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Critique de ValentinMo


Trentième livre de Philip Roth, « le Rabaissement » constitue le troisième volet du quatuor « Nemesis » dont les thèmes sont, pour l'essentiel, la vieillesse, la fatigue sexuelle, la proximité de la mort. Pour rappel, Nemesis est la déesse de la vengeance mais aussi la messagère des dieux, annonciatrice du trépas. Adapté sur grand écran en 2015 avec Al Pacino en rôle principal, on ne peut s'empêcher de faire un lien entre ce drame en trois actes autour d'un comédien vieillissant et Philip Roth lui-même qui avait écrit cet avant-dernier ouvrage avant son décès en 2018.

Simon Axler, soixante ans passés, est un des comédiens les plus célèbres de sa génération. Unanimement acclamé par le public et la critique, les succès s'enchaînent au théâtre. Au faîte de sa gloire, voilà que cet Américain perd soudainement confiance en lui et se sent incapable de remonter sur scène : du jour au lendemain, il se retrouve incapable de rejouer les grands rôles qui ont fait sa réputation. Au bord du suicide, il décide de se faire interner quelques semaines dans un hôpital psychiatrique. Mais rien n'y fait : sa femme le quitte, sa dépression persiste et Simon continue à vivre en reclus à deux heures de New York. Jusqu'au jour où débarque Pegeen, de vingt-cinq ans sa cadette, la fille d'un couple de ses amis, qu'il connaît depuis son plus jeune âge. Cette jolie quadragénaire a beau assumer son homosexualité de longue date, elle s'éprend du vieux comédien et lui redonne le goût de vivre, réveillant sa libido et attisant ses fantasmes. Au grand dam des parents de Pegeen, ainsi que de son ex-petite amie qui ne cesse de la harceler. Mais un ultime coup du sort renverra Simon dans les abysses dont il se croyait enfin sorti...

Dès la première page, le ton est donné. Il raconte la déchéance de cet acteur de théâtre. Après ces derniers échecs sur la scène le font basculer dans une dépression qui va venir à bout de sa vie conjugale. Dès la 8ème page, Axler pense au suicide, un thème qui revient à plusieurs reprises dans le roman. Mais voilà, il n'a pas la force d'aller au bout de son acte…

La première partie du livre est centrée sur son passé d'acteur, sa nostalgie du succès, sa thérapie ratée, puis sa résignation : il ne peut plus jouer et refuse donc toute proposition. Cette première partie du livre est particulièrement réussie.

On est en revanche moins convaincu par la rencontre avec Pegeen, la fille d'un couple d'acteurs, n'ayant pas connu la même notoriété qu'Axler. Cette relation donne un nouveau souffle à la vie de l'acteur déchu. Lui qui jusque-là vivait en solitaire, se lance à corps perdu dans une relation où chacun semble trouver son compte à sa façon. Une relation qui se caractérise en particulier par une sexualité débridée. Axler se voit toujours comme un raté et trouve dans cette relation de quoi compenser son mal-être, au point de ne rien dire de ce qu'il ressent pour ne pas la perdre. Il y a dans ces pages on ne sait quoi de fabriqué, d'artificiel. Peu crédible.

Dans la troisième et dernière partie, sa relation toujours aussi débridée avec Pegeen se poursuit. Un jour Axler se met à projeter leur relation, à se projeter dans l'avenir, à s'imaginer reprendre le théâtre et à retrouver une certaine confiance à soi. On ressent dans l'écriture de Philippe Roth que le personnage reprend vie et décide d'agir, plutôt que de rester spectateur de sa vie. Mais cet espoir se retrouve subitement anéanti.

Malgré une bonne construction et une réflexion intéressante sur la décadence du corps et de l'esprit, les deux dernières parties s'attardent trop sur cette relation de couple scabreuse.

Certes, les références et clins d'oeil au monde du théâtre sont bien vues, que ce soit les références directes à La Mouette de Tchekhov ou à certaines tirades de Shakespeare, mais la lecture est gâchée par les éternels ressassements et la longue complainte du narrateur qui réussira l'exploit de parvenir de saper le moral des lecteurs les plus optimistes.

Le fait que Philip Roth s'attaque dans ce livre au thème de l'acteur vieillissant, interroge. Philip Roth est connu pour mettre beaucoup de lui dans ses romans. Alors, « le Rabaissement » tient-il de l'autobiographie à peine déguisée ? Peu de temps après ce livre, il annonçait son intention d'arrêter l'écriture, par peur sans doute du coup de trop, à l'inverse de Simon Axler qui n'a pas vu venir le moment de s'arrêter…

En définitive, une belle réflexion sur l'échec, la dépression, le vieillissement, mais qui se perd dans une rencontre un peu tordue et des scènes érotiques répétées qui ne servent pas le propos.
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