AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur La vérité sur la comtesse Berdaiev (20)

Eric s'éloignait d'elle. Il n'était plus ce chevalier servant, toujours disponible, toujours aimant en dépit des rebuffades.
Le désarroi de Maria Berdaiev avait une cause plus profonde : le succès qu'elle connaissait n'était plus celui qu'elle avait souhaité. Ce n'était pas son art qu'on applaudissait, mais sa personnalité factice, mondaine, qu'elle avait si habilement mise en scène. Être reconnue comme une grande artiste, ce rêve n'était pas au rendez-vous. Elle s'était trahie, elle avait trahi ce qui avait le plus compté pour elle : la probité artistique, l'élan pur vers un idéal sans concessions. Pourtant, c'était le but qu'elle recherchait quand elle prenait des leçons de Dunoyer de Segonzac à la Grande chaumière, qu'elle passait ses journées au Louvre à copier les maîtres.
Quand elle jugeait sa production de pastels, si plaisants mais si mièvres, de la sucrerie mondaine dépourvue de force et de caractère, elle en souffrait comme d'une prostitution. .
Commenter  J’apprécie          72
Calfeutré dans sa bibliothèque à l’abri du froid, devant un feu de bois, il écoutait un concerto de Bach joué au piano par Glenn Gould. Il lui semblait que ce n’était pas sur les touches du piano que les belles mains de l’interprète se promenaient mais sur son propre cœur. Comment exprimer cela avec des mots? Combien de pages faudrait-il pour rendre la mélancolie poignante de ce concerto?
Commenter  J’apprécie          60
Merci à @Sertorius
Commenter  J’apprécie          30
A nouveau seul, le président Marchandeau s’abandonna à la méditation. Il sentait une angoisse ancienne remonter à la surface de sa conscience. En politique, à un certain niveau de responsabilité, on ne sait jamais de quoi on est menacé. Le danger est partout. On ne peut faire confiance à personne.
Commenter  J’apprécie          30
Elle s’amusait avec un brin de satisfaction de son habileté à se soustraire aux sollicitations de ses admirateurs. Elle se comparait à un ministre des Affaires étrangères qui doit sans cesse composer avec les directives du gouvernement, les exigences des chancelleries, l’opinion publique, en évitant l’écueil des drames, des ruptures tumultueuses et avant tout le scandale. Sa dextérité lui procurait une sorte de griserie. Mais elle n’ignorait pas, elle en avait une conscience aiguë, que le capital dont elle disposait, qui lui procurait tant de dividendes, était fragile : sa beauté. Aussi fragile que l’emprunt russe, la fidélité en amour, que l’amour lui-même, que la vie ! Surtout, il fallait, dans les emportements amoureux, éviter les faux pas. Elle savait combien les femmes les paient cher. La vie, si clémente aux hommes, ne leur pardonne rien.
Commenter  J’apprécie          30
Aussi cette considération, en avait-il un besoin vital comme une plante l’eau et le soleil. Il en était affamé. Et avec le temps ce penchant ne s’arrangeait pas. Plus il prenait de l’âge et plus la crainte de ne pas voir ses mérites reconnus à leur juste valeur le désolait. Cette promotion de procureur général lui apparaissait donc comme la juste rétribution de sa carrière, correspondant à l’exact point de rencontre raisonnable entre l’estime qu’il se portait et celle qu’il était en droit d’attendre.
Commenter  J’apprécie          20
Il ne trouvait pas convenable comme socialiste prônant l’égalité de s’asseoir sur la banquette arrière de la DS comme faisaient les banquiers, les présidents-directeurs généraux et les hauts dignitaires des deux cents familles. Assis à côté de Roger, il restait près du peuple des travailleurs. Cela ne le satisfaisait qu’à demi. Du moins était-il en accord avec une casuistique en usage dans les congrès de gauche. Le mieux eût été bien sûr de ne pas avoir de chauffeur du tout et de conduire la voiture lui-même. Mais il n’avait jamais réussi à passer son permis. Avoir un chauffeur faisait partie de ses contradictions idéologiques qu’il assumait mal : élu d’une banlieue ouvrière, il n’en habitait pas moins un palais national ; prônant l’égalité, il était servi dans ce palais par une multitude de serviteurs, de cuisiniers et d’huissiers ; favorable à la redistribution des richesses, il vivait somptueusement comme le plus nanti des nantis, damant le pion à ces potentats de la grande bourgeoisie et de la finance dont il stigmatisait les privilèges dans ses discours.
Commenter  J’apprécie          20
Les deux vieilles femmes marchaient dans la neige en se tenant le bras. Elles se soutenaient dans ce sentier pierreux, fouettées par un crachin glacé, avançant dans une demi-brume vers le sommet de la colline. Comme elles l'aimaient cette neige dans laquelle elles glissaient, qui gelait leurs pieds et leurs mains, mais aussi recouvrait d'un manteau blanc les grands arbres dont les troncs paraissaient par contraste plus noirs. Il leur semblait qu'elles étaient transportées par magie dans leur vrai pays, celui qu'elles avaient depuis toujours dans leur cœur, celui qu'elles n'avaient jamais vraiment quitté et qui ne les quitterait jamais. Ni l'âge ni la fatigue ne les détournaient de gravir le sentier.
Commenter  J’apprécie          20
Rien de plus dangereux d’annoncer comme l’avait fait Maria Berdaiev qu’elle était son genre. Et elle avait savamment distillé pendant des semaines des indices propres à piquer sa curiosité et à allumer son âme romanesque. Pas seulement cette réputation de faire des ravages auprès des hommes connus, qui dope toujours les réflexes assoupis de mâle dominant, mais l’éclat de la légende qu’elle traînait comme un sillage lumineux à Megève, à Marbella et au club Suvretta de Saint-Moritz. Éric s’interrogeait sur les raisons qui incitaient subitement Maria Berdaiev à le pousser dans les bras de son amie. Elle n’avait jamais supporté sa liaison avec Sylvie, la petite actrice avec laquelle il vivait, qui peignait comme elle, concurrence qui n’arrangeait pas les choses. Des œuvres naïves, colorées, qui avaient le mérite d’être originales, alors que les pastels de Maria, d’une excellente technique, n’avaient pas de personnalité.
Commenter  J’apprécie          20
La qualité qu’on lui reconnaissait était la prudence. Un avantage dans cette époque troublée mais aussi un inconvénient. Certains, face aux critiques faites contre le régime de la IVe République, ironisaient sur la faiblesse de son projet institutionnel. Cet homme de gauche appartenant à un parti autrefois révolutionnaire, lui-même dans sa jeunesse fervent partisan du mouvement, était devenu conservateur. Il avait du mal à remettre en cause des institutions et un système qui, reconnaissant ses mérites, l’avait placé si haut, et peut-être bientôt plus haut encore. Son projet était de ne rien changer, mais d’occuper le sommet de la pyramide. Limite d’un esprit brillant mais peu inventif, il ne pouvait imaginer la politique autrement qu’elle n’était : critiquable, bavarde, souvent inefficace, corrompue, mais tellement humaine dans sa médiocrité comme dans ses aspirations impossibles.
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (103) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les Amants de la Littérature

    Grâce à Shakespeare, ils sont certainement les plus célèbres, les plus appréciés et les plus ancrés dans les mémoires depuis des siècles...

    Hercule Poirot & Miss Marple
    Pyrame & Thisbé
    Roméo & Juliette
    Sherlock Holmes & John Watson

    10 questions
    5276 lecteurs ont répondu
    Thèmes : amants , amour , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}