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Critique de Lamifranz
Saint-Ex, on le sait, fait partie de ces écrivains dont la vie et l'oeuvre sont intimement, inextricablement liées, et qui se nourrissent l'une de l'autre : de son expérience de pilote, de ses aventures vécues au-dessus des mers et des océans, dans les Andes, au coeur du désert, et plus tard dans les grands chamboulements de la guerre, l'auteur a tiré de beaux récits où l'épique va de pair avec l'authentique, qui nourrissent une réflexion profonde et humaniste. Inversement, l'écriture, et l'introspection qui l'accompagne, font naître une sagesse personnelle qui influe sur sa vie et ses décisions. En schématisant, on pourrait représenter un graphique avec une courbe montante où l'action primerait sur la réflexion, qui culminerait avec la guerre, puis une courbe descendante où la réflexion peu à peu prendrait le pas sur l'action. le point le plus élevé, le point de bascule, en quelque sorte (bien que tout se fasse dans une belle continuité) coïnciderait avec la guerre, et plus particulièrement le séjour en Amérique, qui a vu naître « le Petit Prince » et « Pilote de guerre ».
« Courrier Sud » est le premier roman de Saint-Ex. Et avec « Vol de nuit » le seul qui mérite vraiment ce titre. C'est un récit fictionnel avec des personnages inventés, ce que ne seront pas « Terre des Hommes » ni « Pilote de guerre ». Pour autant, l'investissement personnel est déjà acquis, presque totalement : Jacques Bernis dans ce qu'il fait, dans ce qu'il dit, dans ce qu'il pense, c'est déjà Saint-Ex tout entier, corps et âme, expérience et pensée.
Au tout départ, c'est une nouvelle « L'Aviateur », parue en 1926 (trois ans avant « Courrier Sud »), dans le « Navire d'argent », une revue où travaille son ami Jean Prevost. On y trouve en germe tous les éléments qui feront « Courrier Sud » : c'est l'histoire d'un pilote, Jacques Bernis (le nom est déjà là) qui vole (c'est le cas de le dire) de mission en mission, la dernière lui est fatale. Il n'est pas inutile de citer le billet de Jean Prévost qui accompagne cette nouvelle :
« Saint-Exupéry est un spécialiste de l'aviation et de la construction mécanique. Je le rencontrais chez des amis, et j'admirais beaucoup la force et la finesse avec lesquelles il décrivait ses impressions, quand j'appris qu'il les avait notées. Je souhaitai vivement les lire ; je crois qu'il perdit son récit, puis le reconstitua de mémoire (il compose tout de tête avant de rien écrire) et le remit dans la nouvelle dont on vient de lire ici des fragments. Cet art direct et ce don de vérité me semblent surprenants chez un débutant. Je crois que Saint-Exupéry prépare d'autres récits » (Jean Prévost).
« Courrier Sud » reprend la même histoire : Jacques Bernis est un pilote de la compagnie Latécoère (comme l'auteur), sur une ligne Toulouse-Casablanca-Dakar. C'est un homme solitaire qui cherche le sens de sa vie dans cette existence d'aviateur, en lutte avec les éléments. Est-ce une fuite devant la « vraie vie », celle d'en bas, celle aussi de Geneviève, cette femme mariée dont l'amour peut-être aurait pu le combler ? Peut-être. Personne ne sait, lui non plus, du reste.
D'emblée, Saint-Ex limite son territoire : il y a la description, à la fois technique, épique et (déjà) très poétique du « métier » de « laboureur de l'espace » (terme qu'il reprend souvent dans son oeuvre), doublée d'une réflexion sur l'engagement, l'action, l'héroïsme quotidien. L'histoire d'amour qui court en filigrane le long du roman, apporte une caution romanesque à l'ensemble, et sert plus de faire valoir à l'avion, que de véritable moteur de l'histoire.
Un premier livre qui, certes, n'a pas la puissance d'évocation de ceux qui suivront. On sent le tâtonnement de l'homme qui a une main sur le manche à balai et l'autre sur un porte-plume. Mais déjà tout notre Saint-Ex est là. Et nous ne sommes pas près de le quitter !
« Courrier Sud » est le premier roman de Saint-Ex. Et avec « Vol de nuit » le seul qui mérite vraiment ce titre. C'est un récit fictionnel avec des personnages inventés, ce que ne seront pas « Terre des Hommes » ni « Pilote de guerre ». Pour autant, l'investissement personnel est déjà acquis, presque totalement : Jacques Bernis dans ce qu'il fait, dans ce qu'il dit, dans ce qu'il pense, c'est déjà Saint-Ex tout entier, corps et âme, expérience et pensée.
Au tout départ, c'est une nouvelle « L'Aviateur », parue en 1926 (trois ans avant « Courrier Sud »), dans le « Navire d'argent », une revue où travaille son ami Jean Prevost. On y trouve en germe tous les éléments qui feront « Courrier Sud » : c'est l'histoire d'un pilote, Jacques Bernis (le nom est déjà là) qui vole (c'est le cas de le dire) de mission en mission, la dernière lui est fatale. Il n'est pas inutile de citer le billet de Jean Prévost qui accompagne cette nouvelle :
« Saint-Exupéry est un spécialiste de l'aviation et de la construction mécanique. Je le rencontrais chez des amis, et j'admirais beaucoup la force et la finesse avec lesquelles il décrivait ses impressions, quand j'appris qu'il les avait notées. Je souhaitai vivement les lire ; je crois qu'il perdit son récit, puis le reconstitua de mémoire (il compose tout de tête avant de rien écrire) et le remit dans la nouvelle dont on vient de lire ici des fragments. Cet art direct et ce don de vérité me semblent surprenants chez un débutant. Je crois que Saint-Exupéry prépare d'autres récits » (Jean Prévost).
« Courrier Sud » reprend la même histoire : Jacques Bernis est un pilote de la compagnie Latécoère (comme l'auteur), sur une ligne Toulouse-Casablanca-Dakar. C'est un homme solitaire qui cherche le sens de sa vie dans cette existence d'aviateur, en lutte avec les éléments. Est-ce une fuite devant la « vraie vie », celle d'en bas, celle aussi de Geneviève, cette femme mariée dont l'amour peut-être aurait pu le combler ? Peut-être. Personne ne sait, lui non plus, du reste.
D'emblée, Saint-Ex limite son territoire : il y a la description, à la fois technique, épique et (déjà) très poétique du « métier » de « laboureur de l'espace » (terme qu'il reprend souvent dans son oeuvre), doublée d'une réflexion sur l'engagement, l'action, l'héroïsme quotidien. L'histoire d'amour qui court en filigrane le long du roman, apporte une caution romanesque à l'ensemble, et sert plus de faire valoir à l'avion, que de véritable moteur de l'histoire.
Un premier livre qui, certes, n'a pas la puissance d'évocation de ceux qui suivront. On sent le tâtonnement de l'homme qui a une main sur le manche à balai et l'autre sur un porte-plume. Mais déjà tout notre Saint-Ex est là. Et nous ne sommes pas près de le quitter !
