Penser vous procure des sensations si douces qu’elles paraissent vous effleurer la peau, elles vous caressent les paupières comme un rayon de soleil, quand la nostalgie laisse place à l’instant, cet instant où tout est pos-sible, où les absents sont présents, où les morts retrouvent la vie, où les lèvres se rejoignent, où le souffle peut se taire à jamais. Car un instant, ça peut durer longtemps. Dans la pensée, un instant, c’est éternel.
Sur le palier, à la lucarne étroite, je laisse mes pensées se noyer dans le gris du ciel. J’aime ce moment, la ville se tait, le souffle est très léger, et les rues sont désertes. J’aimerais pouvoir fumer une cigarette, comme dans les livres. La cigarette devait donner à ces moments de solitude une telle solennité, une telle sérénité. Ça doit combler tous les vides, on s’oublierait juste dans les vapeurs, dans les mouvements légers, mécaniques, des doigts, des lèvres, et des pensées.
C’est que les rêves se tiennent toujours à distance, ils vous regardent de loin, prêts à s’évanouir, et ils vous toisent, et ils vous narguent, les rêves. Et plus on s’approche, plus ils s’éloignent, plus on avance, et moins on s’approche, et plus ils reculent, et ils vous narguent, ces sales rêves. C’est comme l’amour.
J’ouvre le livre, et le souffle se tait, il s’évapore aussi vite que la haine, parfois.