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sur 151 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'effet d'un oxymore (enfin presque), ce titre associé à la photo de couverture. Quel rapport entre cette fillette costumée et "Gueule d'amour"? La petite fille de la photo est bien l'auteur du livre, Goliarda Sapienza. Elle revient dans ce roman autobiographique, écrit dans les dernières années de sa vie, sur son enfance singulière à Catane, en Sicile, dans les années 30. Elle grandit au sein d'une famille d'intellectuels, socialistes pour les uns, anarchistes pour les autres, davantage préoccupés de choses "importantes et vitales" telles que "Le Bien du peuple", "le Progrès", "la Douleur du monde" que des contingences domestiques. Entre une mère militante et fascinante, un père avocat des pauvres, charismatique et séducteur, une tribu de demi-frères et soeurs, Goliarda grandit assez libre, mais non sans principes (gagner son argent de poche, ne pas s'en remettre à quelqu'un, notamment un homme, pour résoudre ses ennuis...). Elle fréquente assez peu l'école, gangrénée par la propagande fasciste mais se nourrit des lectures de la bibliothèque familiale, tente de comprendre Diderot et Voltaire avec l'aide d'Ivanoé, le demi-frère chargé de sa formation intellectuelle. Quel rapport, disais-je, entre Goliarda enfant et le célèbre acteur au regard bleu acier ? C'est une fascination en forme d'identification, à croire que la demoiselle, biberonnée à l'idée d'insoumission, cherche à se démarquer de tous les modèles que sa famille entend lui proposer. Elle qui évolue dans le quartier populaire de la Civita où son père est tenu informé de ses moindres faits et gestes, a trouvé dans cette identification à l'acteur, un espace de liberté et de rêve. Elle analyse sa vie et ses émotions à l'aune de ce que Gabin aurait dit ou fait, elle transpose son moi sur cet homme à la fois doux et viril. Il l'accompagne et la rassure quand ses proches semblent oublier qu'elle n'est qu'une enfant. Elle ne se contente pas d'aller voir ses films au cinéma, elle les étudie pour mieux se l'approprier.
On l'aura compris, le matériau de ce livre est riche et pourtant, j'ai eu le sentiment de passer un peu à côté (surtout dans la première partie). L'écriture est belle, c'est indéniable mais par moment, j'ai été quelque peu perdue dans le propos, notamment dans certains passages où elle emploie "nous" pour parler d'elle et du Jean imaginaire à ses côtés. La relecture que j'ai entreprise atténue cependant cet effet. L'identification entre la fillette et l'acteur m'a semblé, de prime abord, un peu artificielle ( le livre débutant en trombe sur cette idée) mais il faut reconnaître qu'elle est bien défendue, nourrie, argumentée tout au long du roman et que j'ai fini par l'intégrer.
En somme, c'est un livre que j'ai appris à apprécier pleinement, en le relisant, en y repensant, ce qui est peut être préférable à un enthousiasme immédiat suivi de peu d'effets.

