explication de la "curieuse" similitude entre le bonnet de bagnard et le "phrygien" se trouve dans "le bonnet rouge", ce curieux roman en vers de Daniel de Roulet paru en août 2023 aux éditions "Héros-Limite".
Il est donc difficile de garder le cap dans cet essai d'Olivier Rolin.
Plus grave, son propos m'a paru à certains petits passages comme artificiel, comme fabriqué pour l'occasion sans que cela en vaille vraiment la peine.
Mr Rolin aurait pour la première fois parcouru les notes annexes d'Histoire d'un crime, les ayant négligées jusque-là en raison de leurs caractères minuscules qui répugnaient à ses yeux.
Allons bon !
Pourtant, il y a du style et de l'idée dans cet essai.
Je suis passé à un doigt d'y être captivé car Olivier Rolin possède son sujet et le manipule à son gré.
Il aurait peut-être fallu qu'il en enlève un de ses personnages, en l'occurrence lui-même.
Hugo ceci, Hugo cela ...
Hugo n'a pas assisté à la scène.
Hugo patati, patata ...
Mais en page 89, Olivier Rolin a demandé pardon à Hugo d'avoir douté d'eux.
De qui ?
D'eux !
N'en doutons pas, de manière "chateaubrianesque" (p62) et Outre-Tombe, le grand Hugo a dû s'en sentir soulagé ...

