AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,46

sur 40 notes
5
3 avis
4
5 avis
3
2 avis
2
4 avis
1
1 avis
Intrigué par un court passage digressif des Misérables, Olivier Rolin a entrepris une enquête remarquable, qu'il qualifie humblement de « note en bas de page » du célèbre ouvrage. « Les livres servent à en susciter d'autres » écrit-il. le sien est d'une précision chirurgicale, fruit d'une documentation titanesque, et nous plonge en plein souffle révolutionnaire au XIXe siècle.


Au début du cinquième tome des Misérables, celui où Gavroche tombe sous les balles des gardes nationaux, Victor Hugo fait une digression sur les « deux plus mémorables barricades » qu'ait connu l'histoire sociale, non pas pendant l'insurrection républicaine de 1832 qui sert de cadre à son roman, mais plus tard, lors de la révolte ouvrière de juin 1848, peu après la proclamation de la IIe République. Barrant l'entrée du faubourg Saint Antoine et l'approche du faubourg du Temple d'une hauteur atteignant de deux à trois étages, ces « Charybde » et « Scylla » furent édifiées par deux chefs révolutionnaires, selon Hugo des antithèses l'un de l'autre – l'herculéen et tonitruant Frédéric Cournet, ex-officier de marine, et le « maigre, chétif, pâle » ouvrier Emmanuel Barthélemy, « une espèce de gamin tragique » –, qui, proscrits à Londres, finirent par s'entretuer en duel trois ans plus tard. C'est en l'occurrence le malingre qui eut raison du colosse.


Olivier Rolin qui, ancien militant d'extrême gauche investi dans l'organisation de sabotages, enlèvements et intimidations dans les années 1970, a écrit depuis sur la perte et la nostalgie de l'idéal révolutionnaire, était sans doute prédisposé comme personne à relever l'aparté de Victor Hugo et à s'intéresser de plus près à ces deux meneurs insurgés qui ont marqué le grand homme avant de tomber dans l'oubli. Son souci d'exactitude lui fait explorer d'une façon quasi maniaque la moindre trace, si ténue soit-elle. La littérature – Hugo, Balzac, Sue, Gauthier, Dickens et bien d'autres –, mais aussi la peinture, l'aident à superposer lieux et atmosphères d'alors à ceux et celles d'aujourd'hui. « La recherche de ces traces qui sont, avec la littérature, ce qui reste d'une ville disparue, est une activité d'essence mélancolique, mais qui ne va cependant pas sans une excitation d'autant plus grande qu'elles sont minuscules. »


Parfois, les informations manquent, ou se contredisent, le génie hugolien n'étant pas le dernier à prendre des libertés avec les détails réels pour parfaire son matériau romanesque. Scrupuleuse, la narration annonce ses limites, avance ses hypothèses, avoue ses erreurs, le tout dans une reconstitution qui reste fluide, se teinte d'humour, et surtout réussit à redonner vie à ses deux personnages historiques, sans les dénaturer, avec une intensité d'autant plus impressionnante que les indices sont rares, disséminés, et que les réunir relève de l'exploit. Et puis, l'on sait depuis le début que ces deux-là vont en venir à la confrontation. Attendue dans un certain suspense, cette partie du récit, avec le duel, la fuite, d'autres coups de feu meurtriers, une arrestation mouvementée et une exécution capitale n'a rien à envier aux péripéties d'un polar, captivant, immersif, véridique.