Lien : http://leschroniquesdepetite..
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Roman autobiographique écrit par Goliarda Sapienza à la fin de sa vie, Moi, Jean Gabin revient sur les années 30, où petite fille, elle passait plus de temps dans les rues de Catane ou au cinéma, qu'à l'école. Ses parents, ses nombreux frères et soeurs, les amis et compagnons de lutte de la famille, formaient une tribu recomposée et libertaire où le plus important était de penser par soi-même, de mériter par un petit travail les quelques pièces pour aller assister, du balcon, à la séance tant attendue. Car Goliarda admirait la liberté et la force de Jean Gabin, son jeune âge lui faisant confondre l'homme et ses rôles. Déambulant dans les rues, d'un basso (petit logement misérable d'une seule pièce) à un autre, elle imitait la démarche de son héros, se frottait au petit monde des rues siciliennes.
Cette enfance parfois idéalisée, voire fantasmée, émaillée d'évènements familiaux qu'elle évoque assez peu, forme une trame passionnante, avec en fond sombre et menaçant, la montée du fascisme. Ce court roman, au ton enjoué et frondeur, mis en valeur de très belle façon par les éditions Attila (extraits de manuscrits, photos, biographie détaillée accompagnent le texte) me donne envie de découvrir le roman principal de l'auteur : L'art de la joie.
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J'ai découvert Goliarda Sapienza avec L'art de la joie et je ne voulais pas rater cette autobiographie écrite à la fin de sa vie. Dans ce court récit, l'auteur nous montre surtout le caractère et l'éducation libérale de Goliarda enfant. Les évènements familiaux qui sont pourtant nombreux (voir la chronologie en fin de livre) ne sont ici qu'évoqués brièvement.
L'émotion du livre est liée au ton de la petite Goliarda. "Garçon manqué", elle "n'a pas sa langue dans sa poche". Et c'est toute la magie de l'enfance face à la cruauté du monde (misère, guerre, fascisme) qui est ici mise en lumière.
" Nous ne sommes pas affamés! Et si parfois nous n'avons pas d'argent, c'est que nous n'exploitons personne, cher oncle. Et puis Marx aussi souffrait de la faim pour écrire le Capital."
Il faut dire que l'enfant a une éducation particulière de la part de sa famille recomposée, famille d'intellectuels socialistes. L'école n'est pas plébiscitée par peur de l'endoctrinement fasciste et c'est dans les rues de la Civita, un quartier de Catane ou avec sa famille que Goliarda découvre les arts et la morale. Les enfants sont encouragés à gagner eux-mêmes de l'argent pour entretenir leur passion.
La passion de Goliarda, c'est Jean Gabin qu'elle découvre au cinéma et il devient son idole, sa référence physique et morale. Elle s'accroche à ces devises sur les rêves qui la pousuivront sûrement dans son métier d'écrivain.
" Se tenir toujours accroché au rêve, et défier jusqu'à la mort pour ne jamais le perdre."
" Il ne faut pas laisser la vie détruire le rêve."
" ne pas gagner d'argent en réduisant le rêve à un petit récit commercialisable."
C'est donc un superbe roman d'initiation avec une jeune enfant effrontée et intelligente qui nous donne une vision de la vie en Sicile dans les années 30 face au fascisme. Goliarda nourrit ici ses futurs engagements politiques et familiaux.
"Rien ne meurt, tout finit et recommence, seul l'esprit de la lutte est immortel, de lui seul jaillit ce communément nous appelons Vie."
Lien : http://surlaroutedejostein.o..
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Catane, Sicile, les années 30. La petite Gioliarda sort du cinéma en roulant des mécaniques. C'est décidé, elle sera Jean Gabin, ou tout au moins elle vivra comme lui! Elle court comme une dératé vers la maison familiale, où ses parents et ses innombrables frères et soeurs sont un îlot bien détonnant dans un pays où le fascisme monte en flèches. Intellectuels de gauche, ils élèvent leurs enfants avec beaucoup d'amour mais parfois un brin d'inattention, trop préoccupés par la cause du peuple, et s'intéressent bien moins de savoir si leur dernière va à l'école que si elle sait démêler les mensonges de la dite école. Elle pousse comme une herbe folle, la petite Gioliarda, et par ses yeux, c'est à une plongée vers le rêve que nous sommes conviés. Son demi-frère l'entraîne vers la bibliothèque familiale et voici son éducation assurée, assortie de quelques bons principes (l'argent de poche doit se gagner par exemple, pour ne jamais dépendre de personne), et quand les fascistes viennent tout casser à la maison et emmènent certains des frères, elle part en expédition acheter de la viande rouge à mettre sur les yeux pochés...
J'avoue avoir été déboussolée par les trente premières pages mais ensuite je me suis laissée emportée au gré des cavalcades dans les rues siciliennes et ce court texte m'a surtout donné envie : 1) d'aller en Sicile, 2) de découvrir le reste de l'oeuvre de l'auteur!
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Les années d'enfance de l'auteure durant lesquelles elle a voué un culte à l'acteur Jean Gabin, jusqu'à s'identifier à lui, son héros, son idole de tous les instants. Comme un refuge dans ces années de fascisme. Bénéficiant d'une éducation très libre et anticonformiste dans une famille d'intellectuels socialistes, elle mène une vie plus ou moins insouciante à Catane, malgré un climat trouble et inquiétant.
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Goliarda Sapienza évoque ici son enfance en Sicile dans les années 30 alors que le fascisme s'enracine dans la société italienne. La dimension biographique importe ici assez peu, car l'auteur évoque les événements (familiaux, politiques, etc.) plus qu'elle n'en parle véritablement. Goliarda Sapienza écrit qu' « il ne faut pas laisser la vie détruire le rêve ». On pourrait dire que cette citation synthétise la vie d'une femme qui n'aura pas renoncé à ses idéaux et tient également de manifeste littéraire mis en oeuvre dans « Moi, Jean Gabin ». Car l'autobiographie tient plutôt de la reconstruction fantasmée. Goliarda Sapienza se vit en Jean Gabin, dont elle admire la force et la détermination dans « Pépé le Moko ». Jean Gabin est son référent, le modèle dont on doit se montrer digne et à l'aune duquel il convient de juger son propre comportement. Tout le travail autobiographique est donc en quelque sorte détourné : il ne s'agit pas tant de la vie vécue que de la vie voulue – à l'époque comme sans doute rétrospectivement. En un sens, cette autobiographie dépasse donc largement le cadre de l'enfance car elle pose les principes d'une vie, celle de Goliarda Sapienza, sans doute plus utiles pour comprendre l'auteur qu'une succession d'événements chronologiques.
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Ce récit autobiographique plonge le lecteur au coeur de l'Italie fasciste de l'entre-deux guerres. L'auteur, Goliarda Sapienza, y évoque avec passion les souvenirs qui ont marqué son enfance passée à Catane, en Sicile. Les anecdotes qui émaillent son récit mettent en lumière le cheminement vers l'âge adulte d'une enfant drôle, sensible, exubérante et surtout étonnamment mature, qui évolue dans un environnement familial et social peu ordinaire.
Comme chez n'importe quel autre enfant, l'imaginaire tient une place importante dans la vie de Goliarda. Son modèle à elle, celui qui la fascine et auquel elle s'identifie, c'est Jean Gabin. Il l'aide à maîtriser ses sentiments mais aussi à faire face à certaines situations, parfois difficiles à gérer pour un enfant.
Moi Jean Gabin est un roman joyeux et enthousiaste qu'il faut impérativement déguster avec lenteur pour mieux en apprécier toute la richesse et la poésie.
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"Se tenir toujours accroché au rêve, et défier jusqu'à la mort pour ne jamais le perdre."