Commenter  J’apprécie          564
Le saviez-vous ? le dernier duel livré en Angleterre, le fut entre deux français en octobre 1852. Duel au pistolet, jusqu'à ce que mort s'ensuive, entre Emmanuel Barthélemy (Ouvrier-mécanicien, blanquiste) et Frédéric Cournet (ex-officier de Marine, partisan de Ledru-Rollin).
Olivier Rolin, lisant les Misérables de Victor Hugo, se souvient d'un passage où le grand écrivain évoque ces deux personnages, deux personnages romanesques, mais qui ont pourtant réellement vécus. En effet ils étaient tous deux meneurs sur les barricades de l'insurrection parisienne de juin 1848. C'est là, certainement, que Victor Hugo les croisa, dans le tumulte de ces journées révolutionnaires, dont il fut l'un des protagonistes.
L'auteur, mène une enquête sérieuse ; il consulte les archives, il relit Hugo et Dickens (il les relie aussi ! 😉), il se rend sur les lieux des évènements … Certes il ne fait pas un roman, mais c'est tout comme. Son récit nous plonge dans la première partie du 19e siècle, dans ce Paris pré-haussmannien où les insurrections populaires se multiplient. Bien sûr on pourra réviser un peu l'Histoire de cette période, car parmi les différents partis « socialisants », on ne sait plus qui sont les modérés et qui sont les plus « enragés ». On assiste à des procès, à des séjours au bagne, à une évasion. On visite le Paris d'alors, Londres aussi. Assiste-t-on à un assassinat ou à un meurtre (l'un ou l'autre c'est une question de justice). Et puis on saura tout des règles d'un duel, en bonne et due forme et jusqu'à ce que mort s'ensuive. Bref c'est l'Histoire de cette époque à travers le destin de ces deux hommes, c'est deux aventuriers engagés.
Comme à son habitude Olivier Rolin digresse, et il l'assume, c'est son style qui veux ça. Un style vif, direct, fluide.
La dernière phrase de ce récit est une citation d'Hugo, qui dit, mais beaucoup mieux, que Barthélemy était un anarchiste qui s'ignorait. Alors je note ici l'avant-dernière phrase d'O. Rolin : « Les livres servent à en susciter d'autres, et si inférieure et chétive soit leur descendance, peu importe : le mouvement de l'imagination, de l'écriture, de la lecture, se poursuit, qui est la vie même, la vrai vie, a dit un autre »*. C'est beau, non ?
Allez, salut.
P.S. : * pour étaler un peu ma petite culture, je pense que Fernando Pessoa a écrit quelque chose comme ça, mais peut-être (sans doute), d'autres l'ont dit aussi …
Commenter  J’apprécie          262
Le comité du Prix Nice Baie des Anges a retenu ce livre dans sa sélection des huit livres « nominés ». le 16 mai 2024, quand ce prix sera décerné, Olivier Rolin sera peut-être l'heureux lauréat. C'est en tout cas ce que je lui souhaite.
A partir d'une page des Misérables où Victor Hugo évoque dans une digression les figures de deux révolutionnaires de 1848 qui, exilés à Londres après le coup d'état du futur Napoléon III, finiront par se haïr au point de se battre en duel « jusqu'à ce que mort s'en suive », Olivier Rolin a écrit un livre qui n'est ni un ouvrage d'historien, ni un roman historique, mais une enquête très personnelle et très fouillée où la rigueur s'allie à la prudence dans la recherche de la vérité.
Des deux personnages, de Cournet, l'ancien officier de marine, partisan de Ledru-Rollin, force de la nature et de Barthelemy, l'ouvrier blanquiste qu'Hugo décrivait comme chétif, taciturne, une sorte de « gamin tragique », Olivier Rolin préfère s'attarder un peu plus sur le second, plus complexe et qui lui inspire, au fil de son écriture, des sentiments divers. Ces modifications de perception des personnages dans le déroulement de son enquête contribuent au charme du livre. Cournet aussi découvre des visages variés, mais il paraît moins réel que Barthelemy, d'autant que sa participation aux journées de 1848 ne semble nullement prouvée en dépit des affirmations de Hugo. Olivier Rolin soupçonne ce dernier d'avoir inventé son rôle dans l'insurrection pour parfaire le portrait, largement imaginaire, de deux barricades s'incarnant dans la figure flamboyante de Cournet opposée à celle du pâle Barthelemy.
Le livre se lit comme un thriller et je l'ai lu d'une traite. On suit pas à pas l'itinéraire qui décidera du destin de chacun des deux protagonistes. Dans la première partie qui se déroule à Paris, je retiens en particulier le récit de la spectaculaire évasion de Barthelemy de la prison du Cherche-Midi où il était incarcéré avant son transfert au bagne où il était condamné à perpétuité. On transpire avec lui, on souffle, on s'essouffle ; on respire de le savoir sauvé.
Dans la partie londonienne, on prend connaissance de ce qui a pu engendrer cette haine absurde des deux hommes, combattants de la même cause, celle de la liberté. Et puis vient la narration du duel lui-même où la psychologie des deux adversaires se dévoile en partie. A un Cournet sûr de lui et qui fait preuve de générosité ou d'inconscience en refusant le duel à l'épée où il serait presque sûr de gagner, s'oppose un Barthelemy muré dans sa haine mais restant malgré cela froidement calculateur dans ses décisions et qui n'hésite pas à tirer sur son adversaire à vingt pas alors que Cournet avait ouvert le premier le feu à trente pas. L'officier de marine meurt peu après d'avoir reçu la balle de Barthelemy. Ce dernier bénéficiera d'un verdict clément du tribunal anglais qui le condamne à sept mois d'emprisonnement.
Les dernières pages du livre sont à mon sens les plus belles car elles tentent de retrouver la clé du personnage de l'ouvrier blanquiste dans sa dérive mortifère. Deux ans après le duel, Barthelemy, dans des conditions qui resteront à jamais mystérieuses tue un certain George Moore avec lequel il avait rendez-vous en compagnie d'une mystérieuse jeune femme au visage couvert d'une voilette et dont on ne connaîtra jamais l'identité. Il aggrave son cas en tuant, dans sa fuite, un de ses poursuivants. Il sera pour cela condamné à la pendaison.
Dans sa prison de condamné à mort, Barthelemy reçoit une lettre en français d'une nommée Sophie qui est peut-être ou peut-être pas la femme à la voilette. C'est une lettre d'une femme qui l'assure de son amour au-delà de la mort et qu'il lit avec émotion. Il demandera de garder cette lettre dans ses mains lors de son exécution. On ne peut se défendre de l'impression, nous dit Rolin, que la révolte violente et souvent fanatique qui l'a emporté depuis sa jeunesse s'est muée en un désespoir lucide.
Les digressions dans la « digression » qu'on a parfois reprochées à l'auteur sont au contraire des compléments utiles que ce soit pour l'enquête historique elle-même ou pour la compréhension du cheminement de son écriture.
On referme le livre avec regret. Ni Cournet ni Barthelemy ne sont devenus mes amis. Mais ils restent là dans ma mémoire dans les circonvolutions de leurs destins tourmentés.

