- Je pense plutôt que vous ne connaissez pas vraiment votre époux, Alix. Mon frère, Mathilda...Et maintenant il s'évapore. Ou bien est-ce que vous vous voilez la face? Vous savez, s'il y a bien une chose que m'a appris mon métier, c'est que l'on ne sait pas ce qui se passe chez les gens une fois qu'ils ont fermé la porte.
On dit que le malheur fait vieillir prématurement et que le bonheur conserve.
Je ne suis pas malheureuse. Je possède bien plus de trésors que la plupart des gens. En revanche, je me demande perpétuellement comment font ceux qui sourient avec les yeux et qui observent chaque chose comme si le monde était merveilleux.
Elle est exactement comme mon frère me l’avait décrite. Américaine avec le charme et le truc en plus qu’ont les Françaises sans le savoir.
Nous ne sommes propriétaires de rien dans ce monde, nous ne sommes que des voyageurs égarés.
De retour à Bordeaux le soir même, je branche mon portable qui n'avait plus de batterie et file prendre une douche. J'ai toujours autant de mal à chasser Alix de mes pensées.
Un de ces fameux soirs, mon père trouva sur la porte du vieux Trevor un mot griffonné à son attention lui demandant de se mettre en contact avec le seul avocat vivant sur l’île à l’époque. L’homme, qui venait de rendre son dernier souffle, l’avait désigné comme unique héritier de tout ce qu’il possédait. Soit : une cabane en bois sur pilotis complètement délabrée et dont il ne restait pas grand-chose à l’intérieur qui puisse être récupéré, ainsi qu’un bout de terre, entre sable et océan sur lequel tout était possible, tout restait à faire.
mon père décida que le reste de sa vie se déroulerait sur une île américaine de 124 km2 aux côtés d’une fille rencontrée deux semaines auparavant et qui ne parlait pas un mot de français. Un an plus tard, il épousait Adélaïde Marning, ma mère, sans sa famille, qui ne comprenait toujours pas son choix mais avec des projets plein la tête et de l’amour à s’en crever le cœur.
J’ai grandi les pieds dans l’eau et le nez dans une cuisine.
Mon père et sa troupe avaient fait une halte de quatre jours ici pour découvrir ce joyau dont leur parlaient tant les hippies argentins qui les logeaient à Boston. Ses trois compagnons de voyage étaient rentrés à Pau comme prévu la semaine suivante mais pas mon père qui, entre temps, était tombé éperdument amoureux de Nantucket. Surtout de la jeune fille au tablier rose et aux longs cheveux blonds qui servait au Minty’s.