C'est admiratif que l'on referme cet ouvrage intéressant, modestement construit avec les copeaux laissés par le temps à travers lieux et littérature, et qui parvient magistralement à faire revivre dans toute leur authenticité les figurants d'un grand roman classique.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
Commenter  J’apprécie          9511
Spin-off des Misérables.
Cette idée de raconter les destins tragiques de deux figurants du monument littéraire du Père Victor était enthousiasmante.
Barthélémy, ouvrier blanquiste fanatique (à différencier des amateurs de blanquette) et Cournet, officier de marine placardisé en soute, participent activement aux insurrections parisiennes de Juin 1848, pratique aussi récurrente à l'époque que les grèves SNCF pendant les vacances scolaires aujourd'hui.
Le roman retrace le parcours trouble et chaotique des deux protagonistes au sang chaud qui n'ont rien d'imaginaire, qui se détestent et vont finir par se défier dans un duel à Londres entre exilés. Cette trame rappelle forcément « le Duel» de Conrad mais le roman d'Olivier Rolin tient mal la comparaison, faute de rythme et d'incarnation.
Si le chroniqueur de jadis impressionne par le travail de recherche autour de ces deux personnages oubliés par l'histoire, le récit souffre pour moi d'une maladie chronique : l'intrusion de l'auteur, pique-assiette de l'histoire.
Je me demande encore quel est l'intérêt de consacrer des pages entières aux repérages du romancier dans le Londres et le Paris d'aujourd'hui à la recherche de traces du passé. En 2024, les barricades de 1848 ont été levées. Quelle surprise ! Haussmann et Hidalgo sont passés par là. L'inventaire des kebabs, des couloirs de bus et des opticiens aux officines invasives ne présentent pas un grand intérêt pour l'histoire (j'exagère à peine) et le brouillard Londonien peine à masquer la modernité de la City. Ces passages, qui se voulaient être des passerelles du récit, se muent en barricades qui cloisonnent le roman et tiennent le lecteur à distance. J'appelle cela du remplissage. C'est comme si Tesson avait fait un selfie au moment du passage de la Panthère des Neiges.
C'est dommage car les truculences de Cournet, le parcours criminel de Barthélemy et les révoltes Hugoliennes éclairent avec minutie les agitations politiques de l'époque. Les apparitions de l'auteur sont de trop. L'ombre des citations Victor Hugo suffisait : « Parfois, insurrection, c'est résurrection. »
Olivier Rolin est un écrivain qui baroude autant dans l'espace que dans le temps. Non, Je ne parle de l'Ariège. Ce que les gens peuvent être méchants.
J'avais pourtant apprécié ses précédents romans car j'ai un petit faible pour les écrivains voyageurs, métier qui sur le papier, est plutôt sympa.
Après, il faut séparer le pèlerin introspectif qui partage ses ampoules au pied et sa crise existentielle sur les chemins de saint Jacques de Compostelle dans des gîtes qui puent les pieds, des vrais baroudeurs dont la plume dessine l'âme de peuples méconnus ou de terres inconnues.
Il est venu le temps des barricades (je confonds peut-être mes classiques…)
Commenter  J’apprécie          847
Y aurait-il derrière la plume d'Olivier Rolin un docteur Jekyll et un mister Hyde ?
Le premier aurait eu une idée lumineuse, il aurait travaillé son sujet et eût envie de raconter deux édifiants destins croisés ; et l'autre n'aurait eu de cesse que de l'interrompre par d'interminables digressions et d'oiseuses remarques.
"Jusqu'à ce que mort s'ensuive" est un essai historique et littéraire d'Olivier Rolin, paru en janvier 2024 à la prestigieuse collection "Nrf" des éditions "Gallimard".
Il s'agit ici d'un arrêt sur image opéré sur un passage des Misérables du grand Victor Hugo.
La perspective était tentante et originale.
Un duel s'est déroulé entre deux hommes qui se haïssaient, deux révolutionnaires français en exil en Angleterre : l'ouvrier mécanicien Emmanuel Barthélémy et l'officier de marine Frédéric Cournet.
Qu'a pu-t-il bien se passer entre ces deux hommes qui tous les deux étaient sur les barricades lors de la révolution de 1848 ?
Malheureusement l'auteur de l'essai, Olivier Rolin a décidé d'en être aussi un des personnages centraux.
Il s'y impose, joue des coudes entre Hugo, Balzac et quelques autres.
Il s'y met en scène, par exemple, à l'école communale de la rue de l'Amiral-Roussin où il se souvient de ses retards et de l'apparition du stylo Bic, ou bien à la citadelle de Cascais où il rédigea une partie de son livre "Extérieur monde".
Au début, c'est agréable à la lecture.
Mais très vite les remarques et les digressions deviennent envahissantes et finissent par polluer un récit qui finalement va en perdre tout intérêt.
Ce livre résonne comme une excellente émission de radio qui du fait de parasites serait devenue inaudible.
Peut-être ne suis-je pas à niveau ?
Mais cela m'a semblé confus et désordonné.
Le propos d'Olivier Rolin passe du réel à la fiction sans aucun préambule, du coq à l'âne, d'un personnage à un autre sans qu'ils n'aient été vraiment présentés.
Il interrompt par exemple le récit d'une évasion pour nous suggérer ce que l'on doit penser de chacun des évadés !
Tonnerre de Brest !
Ne serait-ce pas un peu fort de café ?
Par contre l'explication de la "curieuse" similitude entre le bonnet de bagnard et le "phrygien" se trouve dans "le bonnet rouge", ce curieux roman en vers de Daniel de Roulet paru en août 2023 aux éditions "Héros-Limite".
Il est donc difficile de garder le cap dans cet essai d'Olivier Rolin.
Plus grave, son propos m'a paru à certains petits passages comme artificiel, comme fabriqué pour l'occasion sans que cela en vaille vraiment la peine.
Mr Rolin aurait pour la première fois parcouru les notes annexes d'Histoire d'un crime, les ayant négligées jusque-là en raison de leurs caractères minuscules qui répugnaient à ses yeux.
Allons bon !
Pourtant, il y a du style et de l'idée dans cet essai.
Je suis passé à un doigt d'y être captivé car Olivier Rolin possède son sujet et le manipule à son gré.
Il aurait peut-être fallu qu'il en enlève un de ses personnages, en l'occurrence lui-même.
Hugo ceci, Hugo cela ...
Hugo n'a pas assisté à la scène.
Hugo patati, patata ...
Mais en page 89, Olivier Rolin a demandé pardon à Hugo d'avoir douté d'eux.
De qui ?
D'eux !
N'en doutons pas, de manière "chateaubrianesque" (p62) et Outre-Tombe, le grand Hugo a dû s'en sentir soulagé ...