Goliarda Sapienza est née en 1924 à Catane, en Sicile. Sa mère, syndicaliste et journaliste, et son père avocat étaient des socialistes (mais de vrais socialistes, pas la version édulcorée de 2012) et des militants antifascistes. Ils avaient aussi des enfants de leur précédente union formant ainsi une famille recomposée avant l'heure, comme une très grande tribu.

Croiser une voix authentique et vraiment nouvelle en littérature est un bonheur, comme la voix de cette petite fille qui se prend pour Jean Gabin. Dans ce livre retraçant ses années d'enfance dans les ruelles animées de Catane, on rencontre cette môme au grand coeur, avide de connaissances, modelant son comportement et ses actions sur la famille de seigneurs dans laquelle elle vit – modèles d'intégrité et de courage, n'abandonnant jamais la rébellion contre la loi du plus fort - ses parents, son oncle et ses demi-frères qui ne remplissent pas leur rôle de frères à moitié, au milieu de la répression et des intimidations des fascistes au pouvoir.

Les modèles de Goliarda se cristallisent dans la personne de Jean Gabin, archétype du seigneur, et elle revoit sans relâche ses films pour s'imprégner de lui. Elle rêve de devenir lui, d'avoir sa vie et mesure chacun de ses actes à l'aulne de ce que lui aurait fait : Gabin aurait-il eu assez d'argent pour se payer un avocat ? Gabin était-il athée ? Gabin se serait-il abaissé à des chamailleries avec une femmelette ? ...

