Fées, sorcières, diablesses : Les plus beaux contes, d'Homère à Pierre Gripari

Ses pensées vagabondaient, encore troublées par le tumulte de la nuit. Avait-il été sage, après tout, d'abandonner le monde, de quitter ses amis et sa famille et de se retirer loin de tout, à cause de la méchanceté d'une jeune fille ? Impossible de se leurrer et de se prétendre à soi-même qu'il s'était fait ermite par une quelconque aspiration à la sainteté, pareille à celle qui animait les anciens anachorètes. En vivant dans un tel isolement, n'aggravait-il pas en réalité le mal qu'il cherchait à soigner ?
L'idée lui venait seulement à présent que peut-être il était justement en train de se conduire comme le rêveur inutile, le sot oisif que Dorothée l'avait accusé d'être. C'était une faiblesse de sa part que de s'être laissé affecter par un refus.

Une jeune fille reçut une goutte d'eau sur la joue. Elle leva les yeux au ciel, mais n'aperçut aucun nuage. Elle s'essaya d'un revers de manche et, sans en avoir conscience, fit disparaître une larme de fée.

Bella fut très affligée de le voir mettre des lunettes ; en effet, qu'y a-t-il de plus familier, de plus intime chez l'homme que les yeux ? Aussi est-ce un bien grand malheur quand la faiblesse de la nature nous oblige à interposer ces morceaux de verres entre nous et ceux que nos aimons.

Bella avait entièrement oublié qu'elle n'était allée chercher le petit homme merveilleux que pour en tirer le moyen d'approcher du prince aimé d'elle ; maintenant cet enfant surnaturel, découvert aux prix des plus grands dangers, occupait toutes ses pensées.

Ce que mes yeux me révèlent me suffit, déclara-t-il. Je n'ai pas besoin de l'aide d'un miroir.

Il se refusait à croire qu'un miroir pourrait un jour lui révéler une Séphora différente de l'adorable et exquise créature dont les baisers lui brûlaient encore les lèvres.

Le regard bleu-gris de Séphora l’interrogea, intense et tendre à la fois, pareil à celui de quelque déesse païenne de l'amour. Sans omettre le moindre détail, il lui raconta sa rencontre avec le loup-garou.

Néanmoins, l'enchantement qui avait fendu sur lui avait en quelque sorte endormi son sens du danger.

-Il n'y a rien à craindre, dit-elle dans une voix pareille à la coulée de miel chaud. Les loups ne m'attaquent pas, qu'ils soient seuls ou à deux.

Pas à pas, elle émergeait de l'eau de moins en moins profonde et ce faisant, elle découvrait des hanches et des cuisses dignes des Vénus de l'Antiquité.