Hugo de la Nuit

Hugo aurait dû ressentir de la peur, de la terreur même, à planer au-dessus du monde dans les bras d’un fantôme. Mais tant que l’image de sa mère demeurait au chaud dans son esprit, l’enfant ne craignait rien.

Mais les enfants ont ceci de commun avec les autres animaux qu'il est impossible de leur cacher la vérité des choses.

Si les cimetières sont des lieux de mémoire, celui-ci semblait avoir été conçu pour inspirer l'oubli.

Quant à son mari ... Juste un fanatique écolo ! N'avait-il pas fait clôturer le domaine, obligeant la famille de Balibari, l'une des plus anciennes de la région, à renoncer aux chasses à courre qu'ils pratiquaient depuis des générations ? Et que penser des millions que le couple dilapidait pour sauver des animaux de ferme, d'Afrique ou du Groenland alors qu'ils n'avaient jamais proposé le moindre sou en faveur du Noël de l'école, des fêtes de la Saint-Jean ou de la réfection du clocher qui manquait de s'effondrer chaque fois qu'on sonnait l'angélus ? Circonstance aggravante, on les suspecta d'être végétariens lorsqu'on réalisa qu'en douze ans, ils n'avaient jamais franchi la porte de chez Fidoli, le boucher du village, sinon pour acheter le poulet rôti hebdomadaire destiné au chien.

- A ce sujet, tu ferais mieux de m'offrir mes cadeaux d'anniversaire maintenant, parce qu'on risque tous de mourir cette nuit !

- Sans blague ? ironisa Oscar. Ta mère a prévu de faire la cuisine ?

Il n'est jamais prudent de laisser des êtres imaginaires prendre leurs aises dans la réalité. A ne plus les distinguer du rêve, la raison court parfois un grave danger, comme en témoignent ces guerres menées depuis la nuit des temps au nom de personnages qui n'ont jamais existé.

- Vous vous êtes fait mal, maman ?
- Oui ! C'est affreux ! C'est piquant ! C'est glacé ! C'est brûlant !
- C'est la vie ! répliqua son fils d'un ton fataliste et subtilement satisfait.

Longtemps, les enfants pensent qu'ils obtiendront toujours des réponses. C'est en réalisant peu à peu leur erreur que l'euphorie de la jeunesse commence à s'estomper.

Il n'est jamais prudent de laisser les êtres imaginaires prendre leurs aises dans la réalité. A ne plus les distinguer du rêve, la raison court parfois un grave danger...

Hugo aurait dû ressentir de la peur, de la terreur même, à planer au-dessus du monde dans les bras d'un fantôme. L'enfant n'éprouvait pourtant qu'un sentiment d'abandon, tout au plus teinté d'une vague d'appréhension.