“Ses yeux bleus – ceux de Jean, bien sûr – rêvaient d'une femme qui serait comme un fleuve, un grand fleuve languide et vertigineux s'en allant nourrir la mer de ses eaux limpides. Voilà ce que j'ai appris de lui, et pour moi la femme a toujours été la mer. Entendons-nous, pas une mer dans un élégant cadre doré pour fanatiques du paysage, mais la mer secrète de la vie : aventure magnifique ou désespérée, cercueil et berceau, sibylle muette et sûre réponse, espace immense où mesurer notre courage d'individualistes endurcis, à nous, voleurs du riche et bienfaiteurs du pauvre, d'accord sur une phrase brève et précise : « Toujours en dehors de tous les pouvoirs établis » ; seuls, mais avec l'orgueil de connaître la rectitude propre aux outsiders."

Un livre pour ne jamais oublier ce qu'est un idéal.
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Autre temps, autre lieu : nous voilà plongés dans la Sicile fasciste et pauvre des années 30. Contexte peu réjouissant que la petite Goliarda Sapienza va éclairer de sa narration complice.
« Si quelque chose ne te convainc pas, rebelle-toi toujours. »
Un vent de liberté souffle sur ses pérégrinations dans les rues de la Civita, quartier populaire de Catane, et les conversations de cette famille de socialistes engagés nous soulèvent dans un tourbillon de réflexions philosophiques.
Élevée à l'école de la rue, des livres et de la famille, loin des établissements pour écoliers fascistes, Goliarda est déterminée, sensible, pressée de vivre et toujours prête à une joute verbale. Dans sa quête pour trouver les quelques piécettes qui lui permettront d'aller visionner au cinéma "Quai des Brumes" dans lequel figure son modèle, Jean Gabin, elle nous fait découvrir son monde « où tout pouvait arriver et où tout le monde trouvait le moyen de traficoter, voler, créer, rivaliser, et aussi de gagner honnêtement son pain si l'on était né honnête ».
Légèreté et joie de vivre, malgré les vicissitudes de la vie. Toujours.
Petite perle de la littérature qui donne le sourire et que j'ai dévorée en deux jours.
Lien : https://tsllangues.wordpress..
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Moi, Jean Gabin, c'est l'histoire de l'enfance de Goliarda Sapienza, en Sicile, à Catane au début des années 30 où le fascisme se développe à vitesse grand V, elle qui grandit dans une famille engagée très à gauche, et où les hommes de la famille sont souvent emmenés pour être tabassés à cause de leurs convictions politiques.

L'auteur a rédigé ce texte à la fin de son existence, c'est donc très autobiographique, on y découvre sa vie au sein de ce quartier populaire de Catane, la Civita, où son père, avocat, défend vigoureusement les moins aisés.

Issue d'une famille recomposée, la jeune Goliarda, dernière d'une tripotée de 7 enfants, mène une vie insouciante et déambule dans les rues, flânant, son activité favorite, suivant des gens comme dans un jeu de pistes jusqu'à se perdre. L'école? Très peu pour elle la plupart du temps, son frère Ivanoé est chargé de son éducation, et de toute façon son professeur lui fait peur.

Le fil conducteur du récit c'est la passion de la jeune Goliarda pour le cinéma (qui l'amènera plus tard à travailler pour Visconti), mais plus particulièrement pour Jean Gabin, à qui elle voue quasiment un culte. La compréhension qu'elle possède de son jeu d'acteur, la connaissance qu'elle a de tout ses films et la façon qu'elle a de s'identifier à lui, en imitant ses attitudes, sa démarche et sa vision du monde impressionne de maturité pour une petite fille de son âge.

Les difficultés financières sont présentes, la faim parfois aussi, bien que la famille soit soudée et ne manque de rien, cela façonne la petite Goliarda et la fait rentrer dans le monde des adultes rapidement, où elle devient capable grâce à sa tchatche de marchander avec eux, de souvent extorquer une lire ou deux à son oncle, qui d'ailleurs en tant qu'anarchiste, se désolidarise de la vision du monde des parents de Goliarda, vision alternative intéressante.

C'est une introduction parfaite pour qui veut découvrir l'oeuvre de Sapienza, elle qui a été boudée pendant de nombreuses années pour L'art de la Joie, son plus grand livre devenu aujourd'hui une oeuvre majeure de la littérature italienne contemporaine, mais jugé trop contestataire et féministe à l'époque, il aura fallut attendre le succès en France pour que les éditeurs Italiens daignent s'y intéresser.
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