Commenter  J’apprécie          564
Le saviez-vous ? le dernier duel livré en Angleterre, le fut entre deux français en octobre 1852. Duel au pistolet, jusqu'à ce que mort s'ensuive, entre Emmanuel Barthélemy (Ouvrier-mécanicien, blanquiste) et Frédéric Cournet (ex-officier de Marine, partisan de Ledru-Rollin).
Olivier Rolin, lisant les Misérables de Victor Hugo, se souvient d'un passage où le grand écrivain évoque ces deux personnages, deux personnages romanesques, mais qui ont pourtant réellement vécus. En effet ils étaient tous deux meneurs sur les barricades de l'insurrection parisienne de juin 1848. C'est là, certainement, que Victor Hugo les croisa, dans le tumulte de ces journées révolutionnaires, dont il fut l'un des protagonistes.
L'auteur, mène une enquête sérieuse ; il consulte les archives, il relit Hugo et Dickens (il les relie aussi ! 😉), il se rend sur les lieux des évènements … Certes il ne fait pas un roman, mais c'est tout comme. Son récit nous plonge dans la première partie du 19e siècle, dans ce Paris pré-haussmannien où les insurrections populaires se multiplient. Bien sûr on pourra réviser un peu l'Histoire de cette période, car parmi les différents partis « socialisants », on ne sait plus qui sont les modérés et qui sont les plus « enragés ». On assiste à des procès, à des séjours au bagne, à une évasion. On visite le Paris d'alors, Londres aussi. Assiste-t-on à un assassinat ou à un meurtre (l'un ou l'autre c'est une question de justice). Et puis on saura tout des règles d'un duel, en bonne et due forme et jusqu'à ce que mort s'ensuive. Bref c'est l'Histoire de cette époque à travers le destin de ces deux hommes, c'est deux aventuriers engagés.
Comme à son habitude Olivier Rolin digresse, et il l'assume, c'est son style qui veux ça. Un style vif, direct, fluide.
La dernière phrase de ce récit est une citation d'Hugo, qui dit, mais beaucoup mieux, que Barthélemy était un anarchiste qui s'ignorait. Alors je note ici l'avant-dernière phrase d'O. Rolin : « Les livres servent à en susciter d'autres, et si inférieure et chétive soit leur descendance, peu importe : le mouvement de l'imagination, de l'écriture, de la lecture, se poursuit, qui est la vie même, la vrai vie, a dit un autre »*. C'est beau, non ?
Allez, salut.
P.S. : * pour étaler un peu ma petite culture, je pense que Fernando Pessoa a écrit quelque chose comme ça, mais peut-être (sans doute), d'autres l'ont dit aussi …
Commenter  J’apprécie          272
Ouvrez "Les Misérables", cinquième partie intitulée Jean Valjean, livre premier, chapitre premier. Il y a là une digression de quelques pages que Victor Hugo consacre à deux gigantesques barricades élevées pendant la révolution de 1848. L'une d'elle était dirigée par un certain Cournet, l'autre par Barthélemy. le sort de ces deux là est expédié en quelques lignes à la fin du chapitre : exilés l'un et l'autre à Londres durant le Second Empire, Cournet sera tué au cours d'un duel par Barthélemy, lequel sera plus tard pendu par la justice anglaise à la suite d'un crime. le roman de Hugo ne reviendra plus sur ces personnages.
Olivier Rolin, titillé par la curiosité, mène l'enquête. Il revient sur la jeunesse de ces deux révolutionnaires : Cournet ex-officier de marine, fantasque, emporté, "le plus cordial des hommes, le plus redoutable des combattants" (selon Hugo), mais protégé par ceux de sa classe, et Barthélemy, pur prolétaire, assoiffé de justice, "espèce de gamin tragique" (encore Hugo). Il connaîtra même le bagne dont l'auteur nous dresse un tableau saisissant.
L'enquête d'Olivier Rolin est passionnante, tant dans ses tableaux du Paris révolutionnaire que du Londres populaire, ses références à Hugo – omniprésent, on se demanderait presque si ce n'est pas lui le personnage principal du livre - sont pertinentes, et au passage, mine de rien, de temps en temps quelques réflexions personnelles et des clins d'oeil au lecteur sont semés pour alléger le récit.
Voilà une enquête cousue main, aux multiples références, Hugo, Dickens entre autres, un livre engagé (on voit où va la sympathie de l'auteur). L'auteur s'empare de quelques lignes anodines glanées dans "Les Misérables" et nous offre une belle plongée dans les milieux révolutionnaires du XIXe siècle.
Commenter  J’apprécie          180
