Eleanor n'avait pas pris le déguisement d'une jeune fille. Elle était une jeune fille. Je m'attendais à la voir affublée de quelque tenue empruntée à Olivia. Elle portait un tailleur d'été sobre et élégant. Le seul changement : sa chevelure qu'elle avait coiffée en arrière en deux nattes.
- Julien, ai-je l'air d'une collégienne ?
- Non, Eleanor, pas du tout.
- Ca me rassure. Alors, ce... cinoche ?
Le mot, dans sa bouche, prononcé à la manière d'Olivia, avait un effet comique.
Je vais essayer de lire un peu, dit il, pour me laver de cette prose insipide.
Ne vous attristez pas, mon cher, tout est pour le mieux … Laissez moi.
Je lui réciterai, puis je lui donnerai ma démission en lui flanquant ma main sur la figure …
Parfois je rêve que les phrases deviennent des parfums volatils et qu'ils pénètrent dans ma cervelle par mes narines ou mes yeux
Ma fille cultive le mutisme.
Roland procède la foucades : tantôt pie, tantôt une tombe. Et, l'Oncle vit dans sa cathédrale........
Dois-je ajouter que cet état ne m'a jamais quitté?Aujourd'hui encore,malgré l'âge,malgré le temps ,dans ma petite officine de la rive gauche,je le connais encore.J'ai la même faim,les mêmes enthousiasmes,le même état d'attente qu'en mes jeunes années.La différence vient peut-être de ce que je ne lis plus pour meubler ma solitude mais pour accompagner le dénuement et l'abandon des autres.
Si je me retirais dans mes livres,je n'étais plus hors la vie,je rencontrais tant de gens ,inconnus ou célèbres,je recevais tant de messages,j'analysais tant de caractères ,je vivais dans le monde du travail et de l'action.Mon temps de méditation ne risquait-il pas de rétrécir?Or cette existence partagée entre les travaux quotidiens et le plaisir des rencontres me rendait ,je le crois,meilleur.Les personnages de Flaubert ou de Stendhal,par-delà le génie des romanciers,je les distinguais mieux,je voyais des visages.Aucune image,portrait,photographie,cinéma,illustration,ne pouvait se comparer aux fruits de la création mêlés à cet imaginaire que les auteurs faisaient naître en moi.
On ne refuse pas à ceux qui ont peu.
Il est vrai que je préfère parler du temps qu'il fait plutôt que du temps qui passe.
le temps lèche les plaies, les cicatrise.
une joie incompréhensible m'habita.
Etais-je heureux ou malheureux ?
Sans doute les deux ensemble.
Et cette eau qui coulait sur mes joues,
j'ignorais si c'était de la pluie ou des larmes.