"Viens que je t'adore ; viens que je te caresse,
ma sombre Vanessa (...)" écrivait
Vladimir Nabokov dans "
Feu pâle".
Et c'est ainsi que Vanessa, 15 ans, brillante élève promise à un brillant avenir, succombe aux avances de son professeur de lettres, alors âgé de 42 ans, qui lui susurre ces vers. Des années plus tard, il est accusé d'agression sexuelle par d'autres élèves, qui sollicitent Vanessa pour qu'elle les soutienne dans leur démarche, mais elle s'y refuse. A l'ère #MeToo, pourra-t'elle tenir sa position ?
J'ai aimé la façon dont
Kate Elizabeth Russell s'est emparé d'un tel sujet dans le contexte actuel, pour en faire une réflexion pertinente et approfondie sur le besoin d'amour, l'illusion du pouvoir, et la notion de consentement chez une adolescente. Sa description fouillée des tourments de Vanessa m'a paru très juste. J'ai également apprécié sa décomposition du processus de manipulation du pédophile, et sa représentation du rôle toxique des réseaux sociaux et des médias dans ce genre d'affaires.
Le roman alterne deux périodes : les années 2000 et 2017, et j'ai été impressionnée par la façon dont l'auteur tord les deux récits en un noeud complexe et très nuancé. Il est aussi énormément question de
Nabokov, et notamment de "
Lolita" à laquelle Vanessa s'identifie, mais elle est ici la narratrice, et jamais elle ne se considère comme victime. Ce faisant, Russell met intelligemment en exergue toutes les questions qui se posent dans la zone grise du consentement, et c'est assez salutaire.
C'est donc une lecture perturbante, mais enrichissante, et avant tout un beau portrait de battante (même si cette sombre Vanessa n'est pas sympathique) ; une belle réussite pour un premier roman.