Non ils n’approuvaient pas, surtout mon grand-père. A 85 ans, presque 86ans, on ne divorce pas. On n’installe pas de salle de gymnastique et on accepte de se faire aider pour refaire son intérieur. Et d’ailleurs on ne refait pas son intérieur a cet age-là. Ni son extérieur. Ni rien.
Une quinzaine de jours plus tard, le chef de service convoqua mon père. Le médecin était préoccupé et n'y alla pas par quatre chemins.
Mieux valait dire la vérité, en un bloc :
– Monsieur Bonheur, je vais être clair : impossible de le garder plus longtemps. Tout le service est à bout et dans quelques temps, c'est nous qu'il faudra interner !
Alors il nous raconta. Je n'en perdis pas une miette. Napoléon jouait au bowling dans les couloirs avec des bouteilles d'oxygène, rendait visite aux autres malades pour leur proposer des parties de bras de fer, multipliait les allusions grivoises quand les infirmières entraient dans sa chambre et, depuis peu, les poursuivait pour leur mettre une main aux fesses.
– Et le pire, voyez-vous, le pire de tout, c'est qu'il détraque tout ce qui ressemble à un compteur. Il remet tous à zéro en hurlant : salaud !