Marcher jusqu'au soir m'a intéressée mais ne m'a pas plu.
Intéressant tout ce qui concerne les oeuvres de Giacometti et en particulier « L'homme qui marche », que ce soit dans les descriptions ou les analyses de la signification de l'oeuvre artistique, de même que la biographie du sculpteur et peintre qu'elle esquisse rapidement vers la fin après en avoir évoqué quelques épisodes auparavant ; intéressant aussi tout le questionnement de l'artiste sur l'échec, sur la mort, et le rapport de l'art et la mort. Mais le texte comporte bien d'autres aspects. A l'origine la possibilité pour la romancière de passer une nuit entière au Musée Picasso à l'occasion d'une exposition jumelée Giacometti/Picasso. Pour originale qu'elle soit, et rare, l'expérience est-elle si enrichissante que cela ? Il faut croire que non puisqu'elle l'aborde avec mauvaise humeur et qu'elle n'en tire rien de particulier, sinon un malaise qu'elle souligne en répétant une bonne dizaine de fois qu'elle est mal installée, assise, allongée sur son lit de camp avant de conclure au matin qu'elle « décampe ». Tout ça pour ça ?
Pas tout à fait parce que c'est surtout l'occasion de parler d'elle, de ses révoltes et de ses états d'âme. A priori rien de scandaleux à cela mais je la trouve poseuse et pas toujours cohérente. le texte commence par un violent réquisitoire
contre les musées, qu'elle réitère p. 201. Si elle les déteste tellement pourquoi continue-t-elle à les fréquenter et surtout pourquoi accepter la proposition qui lui est faite ? Les récits de son passé montrent son intelligence, son mérite à être devenue ce qu'elle est en sortant d'un milieu très modeste et d'origine étrangère. Manifestement il s'agit d'une femme brillante et talentueuse. Elle était psychiatre avant de se lancer dans une carrière littéraire où elle est reconnue.
Mais je n'aime pas sa façon de s'exprimer. Elle semble survoltée en permanence usant et abusant de répétitions, d'anaphores, de phrases qui n'en finissent pas… et tout cela au service de sa révolte
contre le marché de l'art… Quelle dérision ! Son écriture est emphatique, parfois pédante (à propos du dévouement de Diego à son frère « je pourrais presque parler d'oblation si je ne redoutais sa valence religieuse ». Est-ce pour compenser qu'elle utilise quelques grossièretés ou des familiarités qui tombent comme des cheveux sur la soupe ? Par exemple qu'elle écrive que ses parents « parlaient le français comme des vaches espagnols » est insupportable sous sa plume car elle ne peut pas ignorer que la formule n'a aucun sens. Ses choix relèvent de la posture, voire du snobisme. Elle s'écoute écrire et c'est dommage !