Commenter  J’apprécie          140


critiques presse (6)
LeMonde
05 février 2024
Erudit généreux, l'écrivain s'empare dans son nouveau livre d'une digression des « Misérables » pour partager le plaisir de circuler entre faits, livres et souvenirs.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
05 février 2024
Un récit romanesque virtuose où tout est véridique.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Bibliobs
02 février 2024
L’auteur a épluché des masses d’archives, arpenté la campagne britannique comme la rue du Faubourg-du-Temple, et mobilisé son encyclopédique mémoire de lecteur. Résultat, son enquête, impressionnante de détails et de formules, reconstitue par le menu les trajectoires de deux personnages « secondaires » du roman de Victor Hugo.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LaCroix
11 janvier 2024
En éclairant les parcours de deux figures révolutionnaires esquissées par Victor Hugo dans "Les Misérables", Olivier Rolin célèbre le souffle insurrectionnel du XIXe siècle.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeFigaro
09 janvier 2024
Un roman virtuose sur deux personnages des «Misérables», un officier de marine et un ouvrier.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Marianne_
09 janvier 2024
Entre Frédéric Cournet et Emmanuel Barthélémy, tous deux acteurs des journées de juin 1848, « la plus grande guerre des rues qu’ait vue l’histoire », selon Hugo, c’est, chez Olivier Rolin, toute notre histoire politique et sociale qui se rejoue sur fond de haine, de drame, et de vies bafouées.
Lire la critique sur le site : Marianne_
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je relis, avec d’autres livres relatant ces événements, Histoire d’un crime. Des œuvres en prose de Hugo, c’est à mes yeux, une des plus magistrales. Quand il se débarrasse de l’emphase, quand la colère et le mépris le font aller au plus court, au plus direct, c’est Tacite. Il ne fait pas bon se trouver sur le chemin de sa plume, elle tue. Et ce n’est pas tout : il réussit à faire, du récit presque heure par heure de ce combat dont on connait l’issue, quelque chose comme un thriller.
Commenter  J’apprécie          30
Et sans doute n'étaient-ce pas seulement les rues qui semblaient "puantes et malsaines" à Haussmann, mais aussi leurs noms: une rue hausmannienne, ça porte un nom de Préfet, ou de victoire, ça ne s'appelle pas rue du Grand Hurleur, que fit disparaître le boulevard de Sebastopol, ou rue des Frondeurs, où Vautrin, sous l'apparence de Carlos Herrera, donne rendez-vous à Esther la Torpille au début de Splendeurs et misères... Que les rues ne soient plus un poème mais une proclamation officielle, un ordre du jour, tel était le programme d'Haussmann.
(page 101)
Commenter  J’apprécie          500
« La sombre construction sociale, poursuit-il, est ainsi faite que, grâce au dénûment matériel, grâce à l’obscurité morale, ce malheureux être qui contenait une intelligence, ferme à coup sûr, grande peut-être, commença par le bagne en France et finit par le gibet en Angleterre. » (« Grâce au dénûment matériel » ? On aurait plutôt écrit « à cause du dénûment matériel », mais qui est-on pour corriger le génie, le prodigieux artisan de la langue que fut Hugo, à travers qui parlait, selon Paul Valéry, « une divinité du Langage qu’illumine la toute-puissance de l’Ensemble des Mots » ?) Ce sont ces quelques lignes qui ont excité ma curiosité au point de me déterminer à entreprendre l’enquête qu’on vient de lire, et qui peut être considérée comme une note en bas de page du chapitre intitulé « La Charybde du faubourg Saint-Antoine et la Scylla du faubourg du Temple ». Les livres servent à en susciter d’autres, et si inférieure et chétive que soit leur descendance, peu importe : le mouvement de l’imagination, de l’écriture, de la lecture, se poursuit, qui est la vie même, la vraie vie, a dit un autre.
Commenter  J’apprécie          220
Des centaines de bateaux de toute taille se croisent sur le fleuve, forment le long des berges, accostés par essaims énormes, des rues d’eau sombre où grouillent barques et allèges sous des futaies de mâts et de vergues. « La Tamise, a écrit assez joliment Custine, ressemble à une forêt inondée. » Sur chaque rive, des chantiers navals, des entrepôts, des docks hérissés de grues où le travail ne s’arrête jamais, Surrey, Howland, St. Katharine, West India, East India Docks, chargeant et déchargeant toutes les richesses de la terre. Cette ville dont approchent les exilés inquiets, ce n’est pas quelque chose comme Paris en plus grand, c’est une ville-monstre, la capitale du monde d’alors. « Les docks des Indes orientales sont quelque chose d’énorme, de gigantesque, de fabuleux qui dépasse la proportion humaine, écrit Théophile Gautier qui lui y allait en touriste. C’est une œuvre de cyclopes et de titans. » Et pour accroître encore l’angoisse des nouveaux arrivants, à mesure qu’ils approchent du London Bridge, le paysage se peint de noir. Le bateau s’enfonce sous un dôme de fumée crachée par des milliers de cheminées qui hérissent l’horizon comme les obélisques d’une ville infernale. La suie se mêle au brouillard, le « charbon de terre », comme on disait alors, imprègne tout, barbouille tout. Il n’est pas un voyageur, volontaire