Il n'y a que des larmes qui apparaissent sur mes joues. Je ne suis même pas certaine qu'elles viennent de mes yeux quand je pleure de cette façon. J'ai plutôt l'impression qu'on me tord telle une éponge.
Une longue après-midi, Strane m'explique que je dois mon prénom à Jonathan Swift, l'écrivain irlandais, lequel a un jour fréquenté une femme qui s'appelait Esther Vanhomrigh, surnommée Essa.
- Il a disloqué son nom, et en réassemblant les lettres éparses, a crée quelque chose de nouveau, m'apprend Strane. Van- essa est devenue Vanessa. Est devenue toi.
Il retire sa main de sous ma jupe et se glisse comme du liquide hors de sa chaise, s'installe par terre. A genoux devant moi, il pose sa tête sur mes genoux et dit :
- Je vais te détruire.
Je suppose que c'est vers moi qu'il se tournera dans dix ou quinze ans, lorsque son corps commencera à se dégrader. Voilà comment, à mon sens, cette histoire d'amour se terminera probablement : moi, fidèle comme un chien, laissant tout tomber et faisant tout mon possible, tandis que lui prend, prend, prend.
Quand Strane et moi nous sommes rencontrés, j'avais quinze ans, et lui quarante-deux. Pratiquement trente années parfaites nous séparaient. C'était ainsi que je décrivais à l'époque la différence entre nous : parfaite. Trois fois mon âge - ce chiffre me plaisait. Comme il était simple d'imaginer trois "moi" en lui : un moi autour de son cerveau, un autre autour de son coeur, et le troisième, à l'état liquide, coulant dans ses veines.
Mais c'est bon de le voir culpabiliser. Il s'assied à côté de moi, prend mon visage dans ses mains.
- Tu es parfaite. Tu es parfaite, tu es parfaite, tu es parfaite.
Je ne suis pas une victime parce que je n'ai jamais voulu en être une, et si je ne veux pas en être une, alors je n'en suis pas une. Voilà comment ça marche. La différence entre le viol et le sexe est un état d'esprit.
Elle ne comprenait pas à quel point il était horrible de regarder votre corps jouer dans quelque chose que votre esprit ne cautionnait pas.
Parce qu'il existe une autre possibilité pour celles qui en ont le courage : court-circuiter les garçons, passer directement aux hommes. Des hommes qui ne vous feront jamais attendre, des hommes qui sont affamés et sont reconnaissants qu'on leur accorde des bribes d'attention, des hommes qui tombent tellement amoureux de vous qu'ils se jettent à vos pieds.
Toutes les femmes intéressantes ont eu des amants plus âgés qu’elles dans leur jeunesse. C’est un rite de passage. À l’entrée, vous êtes une fille, et à la sortie, vous n’êtes pas tout à fait une femme, mais vous vous en rapprochez. Vous êtes une fille plus consciente d’elle-même et de son pouvoir. La conscience de soi est une bonne chose. Elle mène à la confiance en soi, permet de connaître sa place dans le monde. Grâce à lui, je me suis vue d’une façon que je n’aurais jamais vue avec un garçon de mon âge.