Citations sur Le Roseau pensotant, suivi de 'Avant la grande réforme .. (8)
(...) La meilleure activité est celle qui rend joyeux. Il y avait peut-être des choses exquises dans quelques âmes enfantines que la discipline scolaire a prématurément rendues silencieuses.
Si l'on veut fortifier la bonne volonté de l'enfant, si l'on veut qu'il envisage l'avenir avec confiance, il faut lui fournir fréquemment l'occasion d'être actif et de sentir qu'en lui quelque chose de bon se développe. Les éducateurs de la jeunesse devraient être des professeurs d'optimisme.
On ne peut pas souligner la faute irréparable que l'Ecole commet en abrégeant notre enfance. Répétons-le : on oblige trop tôt l'écolier à parler la langue des adultes ; on lui enseigne trop tôt la science et la sagesse des adultes ; et on lui impose beaucoup trop souvent l'immobilité des vieillards. Ainsi, en lui faisant jouer un rôle qui n'est pas pour lui, on lui fournit quotidiennement l'occasion de constater sa maladresse et son ignorance. Il n'y a pas là de quoi le rendre joyeux.
(...) à supposer que les mauvaises notes soient nécessaires lorsque l'élève accomplit avec un zèle tout à fait insuffisant les corvées indispensables, se justifient-elles encore dans le cas où le maître a été incapable d'intéresser et d'émouvoir ses jeunes auditeurs ? Dans ces cas-là, qui est le coupable ?
La science qu'on inculque à l'écolier ne facilitera pas beaucoup ses rapports avec les être et avec les choses au milieu desquels il vivra : elle adoucit seulement son contact avec ses examinateurs, le jour du baccalauréat. Parmi tous les cadeaux que l'Ecole nous a faits, il y en a beaucoup d'inutilisables. Elle nous a trop souvent parlé des faits isolés, des éléments que le savant étudie dans son laboratoire. Cela ne nous a pas rendus plus perspicaces et plus adroits, nous qui errerons jusqu'à la fin dans le monde des choses vivantes.
Ce serait déjà une bonne école, celle-là où, chaque jour, pendant quelques minutes, l'enfant serait émerveillé ou, simplement, étonné par ce qu'on lui révèle. Il y a un âge où l'on s'étonne facilement.
(...) non seulement l'indignation que l'ignorance des mauvais élèves provoque chez beaucoup de pédagogues est ridicule, mais, en outre elle n'est pas sincère. Si ceux qui enseignent songeaient à leur propre ignorance, à leur ignorance inévitable, ils conserveraient leur sérénité lorsqu'un collégien de quatorze ans se permet, par exemple, de confondre Philippe-Auguste avec Louis-Philippe. Ce cancre sera peut-être plus tard un homme de grande valeur.
(...) J'aime la joie et je déteste la contrainte. Je ne voudrais voir dans mes leçons que des enfants confiants et joyeux, qui joueraient passionnément avec tous les problèmes. J'étais fait pour être l'entraîneur de mes élèves, et non pas leur maître.