Le comité du Prix Nice Baie des Anges a retenu ce livre dans sa sélection des huit livres « nominés ». le 16 mai 2024, quand ce prix sera décerné, Olivier Rolin sera peut-être l'heureux lauréat. C'est en tout cas ce que je lui souhaite.
A partir d'une page des Misérables où Victor Hugo évoque dans une digression les figures de deux révolutionnaires de 1848 qui, exilés à Londres après le coup d'état du futur Napoléon III, finiront par se haïr au point de se battre en duel « jusqu'à ce que mort s'en suive », Olivier Rolin a écrit un livre qui n'est ni un ouvrage d'historien, ni un roman historique, mais une enquête très personnelle et très fouillée où la rigueur s'allie à la prudence dans la recherche de la vérité.
Des deux personnages, de Cournet, l'ancien officier de marine, partisan de Ledru-Rollin, force de la nature et de Barthelemy, l'ouvrier blanquiste qu'Hugo décrivait comme chétif, taciturne, une sorte de « gamin tragique », Olivier Rolin préfère s'attarder un peu plus sur le second, plus complexe et qui lui inspire, au fil de son écriture, des sentiments divers. Ces modifications de perception des personnages dans le déroulement de son enquête contribuent au charme du livre. Cournet aussi découvre des visages variés, mais il paraît moins réel que Barthelemy, d'autant que sa participation aux journées de 1848 ne semble nullement prouvée en dépit des affirmations de Hugo. Olivier Rolin soupçonne ce dernier d'avoir inventé son rôle dans l'insurrection pour parfaire le portrait, largement imaginaire, de deux barricades s'incarnant dans la figure flamboyante de Cournet opposée à celle du pâle Barthelemy.
Le livre se lit comme un thriller et je l'ai lu d'une traite. On suit pas à pas l'itinéraire qui décidera du destin de chacun des deux protagonistes. Dans la première partie qui se déroule à Paris, je retiens en particulier le récit de la spectaculaire évasion de Barthelemy de la prison du Cherche-Midi où il était incarcéré avant son transfert au bagne où il était condamné à perpétuité. On transpire avec lui, on souffle, on s'essouffle ; on respire de le savoir sauvé.
Dans la partie londonienne, on prend connaissance de ce qui a pu engendrer cette haine absurde des deux hommes, combattants de la même cause, celle de la liberté. Et puis vient la narration du duel lui-même où la psychologie des deux adversaires se dévoile en partie. A un Cournet sûr de lui et qui fait preuve de générosité ou d'inconscience en refusant le duel à l'épée où il serait presque sûr de gagner, s'oppose un Barthelemy muré dans sa haine mais restant malgré cela froidement calculateur dans ses décisions et qui n'hésite pas à tirer sur son adversaire à vingt pas alors que Cournet avait ouvert le premier le feu à trente pas. L'officier de marine meurt peu après d'avoir reçu la balle de Barthelemy. Ce dernier bénéficiera d'un verdict clément du tribunal anglais qui le condamne à sept mois d'emprisonnement.
Les dernières pages du livre sont à mon sens les plus belles car elles tentent de retrouver la clé du personnage de l'ouvrier blanquiste dans sa dérive mortifère. Deux ans après le duel, Barthelemy, dans des conditions qui resteront à jamais mystérieuses tue un certain George Moore avec lequel il avait rendez-vous en compagnie d'une mystérieuse jeune femme au visage couvert d'une voilette et dont on ne connaîtra jamais l'identité. Il aggrave son cas en tuant, dans sa fuite, un de ses poursuivants. Il sera pour cela condamné à la pendaison.
Dans sa prison de condamné à mort, Barthelemy reçoit une lettre en français d'une nommée Sophie qui est peut-être ou peut-être pas la femme à la voilette. C'est une lettre d'une femme qui l'assure de son amour au-delà de la mort et qu'il lit avec émotion. Il demandera de garder cette lettre dans ses mains lors de son exécution. On ne peut se défendre de l'impression, nous dit Rolin, que la révolte violente et souvent fanatique qui l'a emporté depuis sa jeunesse s'est muée en un désespoir lucide.
Les digressions dans la « digression » qu'on a parfois reprochées à l'auteur sont au contraire des compléments utiles que ce soit pour l'enquête historique elle-même ou pour la compréhension du cheminement de son écriture.
On referme le livre avec regret. Ni Cournet ni Barthelemy ne sont devenus mes amis. Mais ils restent là dans ma mémoire dans les circonvolutions de leurs destins tourmentés.

