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Citations sur China et la grande fabrique (10)

- Vous voulez savoir ce qu’est le rouge ? Connaître toutes les nuances de bleu ? Assister au triomphe de l’or ? Suivez-moi !
Désiré avait entraîné ses arpètes dans le quartier des bouchers, où, à certaines périodes de l’année, on promenait les reliques de saint Aurélien et d’autres saints. L’occasion rêvée de leur faire prendre un bain de couleurs.
(...) Ils s’étaient engagés à la suite des reliques se balançant au-dessus de la procession dans la rue Torte, sans conteste la plus ignoble de la cité, qui ondule comme un serpent entre les maisons noires à colombages où les bouchers de Limoges naissent, grandissent, se marient, élèvent leurs enfants, équarrissent, dépècent, thésaurisent et meurent.
Mon père avait toujours pris soin d’éviter ce ghetto nauséabond, fuyant la vue des tripous pendants et déchiquetés, des foies gluants entremêlés de jambons salés, des têtes bleuies, auréolées de guêpes, et du sang ruisselant sur les pavés.
Avec leurs longs manteaux sur leurs vêtements d’Arlequin, leurs pantalons de velours à grosses côtes, leurs chapeaux d’un vert graisseux, amollis et assombris par les ans et le suif, leurs merlins et leurs lardoires, les riches bouchers de la Haute-Vienne faisaient figure de parfaits repoussoirs.
Toutefois, en ce jour d’ostension, revêtus de pourpre et d’or, porteurs de croix et de bannières, ces princes de sang paraissaient presque beaux.
(...)
- Souvenez-vous du quartier de bœuf de Rembrandt, mes enfants, peint comme une crucifixion, ou du saint mélancolique représenté avec un crâne et une bougie, ou des anges de lumière planant au-dessus des charniers. L’éternel et le cadavérique, l’immaculé et le putréfié, indissociables !
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Alors Désiré se prit par la main et s’aventura rue Monte-à-Regret, qu’il n’avait pas revue depuis son enfance. Il suffoqua au souvenir des condamnés en robe rouge qui prenaient cette montée pour gagner la place d’Aine où était dressé l’échafaud.
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Ils allaient pointer aux Casseaux, la manufacture des frères Alluaud, chez Pouyat fils, chez Molter, chez Baignol ou chez Gibus (...)
Anselme dépeignit brièvement à son ami l’enfer des noiricauds. Après la cuisson, ils devaient pénétrer à l’intérieur des fours pour récupérer les pièces brûlantes. La chaleur était suffocante. Pour se protéger, ils n’avaient que leurs mitaines et des sacs de jute mouillés, jetés négligemment sur les épaules. Il fallait agir vite, sans respirer, avec cette sensation de griller et de se racornir en même temps que l’on procédait à l’extraction des gazettes encore rouges. On sortait tout ruisselant de la fournaise, les oreilles cloquées, le gosier aussi desséché, disait Fontange, que si Lucifer vous avait roulé une galoche. Le plus dur était de retourner au feu. Penser aux barons qu’on sifflerait après la corvée permettait d’accomplir un nouvel acte de banal héroïsme. On commençait par y laisser poils et cheveux, on finissait par y laisser sa peau. On mourait jeune à l’enfournage, le plus souvent d’une cirrhose.
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Dans moins d’une heure, la belle médoquine serait sur nous, noire comme l’enfer, accompagnée de nuées cataclysmiques, couleur de laves à peine refroidies. Comme leur nom l’indiquait, ces soudaines tempêtes, fréquentes en été, venaient du Médoc, au sud-ouest, et répandaient leur voile funèbre, troué d’éclairs silencieux, sur toute la presqu’île d’Arvert, des falaises de Saint-Georges à la batterie de Terre-Nègre, des dunes de la Coubre au parc de Marennes.
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Il n'avait pas d'épithètes assez dures pour incendier Limoges. On lui avait parlé de capitale des arts du feu baignant dans un perpétuel été indien et il découvrait, par temps de chien, la capitale des trous perdus.
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- Comme toi, j’ai dû vendre mes cheveux à la foire de la Saint-Loup. Comme ça, une partie de nous va connaître la grande vie.
Elle voulait parler de leurs chevelures qui, piquées sur des perruques ou assemblées en postiche, ouvriraient le bal de la Saint-Sylvestre à Vienne, glisseraient le long des canaux d’Amsterdam, patineraient sur la Neva gelée, participeraient au carnaval de Venise ou joueraient au whist dans quelque club très fermé de Londres.
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- Sais-tu ce qu’est un homme, hurla Désiré en lui barrant la route ?
- ...
- Un homme est la somme des coups qu’il a reçus. Une femme est l’addition des ruses qu’elle a commises et des mensonges qu’elle a dû faire pour survivre. Les femmes ont toujours de l’avance sur nous, mon garçon. Ne cherche pas à comprendre pourquoi, c’est dans leur nature. D’abord elles t’escroquent, ensuite elles te croquent. Avant même d’avoir engagé la partie, nous avons perdu.
- Vous avez connu beaucoup de femmes, vous ?
- Je me suis souvent fait avoir, oui !
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Ces tranchées, ces cratères, ce monde sens dessus dessous, tout ça, mon ami, c’est la faute au chemin de fer. Je m’explique. Les premières voyageuses, madame Péconnet en tête, découvrent la capitale. Elles se pâment, s’extasient, louent la locomotive à vapeur qui les met à huit heures seulement du jardin du Luxembourg et du Bon Marché. En rentrant au bercail, ces dames voient Limoges d’un autre oeil. Pouah ! l’horrible souillon. Et de réclamer à grands cris becs de gaz et assainissement des bas-fonds...
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Quoi qu'il en soit, papa m'avait préparée à tout sauf à cela, je veux dire à sa mort en pleine vie. Ou alors, je n'avais rien compris à sa pédagogie, cette fameuse science de l'effacement qu'il cultivait parfois à l'excès.
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Chapus s'enivrait du relent des vieilles bicoques, ce mélange de latrines et de lessive qu'il n'aurait pas échangé contre tous les parfums d'Orient. L'odeur du petit peuple, de la misère qui s'ébroue et bat son linge pour rester digne. Il aimait ce moment particulier où l'humanité se prépare à reprendre le combat. Il se sentait proche de ces gens qui luttaient pour leur survie. Un jour, un jour prochain, ils sortiraient de la nuit, ils se feraient entendre.
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