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Critique de Alfaric


Je ne me reconnais ni dans les avis de ceux qui ont adoré ni dans ceux qui n'ont pas aimé. Je ne me suis jamais ennuyé, mais je ne me suis pas vraiment emballé non plus. Et comme le disait un ami, parfois c'est long un livre quand ne vient pas le moment qui fait tilt.
J'ai lu dans les critiques des comparaisons avec le sempiternel GRR Martin, Patrick Rothfuss et Scott Lynch. Pour une fois la mention des auteurs bankables du moment n'est pas totalement usurpée.
Comme dans le "TdF", on retrouve des complots, des jeux de pouvoir, des ambitions, des trahisons. Mais la Fantasy à intrigue existait avant GRR Martin, et cela me navre vraiment de devoir le rappeler trop souvent.
Comme dans "Le Nom du Vent", on retrouve un chroniqueur venu confronter un homme à sa légende dans une ambiance volontiers intimiste. Sauf qu'ici ce sont deux hommes confrontés qui sont confrontés à leur légende respectives et que le procédé existait bien avant Patrick Rothfuss.
Comme dans "Les Salauds gentilshommes", on retrouve une ambiance Fantasy à capuche avec d'incessants allers et venues entre le présent et le passé. Sauf que la Fantasy à capuche et la structure en flashbacks existaient bien avant Scott Lynch.
Perso avec cette jeune fille rousse venue chercher une vieille gloire désormais complètement déchue pour sauver un régime au départ idéaliste des intrigues qui le mine… j'ai pensé à la très bonne BD "Le Banni".

Oui mais non. Si on devait comparer Antoine Rouaud, cela serait à Pierre Pevel (d'ailleurs la compassion avec le tome 1 de "Haut Royaume" s'impose). Mais à l'image d'une Robin Hobb il a plutôt axé son roman sur les sentiments de ses personnages principaux comme l'avait fait précédemment chez le même éditeur Henri Lovenbruck ou Magali Ségura. Encore qu'entre Ancien Régime en perdition et République en formation, on sent bien qu'on pioche dans une certaine littérature romantique du XIXe siècle.
Car dans une ambiance très capes et d'épée, Antoine Rouaud transpose une tragédie à la Shakespeare, auteur auquel le naming fait des clins d'oeil (Oratio, Iago…), dans une révolution française fantasmée. Bien fantasmée d'ailleurs puisque la magie du Souffle fait inévitablement penser à la Force de "Star Wars" (il y a quelques situations ou des dialogues qui forment de sympathiques clins d'oeil). D'ailleurs le récit se développe autour d'une lutte entre impériaux rebelles donc acte !

Il brouille les pistes avec des inversions, mais difficile de ne pas voir derrière la révolte des Salines celle de chouannerie, derrière les hésitations d'Asham Ivani Reyes celle du roi Louis XVI et puis au final la récurrence de la phrase « ce n'est pas une révolte mais une révolution » est assez pour ne pas dire très explicite...
On oppose tout au long du roman quel que soient leur camp des gens qui ont des valeurs et qui se battent pour elles et des gens qui ont des intérêts et qui font se battre d'autres personnes à leur place. Tandis que d'un côté on navigue entre optimisme et désillusion, d'un autre côté on retrouve des émules de Fouché, Talleyrand et autres grands résistants de 1946 qui soutiennent un régime avant de trahir au moment opportun pour mieux se recaser dans le suivant… 0 conviction, 0 moralité comme la plupart des dirigeants actuels soit dit en passant.

Le récit se construit autour de la relation mentor / apprenti entre Dun-Cadal le général et Grenouille le chevalier : chacun de leur POV constitue une partie du roman. Ils se complètent ou se recoupent, chacun essayant de remplir le vide de son coeur et de son âme, chacun s'accrochant l'un à l'autre. Cette relation prendre la forme d'une structure en flashbacks à la "Lost" d'une belle fluidité qui ne se contente pas comme tant d'autres d'une alternance à chaque chapitre. Cela se lit si facilement et si rapidement qu'il m'a fallu quelques temps avant de comprendre que les phrases en italique étaient les signes avant coureurs d'un retour au présent…

Mais j'ai eu du mal à accrocher à leur basculement : la manière dont l'ancien assassin de l'empereur s'attache à Grenouille me paraît un peu forcée, et la manière dont Grenouille bascule du pacifisme à une quête de vengeance aussi. La galerie des personnages secondaires moins bien traitée est et c'est bien dommage : la haine au coeur de Logrid, l'homosexualité de Gregory de Page, l'esclave espion Rogant, le généralissime rebelle, le timorée empereur… auraient tous mérité d'être approfondis, sans parler des personnages féminins (Viola, Mildred, Esyld) qui frôlent la poticherie et les méchants trop brutes de décoffrage pour faire trembler un seul instant.
C'est d'ailleurs pour cela que je n'ai jamais réussi à me prendre au jeu : le worldbuilding est trop limité, le dramatis personnae est trop restreint et les différentes figures du roman manquent par trop de tassiture pour que le twist principal basé un gros whodunit ainsi que les autres rebondissements ne fonctionnent avec moi. Il faut malheureusement aussi signaler quelques maladresses qui n'aurait jamais du passer le stade des corrections : la métaphore de la grenouille d'Erain est trop appuyée, quelques tournures tombent à plat comme dans le discours des comices agricoles de "Madame Bovary", 7 regards torves certes, mais aussi des femmes qui sentent lavande et un suremploi des points de suspension qui hache certains passages…

Bref, Antoine Rouaud nous offre un 1er roman assez solide qui ne ménage pas ses efforts pour éviter les écueils du traditionnel tome d'exposition. Loin des stéréotypes voire des classiques du genre, il peut plaire au plus grand nombre : action et émotion, batailles et intrigues, fantasy épique et fantasy à capuche, thématiques politiques et religieuses, développement des psychologies et des sentiments… Un auteur qu'il va être intéressant de voir évoluer !
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