Commenter  J’apprécie          160
C'est l'histoire d'un mystérieux duel entre deux hommes qu'a priori rien n'opposait, bien au contraire : Emmanuel Barthélemy, ouvrier mécanicien, et Frédéric Cournet, ancien officier de marine. Deux hommes qui ont fini par se détester alors que l'Histoire les avait rapprochés : en effet, ils étaient l'un et l'autre à l'avant-poste des deux plus grandes barricades en 1848. « Cournet avait fait la barricade de Saint-Antoine ; Barthélemy la barricade Du Temple » commente Hugo dans les Misérables au tout début de la cinquième partie. S'ensuivent deux assez courts portraits physiques. Plus tard, alors qu'ils étaient devenus proscrits à Londres, eut lieu entre eux, « un duel funèbre » : « Barthélemy tua Cournet » puis il fut pendu.
C'est précisément là qu'Olivier Rolin intervient et s'empare d'un sujet pour en faire un roman. En effet, Hugo reste très évasif et ne donnera pas plus d'explications même s'il avait déjà fait le portrait de Cournet dans « Histoire d'un crime ». Ces deux hommes qui ne sont pas des êtres de fiction mais des hommes qui ont bel et bien existé ont retenu l'attention d'Olivier Rolin. Belle matière romanesque en effet ! Comment ces deux hommes qui étaient révolutionnaires sur les barricades en sont-ils venus à se haïr, que s'est-il passé exactement, quels ont été leurs parcours respectifs? Rolin se documente avec patience et minutie, il lit des témoignages de l'époque, de nombreux journaux français et anglais. Il se lance dans une passionnante enquête afin de mieux saisir qui sont ces deux hommes, où ils ont vécu, ce qu'ils ont vécu, qui ils ont rencontré. On les suit avec intérêt à Paris, à Brest, à Londres, chaque lieu étant minutieusement décrit. On comprend mieux leurs trajectoires respectives. Rolin parvient à faire de ces deux êtres réels de véritables personnages de fiction vraiment fascinants et l'enquête qu'il nous propose est digne d'un roman d'aventures ! Passionnant !
Commenter  J’apprécie          80
Un "spin off" des Misérables de Victor Hugo centré sur deux personnages ayant dirigé deux barricades lors des émeutes de juin 1830. Un voyage étourdissant d'érudition dans cette époque troublée avec l'avènement du Paris haussmannien, un petit tour au bagne de Brest, une visite plus longue du Londres dickensien et des proscrits français annonçant celui du Guignol's Band célinien, jusqu'à la potence invitant à "danser la danse sans sol" en passant par un duel sur pré anglais. Personnellement, ça ne m'a pas ennuyé une seule seconde même si Olivier Rolin ne boude pas son propre plaisir tout au long du périple en relevant même à la toute fin - avec une certaine impertinence - une légère incorrection du monument de la littérature qu'est Victor Hugo.
Commenter  J’apprécie          80
"Et maintenant, je vais me permettre une petite digression. Hugo me l'aurait pardonnée. D'ailleurs, comme il l'écrit dans le chapitre des
Misérables qui nous occupe : « Là où le sujet n'est point perdu de vue, il n'y a point de digression. »