ou involontaire, à qui cette noirceur ne serre le cœur. « Rien de noir comme cette ville de boue et de fumée », pour le docteur Lacambre. Gautier s’étonne du « deuil général des édifices, dont les plus anciens ont littéralement l’air d’avoir été peints avec du cirage ». Et Hugo : « Londres est lugubre et hideux. C’est une immense ville noire. » Pour Flora Tristan, « on s’imagine errer dans la nécropole du monde ». Et Vallès, plus tard : « L’eau de la Tamise est couleur de fange, et le ciel est couleur de tombe. » Il n’y a pas que les étrangers, qu’on peut toujours suspecter d’une certaine anglophobie (Hugo, par exemple), que frappent ces ténèbres dont s’enveloppe Londres. C’est la couleur majeure de la ville des romans de Dickens. Début de Bleak House : « La fumée tombe des cheminées en un crachin noir et mou contenant des flocons de suie grands comme des flocons de neige adultes. » Et la jeune Esther Summerson, débarquant de sa campagne à Londres, trouve les rues si obscurcies de fumée qu’elle croit qu’un grand incendie a éclaté quelque part. So, gentlemen, welcome to London !
Commenter  J’apprécie          70
Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, n’est pas la plus grande ville du monde ni la plus peuplée, avec son million d’habitants. Ce n’est pas la plus moderne, ce n’est pas celle de l’éclairage au gaz, ni des chemins de fer, ni des parcs urbains : tout ça, c’est Londres. Pour le Balzac de La Fille aux yeux d’or, c’est « la tête du globe, un cerveau qui crève de génie et conduit la civilisation humaine », « un sublime vaisseau chargé d’intelligence ». Si l’on en juge par les photos que Marville prit avant et pendant le grand ratiboisage haussmannien, c’est aussi, et plus prosaïquement, la ville des débits de boissons : incroyable le nombre d’écriteaux annonçant vins en bouteilles, commerce de vins, vins au litre, vins & liqueurs, vins en gros, vins en gros et en détail, et autres appels à la soif blasonnant en grandes lettres peintes les murs noirs de rues que creuse un caniveau central, où tombereaux brancards en l’air et fiacres attelés à de patients chevaux stationnent sur les pavés rebondis qui font au pied des maisons un maillage de lumière et d’ombre (quelquefois, sur une photo, une de la rue des Gravilliers par exemple, le temps de pose a fait d’un fiacre un fantôme, qui est comme le passé venant nous visiter en songe). Mais Paris, au milieu du dix-neuvième siècle, c’est surtout la capitale des insurrections et des barricades. Les barricades sont vraiment une spécialité parisienne. Dans aucune autre capitale d’Europe on ne dépave la rue pour attendre stoïquement, derrière ce rempart de fortune, les fusils du gouvernement. « Les 4 054 barricades des “Trois Glorieuses” comptaient 8 125 000 pavés », selon un texte cité par Walter Benjamin. Combien de dizaines de millions de pavés déchaussés et entassés fiévreusement, joyeusement, en travers des rues parisiennes, depuis les trois journées de juillet 1830 et leurs 4 054 barricades qui en finirent avec la monarchie absolue ? Il y a eu (au moins) le soulèvement de juin 1832 à l’occasion des obsèques du général Lamarque, qui est celui où meurt Gavroche, celui d’avril 1834 qui finit par le massacre de la rue Transnonain que lithographia Daumier, la tentative d’insurrection blanquiste de mai 1839, la révolution de février 1848 qui bazarda une fois pour toutes la royauté, fût-elle bourgeoise, les journées de Juin de la même année, et enfin les trois jours de la résistance au coup d’État du prince-président Louis Napoléon Bonaparte, les 3, 4 et 5 décembre 1851, qu’illustre, notamment, l’hallucinante tournée nocturne dans le quartier des Halles racontée par Hugo dans Histoire d’un crime. (Lorsque nous dépavions les rues du Quartier latin en mai 1968, nous avions sans doute une vague conscience de cette histoire dont nous étions le dernier balbutiement, mais bien imprécise et ignorante – je parle pour moi. Les « autorités », comme on dit – quel mot ! – en avaient sans doute une connaissance plus exacte, ou au moins plus fonctionnelle, puisqu’elles firent bientôt disparaître sous le goudron les pavés qui rappelaient encore un peu les rues du dangereux Paris d’antan.)
Commenter  J’apprécie          50

Videos de Olivier Rolin (40) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Olivier Rolin
Rencontre avec Olivier Rolin autour de Jusqu'à ce que mort s'ensuive paru aux éditions Gallimard.


Olivier Rolin, né en 1947 à Boulogne-Billancourt, est un écrivain français, lauréat notamment du prix Femina en 1994 pour Port-Soudan et du prix France Culture en 2002 pour Tigre en papier. Il a publié entre autres: Circus 1 (Éditions du Seuil, 2011), Bric et broc (Verdier, 2011), Circus 2 (Seuil, 2012), Veracruz (Verdier, 2015), Extérieur monde (Gallimard, 2019) et Vider les lieux (Gallimard, 2022).
--
31/01/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
+ Lire la suite
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (129) Voir plus



Quiz Voir plus

1 classique = 1 auteur (XIX° siècle)

La Chartreuse de Parme

Stendhal
Alfred de Vigny
Honoré de Balzac

21 questions
566 lecteurs ont répondu
Thèmes : classique , classique 19ème siècle , 19ème siècleCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..