« Je me suis bien rendu compte que la théorie d'Etienne ne tenait pas la route, car il était véritablement amoureux ; à mon avis, c'est toujours sympa de voir une théorie se casser la figure, c'est le monde qui s'échappe et court entre les mailles du filet. ».
Et ça, des théories sur le monde, Victor en a des tas.
Des folles, des rock'n roll comme la voiture Panhard de son père, des timides et sensibles comme son succès avec les études.
Il y en a des choses qui lui échappent.
A commencer par son meilleur ami Haïçan qui se dit turc d'origine égyptien. On peut être turc et égyptien à la fois ? Et pourquoi fête-il Shabbat ? Il dit que comme les champions d'échec, il a toujours un coup d'avance, il peut faire ce qu'il veut.
C'est vrai que c'est une tête ce Haïçan, un sacré numéro !
Pas comme Victor qui creuse un fossé grand comme la faille de San Andrea de San Francisco entre les bonnes et les mauvaises notes. En attendant que la connaissance de Haïçan déteigne un peu sur lui comme une mauvaise teinture ou le foudroie pendant une répétition de Guitar Hero, Victor suit son inspiration et cache les rouleaux de papier toilette du collège.
Et puis un jour, cette foudre, elle est tombée ! Un petit nuage roux tout mousseux parmi la foule. Et savant avec ça !
Marie-José la belle était devenu son nord-ou peut-être son sud, il ne savait pas trop-, il suffisait qu'elle s'approche un peu pour qu'il est très chaud. Avec elle, il s'est abreuvé à la fontaine du savoir, elle lui donnait des cours afin de rattraper ses notes en berne et grâce à elle, il ne confondait plus Kamasutra et Tiramisu-plus pratique pour redemander une autre part-.
Un monde de questions et de curiosité commençait à pointer le bout de son nez sous les réseaux gluant de sa cervelle, c'était juste là !
Et puis un jour, lui et elle, elle et lui, vont partager d'avantage.
Marie-José perd la vue. Et pour reculer l'inévitable, Victor va être les yeux de la belle pour que ses notes à elles n'en pâtissent pas et qu'elle ne soit pas placée dans une école spécialisée. Délaissant la réparation de la Panhard, Haïça et ses potes des rock, les frangins Etienne et Marcel, Victor va se montrer aussi inséparable qu'un shewing gum à la fraise collé aux basques hésitantes de
Marie-José.
: le tome 1 de la série de
Pascal Ruter est drôle et sensible, vraiment, avec cette histoire de tourtereaux rapprochés par le secret de la cécité de l'un d'eux.
Les événements sont racontés par Victor, avec son ton de parole, franc, parfois irréfléchi, des confidences comme à un bon copain, livrant ses hésitations, ses bourdes, ses révélations sur l'amour, ses gags potaches, ses échanges incongrus entre potes et sur la vie.
Tous les personnages sont hauts en couleurs sans pour autant que le trait soit forcé. Victor est un cancre gauche mais habile de ses mains, attachant, facétieux, bien conscient de sa position incommodante dans un système qui lui réclame d'être plus savant qu'il ne l'est. Son ignorance est drôle, on ne peut s'empêcher de sourire, de rire devant autant de sincérité mais il découvrira par lui-même au fur et à mesure que sa valeur se place bien au delà des notes même si il aurait bien besoin que se produise un miracle avec ses relevés de notes.
Et la lumière fut ! Ecarlate comme une chevelure flamboyante d'une
Marie-José, qui ravit son coeur. La jeune violoncelliste fond totalement devant le caractère de Victor et va l'aider à se récupérer en mathématique, le français et lui faire découvrir bien plus.
Ses yeux curieux vont s'ouvrir d'avantage tandis que ceux de
Marie-José vont se voiler et il va avoir l'impression de voir pour deux, décortiquant les choses, appréhendant que les autres ne découvrent le handicap, observant le courage de la belle devant son autonomie qui la quitte progressivement.
«
Le coeur en braille », c'est la petite vie d'ado d'un fond de la classe nommé Victor, qui grandit, se dépasse, trouve sa place parmi des amis plus doués aux cultures intellectuelles, qui connaît l'amour, profite des bons moments père-fils sans maman, découvrira les difficultés du handicap, assumera les erreurs de pulsions hormonales comme un grand.
Même si les mots ne le témoigne pas toujours de façon adroite et pleine de tact, Victor se montre en tout cas fin, très psychologue sur le monde qui l'entoure. A noter sa relation avec « Lucky luke » son surveillant ou celle avec sa professeur de collège.
Un bon roman sur le problème de la cécité.
C'est sympa et il y a des suites, en plus !