Jusqu'à ce que mort s'ensuive n'est que cela, ce n'est que digression, digression tout d'abord à partir de quelques lignes seulement dans les Misérables. Hugo décrit les chefs de deux barricades, pour, comme souvent chez lui, montrer que leurs contraires les rapprochent. Et, sur ces quelques lignes, le Narrateur démarre une véritable enquête. C'est une enquête, oui, car il part sur les lieux, il les arpente, il les décrit, il voyage jusqu'en Angleterre pour comprendre. Il se renseigne aussi sur les sources, lit des articles, des comptes-rendus d'audience, des délibérations de tribunaux... C'est donc presque un travail d'historien, puisqu'il cherche - au sens premier - la vérité à partir de sources. Mais c'est une enquête subjective, le Narrateur intervient, prend parti, juge ces êtres réels qui sont devenus ses personnages de littérature. Il juge donc "son casting", regrettant qu'il n'y ait pas assez de femmes et pas assez d'amour, jugeant le physique de ceux qui sont devenus ses héros. Digressions donc, petites et longues, comme lorsqu'il évoque les magasins et restaurants venus du monde entier dans certaines rues de Paris, ou lorsqu'il évoque les corbeaux de Notre-Dame de Paris.
En astronomie, le mot "digression" désigne l'angle d'une étoile par rapport à un pôle. Je ne comprends pas tout, mais Hugo aurait sans doute aimé cette définition qui convoque le ciel et l'infini. le pôle, c'est lui, c'est son écriture, ses pages géniales et immortelles. Et Jusqu'à ce que mort s'en suive, c'est l'astre qui s'en éloigne, tout en prenant les Misérables pour référence. Les personnages eux-mêmes, ces deux hommes si différents par le physique, par l'origine, par les idées, mais pourtant si proches par l'engagement et l'idéal. Je ne connais pas l'oeuvre d'Olivier Rolin, mais il rend un bel hommage à Hugo, avec sa propre écriture faite d'interventions amusées et légèrement distanciées du Narrateur, tout en faisant le portrait de deux hommes qui avaient foi en l'avenir, animés par l'idéal.
Olivier Rolin fait écho à plusieurs autres héros de la littérature du XIX ème siècle, qui lui permettent de composer deux portraits riches de toutes leurs complexité : l'enthousiasme d'Enjolras, l'ambition de Julien Sorel et de Rastignac, les yeux ardents du révolutionnaire Ferrante Palla, la force brutale de Vautrin, la misère des héros de Dickens...
Cette oeuvre est donc riche de références plus ou moins implicites, de faits historiques, de portraits de révolutionnaires. Même si on se perd un peu parfois dans les querelles idéologiques des révolutionnaires français en exil à Londres, l'écriture incise et spirituelle - le Narrateur le dit lui-même, il ne va pas imiter le style de Victor Hugo, c'est impossible - est agréable et instructive.
Commenter  J’apprécie          70
Or donc, l'élégance de l'écriture est bien présente dans ce livre d'un auteur que je n'avais jamais lu. Pour autant, la lecture m'a paru d'un ennui mortel, par exemple ces explicitations documentées des lieux et de l'emplacement des barricades et autres, qui ne peuvent au mieux intéresser que les habitants du quartier de Paris concerné. Tant qu'à faire, je préfère relire quelques pages De Balzac !
Commenter  J’apprécie          51




Lecteurs (140) Voir plus



Quiz Voir plus

1 classique = 1 auteur (XIX° siècle)

La Chartreuse de Parme

Stendhal
Alfred de Vigny
Honoré de Balzac

21 questions
566 lecteurs ont répondu
Thèmes : classique , classique 19ème siècle , 19ème siècleCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..