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Critique de Lamifranz


Le 31 juillet 1944, un avion Lockheed P-38 Lightning disparaît au-dessus de la mer Méditerranée, quelque part entre la Corse et le continent. Antoine de Saint-Exupéry, pilote et écrivain, entre dans la légende. Dans ses papiers, on trouve un épais manuscrit intitulé Citadelle. Ce n'est pas une oeuvre achevée mais un brouillon, une succession de notes, de méditations, que l'auteur se réservait plus tard de mettre en ordre. Dans un souci d'authenticité, c'est en l'état (à peine retouché pour la publication) que l'éditeur Gallimard décide de l'offrir au public.
Citadelle est donc une oeuvre à part, ni roman, ni essai, dont l'aspect chaotique et confus, sans fil rouge apparent, peut déconcerter le lecteur. Mais ne nous y trompons pas, tout Saint-Ex est là. On a pu parler, au sujet de ce livre de "testament littéraire" de l'auteur du Petit Prince. C'est bien sûr un jugement a posteriori, Saint-Ex avait encore beaucoup de choses à dire, sur lui, sur nous, sur la guerre, sur la France, sur la vie et sans doute sur la mort. Citadelle n'est pas l'aboutissement de son oeuvre, c'en est une des composantes, écrite justement en parallèle de celle-ci.
C'est pourquoi on retrouve dans Citadelle, tous les thèmes chers à Saint-Ex : l'amitié et l'amour, la place de l'Homme dans l'univers, l'action et l'engagement, Dieu et sa Création, et plus que tout, l'idée du "lien" entre les hommes, condition absolue et nécessaire pour le vivre-ensemble sur cette terre.
Le récit en grande partie prend la forme d'un dialogue entre un père, seigneur du désert, et son fils, destiné à prendre sa succession. Tous les sujets sont abordés et traités d'un point de vue philosophique, puisque le but n'est rien moins que d'acquérir une forme de sagesse, basée justement sur cette communion entre les hommes.
Notre Saint-Ex est tout là. Surtout celui de Terre des hommes et du Petit Prince. Et pourtant, en y regardant bien, nous pouvons déceler (comme dans Pilote de guerre ou Lettre à un otage) une certaine amertume, un certain désenchantement, la guerre sans doute y est pour beaucoup, tout comme les déceptions politiques et sentimentales. Mais que voulez-vous, on n'est pas chercheur d'absolu sans se heurter à des obstacles ni sans se brûler les ailes...
"Car j'ai vu trop souvent la pitié s'égarer". le Saint-Ex qui écrit ça n'est plus le Saint-Ex de Terre des Hommes qui nous racontait avec une extrême compassion l'histoire de Bakr, l'esclave noir affranchi. Il y a aussi dans Citadelle des paroles sur l'autorité et sur la notion d'ordre, qui peuvent dérouter. C'est que Saint-Ex constate amèrement que la fonction spirituelle se perd, et qu'on s'éloigne petit à petit des valeurs éternelles, et que le pouvoir, quel qu'il soit, est une chose pas facile à gérer.
Reste que Citadelle est une somme qu'il faut avoir lue, pour la profondeur philosophique, pour la leçon d'humanisme, pour le style aussi qui, quasi biblique, se fait parfois incantatoire, avec une parfaite efficacité (cf la magnifique "Prière de la solitude" au chapitre 124).
Pour la forme, à rapprocher de Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra) et plus encore de Khalil Ghibran (Le Prophète)

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