La famille de Jade, c'est la famille témoin comme peut l'être un appartement. Une famille qu'on pourrait faire visiter dans un ou deux siècles quand l'idée même de famille aura totalement volé en éclats. Des parents normalement affectueux, normalement chiants, normalement exigeants, normalement inquiets, normalement névrosés, normalement normaux.
La vérité nue est là : il y a quelques années, un gars a traversé cette cour, il s’appelait Jean-Paul, et ce n’était pas encore son père. Il lui ressemblait et écoutait le Walkman qu’elle porte à la ceinture. Il lui était évidemment impossible d’imaginer que sa propre fille, au même âge, appuierait sur la touche rewind et remonterait le temps pour connaître le secret de sa mort.
Si du moins on peut ètre libre quelque part. On est toujours un peu prisonnier. Quand ce n'est pas des autres, c'est de soi. Et de ses souvenirs. p237
Il y a quelque chose qui décidément ne lui revient pas dans cette affaire. Peut-être parce qu'il ne s'agit pas vraiment d'une enquête. Dans la plupart des affaires, on sait au moins qui on poursuit et pourquoi. Il y a un ou plusieurs coupables, une ou plusieurs victimes, un motif à peu près clair. Globalement ça fonctionne comme ça. Mais là.... Les rôles sont curieusement distribués. Ni vrais coupables, ni vraies victimes.
Il n'arrive plus à raisonner. Il doit s'asseoir, poser les choses. Des centaines d'idées s'entrechoquent dans sa tête comme des boules de billard. L'air se fraie un chemin de plus en plus difficile dans sa gorge et ses poumons. La nausée étend son emprise sous forme de longues racines. Il a très chaud, les murs de sa chambre se rapprochent insensiblement.